Qui succédera au président iranien Mahmoud Ahmadinejad lors des présidentielles du 14 juin ? Telle est la question qui hante tous les esprits après le dépôt des candidatures qui a pris fin samedi 12 mai.
Le Conseil des gardiens de la Constitution, organe de supervision des élections contrôlé par les conservateurs, est chargé d’examiner le profil des 500 candidats avant de les autoriser à concourir.
Ce Conseil aura jusqu’au 23 mai pour annoncer la liste définitive des candidats éligibles qui auront 3 semaines pour faire campagne. En 2009, près de 500 personnes avaient présenté leur candidature, mais le Conseil n’avait retenu que 4 noms.
A la veille du dépôt des candidatures, le Conseil des gardiens a fait une déclaration « étrange », avertissant les candidats qu’ils ne peuvent se présenter que si leurs opinions sont totalement « identiques » à celles du guide suprême, Ali Khamenei.
« Si nous soupçonnons une quelconque déviance chez qui que ce soit, il sera disqualifié », a menacé Mohammad Momen, membre du Conseil. Analysant les motifs de ce décret, l’expert Mohamed Abbas avance que « Khamenei a appris la leçon. La dernière fois, il a fait un mauvais choix en soutenant Ahmadinejad qui n’a cessé de le défier tout au long de ses deux mandats, ce qui n’est pas toléré en Iran. Cette fois, le nouveau président doit être très fidèle au guide ».
N’oublions pas aussi que l’approche des présidentielles ravive la panique chez les partisans du guide qui tentent d’éviter un mouvement de contestation similaire à celui qui avait suivi la réélection d’Ahmadinejad en 2009. Une réalité semble désormais indéniable : c’est Ali Khamenei qui tient toutes les ficelles du jeu électoral, surtout si l’on sait qu’il a sélectionné les 6 experts en loi islamique et les 6 juges qui forment le Conseil des gardiens.
Les conservateurs dominent
Si l’on jette un coup d’oeil rapide sur les candidats, on peut en déduire que les courants réformistes ont été éteints ou marginalisés et que la plupart des candidats appartiennent au camp conservateur proche du guide.
Les figures de proue, qui se sont inscrites vendredi 10 mai, semblent être le trio : Gholam-Ali Haddad-Adel, conseiller du guide et ancien président du Parlement, Ali Akbar Velayati, ancien ministre des Affaires étrangères, et Mohammad Baqer Qalibaf, maire de Téhéran.
« Je pense que le plus proche de la chaise du président est Ali Akbar Velayati, car il est très fidèle au guide. Il est resté ministre des Affaires étrangères pendant 16 ans (1981-1997). Il a une très bonne relation avec l’Occident et c’est une figure acceptée par Washington, ce qui est très important, car le guide pourrait être contraint prochainement d’entrer dans des négociations avec les Américains pour prévenir une frappe contre son pays », pronostique Abbas.
Mais un nouveau acteur de poids est entré sur scène à la dernière minute et a déposé le 11 mai sa candidature : le conservateur Saïd Jalili, chef des négociateurs nucléaires et représentant du guide dans les discussions avec les grandes puissances.
Connu pour sa position ferme dans les discussions avec les Six, ce vétéran de la guerre Iran-Iraq (1980-88) qui a perdu sa jambe droite durant le conflit a également été vice-ministre des Affaires étrangères (2005-2007). « Même si ses chances sont un peu moindres que celles de Velayati, Jalili a également une chance de réussir car il est très populaire en Iran. C’est un handicapé de guerre et un bon négociateur avec l’Occident », décrivent certains analystes.
Dans le camp des candidats conservateurs modérés, on trouve Hassan Rohani, ancien négociateur sur le nucléaire, qui a sévèrement critiqué Ahmadinejad et a promis de « mettre en place des relations constructives avec le monde » s’il était élu.
Agé de 64 ans, Rohani était représentant du guide au Conseil suprême de la sécurité nationale entre 1989 et 2005. Il a été négociateur chargé du nucléaire jusqu’à ce que Ahmadinejad l’évince en 2005.
A la surprise de tous, un dernier protagoniste de poids est entré en jeu samedi : l’ancien président modéré, Akbar Hachémi Rafsandjani, qui a été au pouvoir entre 1989 et 1997 et préside actuellement le Conseil de discernement, la plus haute autorité d’arbitrage politique du pays. Les réformateurs avaient souhaité qu’il se présente.
Selon les experts, la candidature de Rafsandjani sera probablement rejetée par le Conseil des gardiens car il est devenu l’une des bêtes noires de l’aile dure du pouvoir après avoir publiquement relayé les « doutes » d’une partie de l’opinion sur la régularité de la réélection d’Ahmadinejad en 2009 et avoir critiqué la répression de la contestation qui a suivi.
Scénario à la russe
Parmi les candidatures au scrutin, une est à ne pas négliger : celle du bras droit d’Ahmadinejad, Esfandiar Rahim Mashai, que le Conseil des gardiens a déjà accusé de « déviance ». Il semble qu’Ahmadinejad, qui ne peut pas briguer un troisième mandat, ne soit pas prêt à céder.
Il tente de marcher sur les traces du président russe Vladimir Poutine qui joue aux chaises musicales avec son chef du gouvernement Dmitri Medvedev. « Le guide ne permettra jamais un tel jeu de chaises et le Conseil des gardiens va refuser la candidature de Mashai », selon Abbas.
En définitive, toutes les possibilités sont ouvertes. En Iran, rien n’est jamais sûr et toutes les options sont sur la table. Le souvenir des présidentielles de 2005 est toujours vif dans les mémoires.
Ahmadinejad, maire de Téhéran à l’époque et figure peu connue dans le pays, avait créé la surprise en remportant le scrutin, alors que tout le monde s’attendait à la victoire de Rafsandjani. « En un mot, celui qui va gagner est celui que le guide désignera », conclut Abbas.
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