Bien que Daech ait perdu la quasitotalité de son territoire en Iraq et en Syrie, il possède encore les moyens financiers qui le soutiennent pour survivre et recommencer ses activités. D’où l’importance de ne pas donner à l’organisation terroriste l’occasion de se reconstituer. C’est dans cette optique qu’a été organisée mercredi 25 et jeudi 26 avril, au siège de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) en France, une conférence sur la lutte du financement du terrorisme, avec une intervention du président Français Emmanuel Macron. Comment assécher le financement du terrorisme, tel était le thème de la conférence intitulée « No Money For Terror » qui a réuni, deux jours durant, près de 500 experts et 80 ministres de 72 pays, pour échanger leurs expériences et leurs « bonnes pratiques » sur cet aspect, qui vise surtout les groupes Daech et Al-Qaëda.
« Il faut assécher le terrorisme à la racine : il se nourrit des trafics d’êtres humains, de drogues ou d’armes. Il y a toujours un sous-jacent économique. Pour être efficace nous devons prendre l’engagement de la transparence et de la mobilisation », a déclaré Macron qui a baptisé « Coalition de Paris » la réunion de ces 72 pays signataires d’une déclaration commune et a annoncé que l’Australie « avait accepté d’organiser la prochaine réunion de cette coalition » en 2019, « pour avancer concrètement sur l’agenda ainsi défini ». Lors de cette conférence, le procureur de Paris François Molins a révélé qu’un total de 416 donateurs ont participé au financement de Daech. Selon lui, ils ont envoyé leur contribution à des collecteurs du groupe terroriste établis en Turquie et au Liban.
Le financement du terrorisme se fait à travers différents organes. « Les cartes prépayées, les dons aux associations humanitaires, les dons aux collecteurs, le recours à certains modes virtuels de paiement, tout ça fait qu’au bout du compte des organisations peuvent recevoir ce type d’argent et préparer un certain nombre d’actions en France ou à l’étranger », a indiqué le magistrat français. Les experts se sont aussi alarmés d’un « micro-financement » du terrorisme alimenté par des sommes « modiques mais en nombre important ».
Une lutte sur plusieurs fronts
Un exposé a été présenté par Peter Neumann, directeur de l’International Center for the Study of Radicalisation du King’s College de Londres, auteur en août d’une étude remarquée intitulée Don’t follow the money (Ne suivez pas l’argent), dans lequel il estimait que « la guerre au financement du terrorisme telle qu’elle est menée depuis 2001 a souvent été coûteuse et improductive ». Les enquêteurs et services antiterroristes du monde entier ont été au cours des dernières années confrontés à des attentats ou des tentatives d’attentats, surnommés « terrorisme low cost », qui ont mobilisé de très petites sommes d’argent, difficiles, voire impossibles à tracer et repérer à l’avance. Une source à la présidence française a admis que les attentats, qui ont été commis sur le sol européen ou nordaméricain, coûtent certes très peu d’argent.
« Mais les groupes terroristes, qu’ils soient au Levant, au Sahel ou en Asie se comportent comme des organisations, qui ont des coûts de fonctionnement, de structure. Il faut recruter, former, équiper. Oui, il y a le terrorisme low cost, mais il faut aussi traiter le financement de ces organisations », indique la source lors de la conférence. L’argent est le nerf de la guerre d’où vientil donc ? Les sources de financement sont variées : activités criminelles, donations, trafics irréguliers et contrebande. Selon l’Elysée, entre 2014 et 2016, Daech a accumulé un énorme trésor de guerre, de l’ordre d’un milliard de dollars par an. L’organisation a puisé de l’Iraq, des ressources naturelles comme le pétrole. Elle a aussi pillé les banques de Mossoul, levé l’impôt, et fait de la contrebande d’antiquités. En trois ans, Daech a amassé 2,5 milliards de dollars.
Daech aujourd’hui, Al-Qaëda hier, ont de plus investi dans des entreprises, des fermes, des commerces et des biens immobiliers qu’ils gèrent via des relais. Les terroristes blanchissent l’argent comme le fait la mafia. L’organisation aurait même déjà transféré une partie de son butin au-delà de la zone iraqosyrienne, notamment « en Asie du Sud-est, en Afghanistan, en Libye. Les sommes sont tout aussi impressionnantes pour Al-Qaëda et ses groupes affiliés. En outre, ces groupes sont bien entraînés pour utiliser les techniques les plus sophistiquées pour faire circuler les flux financiers, sur Internet, par cartes prépayées ou encore par monnaies virtuelles ». D’où la nécessité de mener cette guerre sur plusieurs fronts. Dans ce cadre, le chef d’Etat français s’est félicité que les quelque 80 ministres présents aient « parachevé un Agenda de Paris, avec une liste d’engagements forts : le partage de renseignements, la lutte contre l’anonymat des transactions, l’identification des sources de financement, l’anticipation du détournement des nouveaux instruments financiers, l’engagement collectif vis-à-vis des pays vulnérables ou défaillants » .
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