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Après Poutine, Poutine

Maha Al-Cherbini avec agences, Dimanche, 04 mars 2018

Aux commandes de la Russie depuis 18 ans et sans rival de poids, Vladimir Poutine est assuré de remporter la présidentielle du 18 mars. Son nouveau mandat sera pourtant perturbé par les relations tendues avec les Etats-Unis et la crise syrienne.

Il s’agit d’une élection jouée d’avance. Selon tous les sondages, un nouveau mandat de 6 ans semble promis à Vladimir Poutine, l’homme fort de Moscou qui est à la tête du pays depuis 18 ans, si l’on inclut 4 années comme chef du gouvernement, de 2008 à 2012. Face à 7 adversaires, le chef du Kremlin est crédité de 71,5 % d’intentions de vote d’après un sondage réalisé par le Centre russe d’étude de l’opinion publique, très loin devant le candidat du Parti communiste, Pavel Groudinine, crédité de 7,3 %. Selon les experts, l’absence d’opposant sérieux face à Poutine renforce de plus en plus sa position, surtout après la disqualification de son unique opposant de poids, Alexei Navalny, sa candidature ayant été rejetée par la Commission électorale en raison d’une condamnation judiciaire qu’il réfute. Autre facteur à renforcer la position du chef du Kremlin : Poutine est, aux yeux de son peuple, le sauveur de la Russie, car c’est lui qui a aidé le pays à regagner son hégémonie politique et sa croissance économique après la dislocation de l’ex-Union soviétique. Grâce à lui, la Russie est devenue un acteur international incontournable dans la plupart des crises au Moyen-Orient, en Asie.

Sûr de sa victoire, le chef du Kremlin n’a pas tant participé à la campagne électorale qui a démarré le 20 février et devrait prendre fin le 16 mars. A 10 jours de la présidentielle, il s’est contenté de prononcer le 1er mars son discours annuel devant les deux chambres du parlement. Un discours en forme de programme électoral où il a posé les bases de ses priorités économiques et sociales pour son prochain mandat, promettant aux Russes d’améliorer leur niveau de vie, surtout que son dernier mandat a été marqué par une progression de la pauvreté causée par les sanctions occidentales imposées suite à l’annexion de la Crimée en mars 2014. Or, le fait qui a marqué le plus son discours est qu’une partie importante de l’allocution a été consacrée à l’évolution du domaine militaire de la Russie. Pendant près d’une heure, Poutine a surpris en énumérant une série de nouvelles armes russes parmi lesquelles des missiles nucléaires, « vantant » longuement les nouvelles capacités militaires invincibles développées par la Russie face aux nouvelles menaces posées par les Etats-Unis. « Ces nouvelles armes répondent à l’activité militaire des Etats-Unis qui veulent déployer leurs boucliers anti-missiles en Europe de l’Est et en Corée du Sud », a-t-il défié. Il s’agit du message « le plus fort » que Vladimir Poutine ait jamais prononcé à l’égard des Etats-Unis.

Les enjeux du nouveau mandat

Avec ce discours militariste, Poutine semble lancer une nouvelle course aux armements avec Washington à un moment où les relations entre son pays et les Etats-Unis sont au plus bas sur fond de désaccords sur l’Ukraine, la Syrie et les accusations d’ingérence russe dans la présidentielle américaine de 2016. Il semble désormais évident que le principal défi auquel Poutine doit faire face serait les relations de plus en plus envenimées avec Washington. Au lendemain de ce discours militariste, le président américain Donald Trump s’est dit « inquiet » lors d’une conversation téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel. Selon le département d’Etat américain, l’annonce de Poutine sur les nouvelles armes russes « invincibles » montre que Moscou « viole les traités » sur le contrôle des armes. « Nous ne considérons pas que cela soit une attitude digne d’un acteur mondial majeur », a critiqué la porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert. Exacerbant de plus en plus les tensions bilatérales, le Trésor américain a publié la semaine dernière une liste d’officiels et d’hommes d’affaires russes, qui compte plus de 220 noms considérés comme proches de Poutine, qui pourraient être sanctionnés pour punir Moscou de son ingérence dans la présidentielle américaine.

Alors que les relations entre Moscou et Washington se dirigent vers une impasse implacable, le chef du Kremlin semble, au contraire, soucieux de « contenir » ses différends avec le Club européen, surgis après l’annexion de la Crimée. La semaine dernière, le chef du Kremlin a affirmé être prêt à tout faire pour améliorer ses relations avec l’Union européenne. Selon les experts, la Russie compte désormais sur la Belgique pour renouer avec l’Europe. Début février, le premier ministre belge, Charles Michel, a rencontré son homologue russe, Dimitri Medvedev, pour relancer le dialogue et la coopération économique. « Il faut reconnaître que les sanctions n’ont pas changé grand-chose à la situation ukrainienne. Le moment est venu pour relancer le dialogue », a affirmé le premier ministre belge. Il ne faut pas oublier qu’il y a une sorte de dépendance réciproque entre Moscou et l’Europe, surtout que cette dernière compte largement sur le gaz russe. Il est donc dans l’intérêt des deux parties d’améliorer leurs relations. Loin des relations tendues avec les Occidentaux, le nouveau mandat de Poutine sera marqué par l’enjeu syrien. Désormais, le grand dilemme de Moscou serait de stabiliser la Syrie .

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