Alors que la crise nord-coréenne était sur le point de dégénérer en confrontation militaire, une détente se profile enfin à l’horizon. Plusieurs évolutions survenues sur la scène politique ces deniers jours mettent en relief la bonne volonté de tous les protagonistes de la crise à mettre fin à cette crise, qui, au-delà de la question nucléaire, oppose les Etats-Unis à la Chine et à la Russie. Après de longs mois de rhétorique guerrière et de propos agressifs avec son homologue américain, Donald Trump, le président nord-coréen, Kim Jong-Un, a fait un changement spectaculaire de stratégie, optant pour une politique d’ouverture envers sa voisine du Sud.
Les prémices de ce revirement ont paru au grand jour pour la première fois lors des Jeux olympiques d’hiver de février dernier. Elles se sont poursuivies depuis, avec des signes de bonne volonté qui vont se concrétiser le 27 avril prochain à l’occasion d’une rencontre rarissime entre Kim Jong-Un et son homologue sud-coréen, Moon Jae-in, qui aura lieu dans la zone démilitarisée de Panmunjeom qui divise la péninsule.
Ce sera le premier sommet du genre depuis une dizaine d’années et le troisième depuis la fin de la guerre de Corée (1950-1953), car le Nord et le Sud ne se sont rencontrés qu’à deux reprises, en 2000 et 2007. Selon les analystes, ce sommet doit permettre le rétablissement d’un véritable dialogue entre les deux pays. « Nous aurons de bonnes discussions avec le Nord. La question de la dénucléarisation de la Corée du Nord est la question sur laquelle nous allons nous concentrer », a affirmé, vendredi 30 mars, le ministre sud-coréen de l’Unification.
Suite à cette rencontre, une autre non moins importante se tiendra prochainement entre les présidents nord-coréen et américain, Donald Trump. La date n’a pas été annoncée, mais le sommet devrait avoir lieu en mai, après que les deux hommes eurent échangé insultes personnelles et menaces. C’est Kim Jong-Un qui a créé la surprise début mars en appelant son homologue américain à un tête-à-tête afin de parvenir à une percée à la crise. Une offre favorablement accueillie par le président américain qui a conditionné la tenue de ce sommet à une dénucléarisation complète de la péninsule et une fin des tests nucléaires et balistiques.
« Ces pourparlers seront couronnés d’un immense succès. Pyongyang veut faire la paix et s’était engagé à ne procéder d’ici là à aucun tir de missile. Un accord avec la Corée du Nord sera formidable pour la planète », s’est enthousiasmé le numéro un américain, martelant que les sanctions contre la Corée du Nord seraient maintenues jusqu’à ce qu’elle prenne des mesures concrètes et vérifiables pour mettre finà son programme nucléaire.
A l’origine de ces signes de désescalade, plusieurs motifs. Côté américain, Trump s’est rendu à l’évidence qu’il a beau multiplier les sanctions contre Pyongyang depuis son accession au pouvoir en janvier 2017, la question n’est pas pour autant réglée. Côté nord-coréen, l’objectif est de réintégrer le concert des nations. « Ni la Corée du Nord ni les Etats-Unis ne veulent que cette escalade dégénère en confrontation militaire. Isolé depuis longtemps sur la scène internationale et proie à de lourdes sanctions internationales qui courbent son économie, Kim Jong-Un a décidé de changer de stratégie dans l’espoir d’aboutir à un accord à l’iranienne.
Le leader nord-coréen veut obtenir une reconnaissance internationale de son régime ainsi qu’une levée des sanctions économiques. Et le nucléaire est un outil de chantage. Pyongyang faisait le maximum de pressions sur les Etats-Unis, C’est un jeu politique », analyse Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
La Chine dans l’équation
Sollicitant le soutien de son allié chinois à la veille de ce sommet historique, Kim Jong-Un s’est rendu à Pékin la semaine dernière pour une visite de 4 jours, une première pour le dirigeant nord-coréen qui n’avait encore visité aucun Etat étranger depuis sa prise de pouvoir en 2011. Une façon aussi pour Pékin de rappeler qu’il a son mot à dire. Durant cette visite, le président nord-coréen s’est entretenu avec son homologue chinois, Xi Jinping, et a promis d’oeuvrer à la dénucléarisation de la péninsule.
« Notre position constante est de nous engager à la dénucléarisation de la péninsule, conformément à la volonté du défunt président Kim Il Sung et de l’ancien secrétaire général Kim Jong Il », a déclaré Kim Jong-Un. Et d’ajouter: « La question de la dénucléarisation de la péninsule coréenne peut être résolue, si la Corée du Sud et les Etats-Unis répondent à nos efforts avec bonne volonté, créent une atmosphère de paix et de stabilité », a-t-il poursuivi.
Avec cette politique d’ouverture, le leader nord-coréen cherche le soutien de son principal allié face à Washington. N’oublions pas que le géant chinois est le premier partenaire économique de la Corée du Nord même si les relations bilatérales s’étaient tendues ces dernières années en raison du soutien croissant de Pékin aux sanctions économiques de l’Onu destinées à mettre fin aux ambitions nucléaires de Pyongyang.
En fait, la Chine était dans une situation embarrassante ces dernières années: d’une part, elle ne peut pas admettre que son voisin communiste possède l’arme nucléaire, mais de l’autre, elle ne peut jamais le priver de son soutien car il va sans doute s’effondrer. Cet éventuel effondrement aurait de lourdes conséquences sur la péninsule coréenne et sur la Chine elle-même, notamment une crise humanitaire et un exode massif des Nord-Coréens vers la Chine. De plus, permettre l’effondrement de la Corée du Nord ouvrirait la voie à une éventuelle réunification de la péninsule sous domination américaine, ce que Pékin n’accepterait jamais.
Dans cette perspective de détente, toutes les diplomaties régionales (Corée du Sud, Corée du Nord, Chine, Russie, Japon) se mobilisent, ces six acteurs ayant un rôle à jouer dans une possible pacification d’une péninsule qui était au bord de l’embrasement .
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