Entraîner et former les forces africaines sont des défis dans la lutte antiterroriste en Afrique.
(Photo:Reuters)
La déroute de Daech dans les territoires qu’il occupait en Iraq et en Syrie fait en premier craindre une recrudescence du terrorisme dans le Sahel. Et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, la proximité géographique, ensuite le chaos libyen qui fait de ce pays une terre de passage, et enfin, la faiblesse des pays de la région et leur incapacité à combattre efficacement le terrorisme. Les prévisions sont donc alarmantes. Et les Africains en sont conscients. Lors d’une réunion sur les moyens de combattre le terrorisme organisée par l’Union Africaine (UA) et l’Algérie à Oran dimanche 11 décembre, le commissaire de paix et de sécurité de l’UA, Smaïl Chergui, a déclaré que l’Afrique allait faire face au retour de 6000 djihadistes partis combattre en Syrie et en Iraq avec Daech. L’Algérie considère que le retour de ces combattants dans la région est l’une des principales menaces sécuritaires des années à venir. « La menace du futur », c’est par ces mots qu’un diplomate algérien a qualifié les djihadistes qui pourraient choisir le Sahel comme nouvelle base. Une menace d’autant plus grande que ces hommes, bien que vaincus, sont parfaitement formés au combat, et capables de maîtriser l’usage des réseaux sociaux et d’Internet. Et surtout, ils sont convaincus par une idéologie. « Chacun d’entre eux est une bombe », a résumé le responsable algérien lors de la réunion d’Oran.
La force G5, un espoir
En fait, si le Sahel est la région où la menace est la plus grande, c’est aussi parce que cette région est un bastion pour plusieurs autres groupes terroristes de mouvance islamiste, comme Boko Haram, Aqmi (Al-Qaëda au Maghreb islamique) et Al-Mourabitoune (de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar). Or, le Sahel ne représente pas de menace pour l’Afrique subsaharienne seulement, mais aussi pour l’Afrique du Nord, voire l’Europe, notamment à cause de la proximité de la Libye, terreau fertile, tant que le chaos subsistera. C’est dans ce contexte que certains pays européens, avec à leur tête la France, font de la lutte antiterroriste dans cette région une priorité. D’où le projet de la force G5 Sahel qui doit être concrétisé en 2018. Mi-décembre, la France a accueilli un mini-sommet visant à soutenir et subventionner cette force (force antiterroriste soutenue par la France et formée de la coalition de cinq pays de la région du Sahel, engagée dans la guerre contre les djihadistes: Mali, Tchad, Burkina Faso, Niger, Mauritanie). Lors de ce sommet, la coalition a obtenu de nouveaux soutiens financiers pour que cette force voie le jour.
Or, le mandat de cette force de 5 000 soldats ne s’annonce pas facile. Il faut d’abord entraîner et former les forces africaines, qui ne sont pas habituées à ce genre de guerre. Dans ce cadre, la France et la Côte d’Ivoire travaillent ensemble pour mettre sur pied, dès mi-2018, l’idée d’une école de formation des unités d’élite pour combattre le terrorisme, les deux pays espérant que l’école sera un véritable outil de lutte contre le terrorisme prenant en compte le renseignement prévisionnel, les forces d’action, la sécurité et la prévention. Aussi, la mission de la force G5 Sahel est d’autant plus importante que l’expérience a montré que « les Africains détestent les interventions militaires étrangères, et qu’il est plus fructueux que les Africains s’en occupent eux-mêmes », estime Amira Abdel-Halim, experte dans les affaires africaines au Centre des Etudes Stratégiques et Politiques (CEPS) d’Al-Ahram. Mais la France ne peut seule accomplir ce travail, ajoute Amira Abdel-Halim. « Les Africains doivent s’entraider, il y a des pays comme l’Egypte ou l’Algérie qui, avec leur expérience et leur capacité, peuvent participer à ce genre d’entraînement », précise-t-elle.
Autre lueur d’espoir, le fait que Daech et les groupes terroristes déjà sur place ont des idéologies différentes, ce qui provoquera, selon les observateurs, des divergences entre eux. Une fusion est donc imprévisible. « L’idéologie de Daech est basée sur l’idée d’établir un califat, un Etat en quelque sorte. C’est pourquoi ce groupe cherche toujours à s’implanter sur un territoire précis. Tandis que les autres groupes, notamment ceux liés à Al-Qaëda, ciblent les intérêts des Occidentaux dans les pays africains, frappent dans ces pays qu’ils jugent ennemis, ou encore ciblent leur propre gouvernement », explique Amira Abdel-Halim.
Reste une question cruciale: les solutions sécuritaires à elles seules sont-elles à même de combattre le terrorisme ? Non, répond l’analyste. « La pauvreté et le manque de démocratie sont des éléments qui aident ces mouvements à se propager et à recruter. Le développement économique, la démocratisation et le recours à des solutions politiques faciliteront certainement la tâche », conclut Amira.
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