La formation de l'assemblée constituante est l'unique bouée de sauvetage pour Maduro.
(Photo:AFP)
Contre vents et marées, le président du Venezuela, Nicolas Maduro, a réussi son pari : la formation d’une assemblée constituante sans opposition, en dépit des violentes manifestations qui se sont soldées par plus de 113 morts et une forte réprobation internationale. Le taux de participation au scrutin de dimanche a dépassé 41,5 % des électeurs. « C’est un taux de participation extraordinaire. Le moment d’une nouvelle histoire est arrivé », s’est enthousiasmé lundi le président, pour qui cette assemblée semble l’unique « bouée de sauvetage » après 4 mois de manifestations de l’opposition qui réclame son départ.
Désormais, cette assemblée — formée de 545 membres pour réécrire la Constitution en faveur du président — doit diriger le pays dès ce mercredi pour une durée indéterminée. Et pourra dissoudre le parlement actuel dominé par l’opposition. Juste après l’élection, Maduro a souhaité lundi que l’assemblée lève l’immunité des parlementaires de l’opposition accusés par le pouvoir de vouloir commettre un « coup d’Etat parlementaire ».
Déjà, des personnalités qui siègeront dans cette assemblée, tel le puissant Diosdado Cabello, ont menacé de s’en servir pour envoyer des gens en prison ou dissoudre le parlement. « C’était prévisible. Pour le moment, Maduro tente de contourner le parlement, mais il va le dissoudre le plus vite possible pour en finir avec l’opposition. Les élus de cette assemblée sont tous des partisans du président, car l’opposition a boycotté le scrutin. Ils vont donc réécrire la Constitution à la façon qui sert les intérêts de Maduro pour prolonger son mandat qui finira début 2019. C’est une victoire écrasante pour Maduro », affirme Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Or, le scrutin de dimanche n’était pas passé dans le calme : il était émaillé de violences qui ont fait 10 morts portant à 120 le nombre total de personnes tuées en 4 mois de manifestations. Dimanche, un candidat à l’assemblée constituante a été assassiné par balle, alors qu’un deuxième candidat a été assassiné le 10 juillet en pleine campagne électorale. En effet, si Maduro et sa constituante avaient le soutien des pouvoirs judiciaire et militaire, plus de 80 % des Vénézuéliens désapprouvent sa gestion du pays et 72 % son projet, selon l’institut de sondages Datanalisis.
Recevant un coup mortel, l’opposition ne semble pas vaincue. Lundi, elle a appelé à de nouvelles manifestations contre cette assemblée qui n’est qu’une manoeuvre du président de se cramponner au pouvoir pour étendre son pouvoir et prolonger son mandat. Chaviste de longue date, la procureure générale, Luisa Ortega, a dénoncé une rupture de l’ordre constitutionnel et appelé à rejeter la constituante, provoquant une débandade au sein du mouvement. « Il en restera que cette fraude constitutionnelle et électorale est la plus grave erreur historique qu’ait pu commettre Maduro », a affirmé le député Freddy Guevara, au nom de la coalition Table de l’unité démocratique (MUD).
Pressions tout azimut
En effet, depuis avril, l’opposition a beau essayer de destituer Maduro ou au moins empêcher l’élection de l’assemblée constituante, organisant des manifestations quasi quotidiennes. La pression a atteint son comble à la veille de l’élection, quand l’opposition a appelé à une grève générale de deux jours, mercredi et jeudi derniers. Après avoir échoué à arrêter ce projet par ces manifestations, grèves, barrages, l’opposition a appelé à un rassemblement massif dimanche à Caracas et à dresser des barricades dans tout le pays, bien que le gouvernement ait menacé d’emprisonner ceux qui feraient obstacle au scrutin. Or, l’appel de l’opposition était faiblement suivi. Après cette mobilisation de deux jours, les anti-chavistes ont appelé à bloquer, vendredi et samedi, les rues du pays bravant l’interdiction du ministre de l’Intérieur qui avait prévenu que les contrevenants risquaient de cinq à dix ans de prison. Or, peu de Vénézuéliens ont osé défier la menace du ministre de l’Intérieur.
Outre la pression de l’opposition, Maduro était cette semaine en butte à un déluge de critiques internationales. Lundi, Washington a fait monter la pression sur Maduro, qualifié de « dictateur » : « La dictature s’auto-isole », a lancé le président Donald Trump, imposant des sanctions contre 13 anciens et actuels responsables gouvernementaux. Leur patrimoine éventuel et leurs comptes bancaires ont été gelés aux Etats-Unis et ils ne peuvent plus commercer avec des Américains. Des sanctions qualifiées d’« insolentes » par Maduro. De plus, les Etats-Unis ont ordonné aux familles des diplomates en poste au Venezuela de quitter le pays et autorisé le départ volontaire de leurs fonctionnaires en poste à l’ambassade de Caracas. De sa part, la responsable de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a fait part de sa « préoccupation » concernant les violations des droits de l’homme et l’usage excessif de la force au Venezuela, alors que treize pays de l’Organisation des Etats Américains (OEA) ont rejeté cette assemblée « illégitime » ... La crainte d’un conflit ouvert a parallèlement poussé des centaines de Vénézuéliens à partir vers la Colombie voisine. « Même si Maduro a remporté son pari, il ne restera pas beaucoup au pouvoir, car 80 % de son peuple et la plupart de la communauté internationale critiquent ses dérives autoritaires. Il est qualifié de dictateur. S’il reste au pouvoir, il va s’isoler », conclut Dr Mourad
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