A la veille du vote onusien, Pyongyang a, dans un nouveau défi, célébré « la fondation de la nation », appelant à renforcer son potentiel nucléaire.
(Photo : AFP)
C’est désormais la Corée du Nord et ses ambitions nucléaires qui constituent le casse-tête de la communauté internationale, surtout après la « réussite parfaite » de son sixième essai nucléaire — le 3 septembre — le deuxième d’une bombe à hydrogène après celui de septembre 2016. Qualifié du plus « puissant », ce récent essai a provoqué un tollé international sans précédent : le Conseil de sécurité de l’Onu a adopté lundi soir à l’unanimité et à l’initiative des Etats-Unis une huitième batterie de sanctions contre la Corée du Nord, interdisant ses exportations de textile et réduisant son approvisionnement en pétrole et gaz. Même si les grandes puissances n’ont pas toutes la même vue au sujet de la question coréenne, le vote a pu se faire à l’unanimité. Cette série de mesures a été en effet soutenue par la Chine et la Russie, les plus proches « soutiens » de la Corée du Nord. L’objectif de Moscou et de Pékin étant de pousser Pyongyang à négocier son programme d’armement nucléaire. Pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, la résolution votée lundi est « très solide », « équilibrée » et permet à l’Onu d’affirmer « unité » et « détermination ».
Or, cette unité de la communauté internationale, qu’elle soit apparente ou réelle, n’est pas suffisante pour régler la crise coréenne. Ce n’est en effet pas la première fois que des sanctions sont imposées à Pyongyang, et, jusque-là, cette politique n’a pas donné les résultats escomptés. « Ces sanctions sont inutiles et sans lendemain. Elles ne font qu’envenimer la crise. Pour preuve, les sept trains de sanctions du Conseil de sécurité n’ont pas porté le régime de Pyongyang à renoncer à son programme nucléaire », estime ainsi Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. D’ailleurs, un rapport d’experts de l’Onu, publié dimanche, a affirmé que plus des sanctions internationales sont imposées à la Corée du Nord, plus Pyongyang tente de les « contourner ». « Le pays continue de contourner l’embargo sur les armes, les sanctions financières et sectorielles sévères imposées par l’Onu », résument les experts onusiens.
En effet, Dr Hicham Mourad explique : « Ce que veut Pyongyang, c’est suivre l’exemple de l’Iran. Démuni et isolé, ce pays fait le maximum de pressions sur les Etats-Unis et la communauté internationale pour s’attirer le plus de gains économiques, pour être reconnu par les superpuissances ainsi que pour rejoindre le concert des nations. Pour la Corée du Nord, le nucléaire est un outil de chantage pour parvenir à ces fins : Pyongyang n’y mettra fin, ni à cause des sanctions ni même en cas d’éventuelle frappe militaire ». C’est d’ailleurs pour cela que la communauté internationale éloigne l’option militaire. « Toute action militaire contre le leader jusqu’au-boutiste comme Kim Jong-Un entraînerait une riposte incalculable — peut-être nucléaire — qui pourrait embraser la région », prévoit l’analyste politique.
En résumé donc, ni les sanctions, ni même l’option militaire, ne sont à même de mettre fin à la crise. C’est dans cette optique que l’ambassadrice des Etats-Unis à l’Onu, Nikki Haley, a laissé la porte ouverte au dialogue. Quant à l’Allemagne, elle a affirmé dimanche pour la première fois être favorable à une solution diplomatique pour mettre fin au programme nucléaire d’armement de la Corée du Nord, à l’exemple des pourparlers avec l’Iran qui avaient abouti à un accord en 2015, a indiqué la chancelière Angela Merkel. « Les tractations des Six avec Téhéran constituaient une importante période de diplomatie qui a débouché sur une fin satisfaisante. L’Europe, particulièrement l’Allemagne, est prête à apporter une contribution active dans un même processus pour le règlement du conflit en Corée du Nord », a-t-elle ajouté.
Selon les experts, l’unique issue à cette crise semble désormais le retour à la table des négociations à Six car, même à la veille de l’imposition de ces nouvelles sanctions, Pyongyang a tenu à relever le défi à la planète en célébrant l’anniversaire de « la fondation de la nation » avec des appels à renforcer son potentiel militaire nucléaire. A cette occasion, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un s’est félicité de l’essai du 3 septembre qu’il qualifie de « parfaite réussite » et a même averti les Etats-Unis qu’il leur infligerait « la plus grande des souffrances et des douleurs » s’ils imposaient de nouvelles sanctions à son encontre. « Il faut prendre ces menaces au sérieux car le dernier essai nord-coréen était très grave : il prouve que Pyongyang a fait de grandes avancées en matière nucléaire, de quoi inquiéter les Etats-Unis surtout que le leader nord-coréen, Kim Jong-Un, vient de menacer de tirer des missiles près de l’île de Guam, territoire américain dans l’océan Pacifique », s’inquiète Dr Mourad.
Or, dans sa guerre contre les Etats-Unis, Pyongyang ne manque pas d’alliés. Bien qu’elle soutienne les sanctions onusiennes pour prouver sa bonne volonté à dénucléariser son voisin communiste face à son rival américain, Pékin reste un soutien économique important pour Pyongyang. « Pékin ne va jamais permettre l’effondrement de son voisin dont elle se sert comme une carte pour causer des problèmes de politique étrangère ou faire pression sur son rival américain. De plus, la Chine ne va jamais permettre la chute de la Corée du Nord, de quoi ouvrir la voie à une réunification de l’île sous tutelle américaine », analyse le politologue.
Ambiguïté russe
Outre Pékin, l’attitude de Moscou était la plus remarquable cette semaine, affichant pour la première fois sa forte opposition à toute sanction onusienne contre le régime stalinien. Même si la Russie a voté cette huitième batterie de sanctions, elle a réussi à les alléger, rejetant une sanction comme le gel des avoirs du dirigeant nord-coréen, qui a été retiré du texte. « Il est difficile de viser directement Kim Jong-Un », a plaidé Moscou. Parallèlement, les mesures concernant les expatriés nord-coréens et les inspections de navires suspects sont « moins strictes » que dans le texte initial, à la demande de Moscou toujours. La Russie ferait travailler quelque 35 000 expatriés nord-coréens.
Selon Dr Mourad, cette attitude russe s’inscrit dans le cadre de l’éternel bras de fer entre la Russie et les Etats-Unis, dont les relations sont envenimées ces derniers temps. « Tout au long de la semaine dernière, les Russes ont voulu embarrasser les Américains en s’opposant à de nouvelles sanctions contre Pyongyang. Moscou s’attache au dialogue avec la Corée du Nord car Poutine veut dessiner une image de négociateur hors pair et de rempart contre l’hégémonie américaine à quelques mois de la présidentielle de mars 2018. La Russie veut s’imposer en tant que force de poids apte à résoudre les crises de l’Asie, de quoi réduire l’influence américaine dans la région. On ne peut pas nier que la Russie a fait de grandes avancées aux dépens des Etats-Unis dans plusieurs points chauds de la planète. Par exemple, elle a réussi à étendre son influence en Ukraine et au Moyen-Orient — en Syrie et en Libye —, réduisant ainsi l’influence américaine. Et voilà qu’elle saisit l’occasion de la crise nord-coréenne pour alléger les sanctions contre Pyongyang. Moscou cherche à amener Kim Jong-Un à la table des négociations pour devenir le pays le plus influent en Asie », conclut l’expert.
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