A trois jours des législatives, le pays est la proie à une grave vague de violences, ce qui n’augure rien de bon pour le scrutin le plus crucial pour la démocratie dans ce pays miné par les attentats talibans et abonné aux coups d’Etat militaires. Cette chaîne de violences, qui a éclaté au début de la campagne électorale le 11 avril, vise les partis laïques et les candidats indépendants aux élections comme le Parti du Peuple Pakistanais (PPP, laïque, au pouvoir) et les membres de la coalition sortante Awami National Party (ANP) et Muttahida Qaumi Movement (MQM). Dernier épisode de violences : Trois personnes ont été tuées dimanche et plus d’une trentaine d’autres blessées dans un double attentat contre un parti laïque, le MQM, à Karachi, capitale économique du Pakistan.
La veille, un candidat du même parti, Saddiq Khattab, a été tué toujours à Karachi. Il s’agit du troisième candidat laïque assassiné dans la foulée des législatives du 11 mai. Depuis le 11 avril, plus de 65 personnes ont succombé dans des violences liées aux législatives. Ces attaques sont perpétrées par les talibans opposés au scrutin qu’ils jugent « contraire aux valeurs islamiques » et qui veulent barrer la route au courant laïque et libéral.
Aussi, les rebelles n’ont-ils pas visé les partis islamistes ou les partis conservateurs opposés à toute alliance avec Washington comme la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de l’ancien premier ministre Nawaz Sharif — favori des sondages — et le Tehreek-e-Insaf (PTI) de l’ex-star du cricket Imran Khan. Forcés à annuler leurs meetings et à faire campagne profil bas, les partis laïques et libéraux, surtout le PPP — symbole de la laïcité — du président Asif Zardari, ont dénoncé une élection « truquée et orientée par avance », en accusant les rebelles de faire le jeu de leurs opposants, et ces derniers d’en profiter.
S’efforçant de faire réussir un scrutin « historique », la commission électorale (ECP) a annoncé dimanche que plus de 600 000 membres des forces de sécurité seraient déployés autour des bureaux de vote pour assurer son bon déroulement. Sur les plus de 73 000 bureaux de vote, 20 000 sont « très menacés », selon la police.
Le rêve de Musharraf tourne au cauchemar
Outre l’assassinat des candidats des partis libéraux, la vague de violences s’est étendue cette semaine pour viser le procureur qui enquêtait sur le meurtre de l’ancienne première ministre Benazir Bhutto en 2007. Chaudhry Zulfikar venait d’obtenir la mise en résidence surveillée de l’ancien président Pervez Musharraf dans cette affaire. Selon les experts, cet attentat était probablement commis par l’un des partisans de Musharraf, qui, en pleine insécurité, a assassiné Zulfikar pour faire pression sur le gouvernement et menacer ceux qui sont actifs dans les procès qui le visent.
Pervez Musharraf a mis fin récemment à quatre ans d’exil pour participer aux législatives, mais son rêve a tourné au cauchemar après que la justice pakistanaise l’eut exclu à vie, la semaine dernière, de toute candidature aux élections et de tout poste politique pour son inculpation dans le meurtre de Bhutto et les « violations » de la Constitution quand il était au pouvoir.
Cette décision est la dernière tuile à tomber sur la tête du général à la retraite, placé en détention provisoire. « Nous nous attendions à ce que les tribunaux soient justes, mais au contraire, ils ont banni Musharraf à vie. Nous pensons que, sous l’autorité de cette commission électorale, des élections équitables ne sont pas possibles, c’est pourquoi nous avons décidé de boycotter le scrutin », s’est insurgé la porte-parole de All Pakistan Muslim League (APML), le parti de Musharraf.
Dans ce tourbillon de menaces, d’éviction politique et de violence ciblée, que faut-il attendre de ce scrutin « historique » ? Même si ce genre de menaces pré-électorales est normal au Pakistan, l’effondrement de la loi constitue une menace sérieuse à la tenue d’élections impartiales et justes.
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