A Moscou, Nicolas Maduro s'est félicité du soutien politique et diplomatique de son homologue russe, Vladimir Poutine.
(Photo:AFP)
Face à une grave crise politique et économique qui secoue son pouvoir depuis avril dernier, le président socialiste Nicolas Maduro s’est lancé cette semaine à la recherche de nouveaux alliés en faisant une tournée en Turquie, en Russie et en Biélorussie. Une tournée qui intervient alors que le Venezuela est de plus en plus isolé, et après que les Etats-Unis eurent imposé de nouvelles sanctions contre ce pays. A Ankara, Maduro a vanté une vision commune avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, d’un « monde différent ». « Nous voulons ouvrir une nouvelle ère dans les relations entre le Venezuela et la Turquie », a déclaré le président socialiste, évoquant « un monde multipolaire où chacun pourrait trouver sa place ». Commentant la situation au Venezuela, M. Erdogan a affirmé qu’il n’y a pas de force plus grande que la volonté du peuple. « Nous pensons que les interventions extérieures ne font qu’aggraver les problèmes », a ajouté le chef de l’Etat turc, affirmant que la compagnie aérienne turque Turkish Airlines va poursuivre ses vols vers le Venezuela alors que de nombreuses compagnies aériennes avaient arrêté leurs vols vers ce pays, de quoi inquiéter le gouvernement vénézuélien qui est en train de « se couper du monde ». A la veille de sa visite en Turquie, le président vénézuélien s’est rendu à Moscou où il a remercié son homologue russe, Vladimir Poutine, pour son « soutien politique et diplomatique ». « Nous voyons que le Venezuela traverse des moments difficiles. Nous avons l’impression que vous avez cependant réussi à établir un contact avec les forces politiques qui s’opposent à vous », a déclaré de son côté le président russe.
En fait, Moscou est lié à Caracas par un accord de coopération militaire. En 2011, la Russie avait prêté à Caracas 2,8 milliards de dollars pour des achats d’armements russes, notamment des chars et des missiles, puis avait décidé de restructurer cette dette en repoussant le calendrier des remboursements. « En fait, Maduro a choisi de se rendre en Turquie et en Russie car ces deux pays ont de grands problèmes avec les Etats-Unis et l’Europe. Il peut donc facilement trouver soutien chez ces deux pays. En plus, la Turquie et la Russie sont deux pays forts économiquement et militairement : elles peuvent l’aider dans la grave crise économique qui secoue son pays, surtout après que Washington eut imposé des sanctions à Caracas la semaine dernière », explique Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Les sanctions imposées par Washington concernent notamment l’interdiction de négocier sa dette et en particulier celle de PDVSA, l’entreprise pétrolière nationale. Le président américain, Donald Trump, a même appelé la semaine dernière l’Union européenne à sanctionner elle aussi « le régime Maduro » largement décrié par l’Occident à cause de la violente répression d’une vague de manifestations hostiles au cours desquelles 125 personnes ont perdu la vie. « Tant que Maduro jouit du soutien de deux pays forts comme la Russie et la Turquie, l’arme des sanctions ne va avoir aucun effet sur son pays », explique Dr Mourad.
Impasse interne
Outre ce risque d’isolement international, le régime Maduro reste confronté à une forte opposition dans son pays. Cette semaine, le gouvernement vénézuélien a impliqué le dirigeant de l’opposition, Leopoldo Lopez, dans un complot présumé pour « renverser » Maduro et a annoncé son arrestation. Outre Leopoldo Lopez, en résidence surveillée depuis juillet, le gouvernement a également impliqué l’ancien policier Oscar Pérez, auteur présumé de l’attaque à la grenade depuis un hélicoptère contre la Cour suprême à Caracas en juin dernier. « L’opposition s’apprêtait à commettre des actes pour priver d’électricité plusieurs zones du pays. En plus de provoquer des perturbations dans les services bancaires, dans les services de l’eau et des combustibles », a affirmé le vice-président Tareck El Aissami. De quoi prouver que toute tentative de réconciliation entre les deux camps au Venezuela reste pour le moment un « rêve lointain ». Mi-septembre, une timide tentative de dialogue entre les deux parties — à l’appel du président dominicain Danilo Medina — était vouée à l’échec, l’opposition annulant sa participation et prenant comme prétexte que le gouvernement n’ait toujours pas désigné de troisième pays garant du dialogue après avoir choisi la Bolivie et le Nicaragua. Selon le gouvernement Maduro, des « batailles internes » au sein de l’opposition réduisent en poudre toute tentative de réconciliation. « L’aile dure au sein de l’opposition refuse tout rapprochement avec le gouvernement, toutefois, les opposants modérés sont partisans d’une réconciliation avec le pouvoir pour mettre fin à cette crise qui sévit dans le pays », explique le politologue. Cette division de l’opposition est à l’origine de l’échec de la première tentative de rapprochement entamée en octobre 2016 sous l’égide du Vatican : la Table pour l’unité démocratique (MUD) — vaste coalition regroupant l’opposition à Maduro — avait gelé ces négociations en décembre, accusant le pouvoir de ne pas appliquer les accords déjà conclus sur un calendrier électoral et sur la libération d’opposants emprisonnés. Pour l’opposition, la principale revendication c’est l’organisation d’une élection présidentielle fin 2018, une revendication complètement rejetée par Maduro.
Désormais, la priorité pour l’opposition est de gagner les élections régionales du 15 octobre afin de mettre fin à l’hégémonie du chavisme qui dirige 20 des 23 régions du pays. « Les deux camps ne vont sans doute pas se réunir avant ce scrutin : ils attendent le résultat pour voir qui va gagner. De toute façon, toute tentative de dialogue serait vouée à l’échec car les positions des deux côtés restent inconciliables. L’opposition insiste à destituer Maduro via des élections anticipées, alors que ce dernier reste fort accroché au pouvoir. Pour le moment, aucune lueur d’espoir ne se profile à l’horizon et la crise semble interminable : elle pourrait durer des années si aucun compromis n’est trouvé », conclut Dr Mourad .
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