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Etats-Unis-Russie : L’heure au pragmatism

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 10 juillet 2017

Après des mois de tension, le sommet du G20 a contribué à un certain réchauffement américanorusse, alors que les relations entre Moscou et Washington étaient perturbées à cause de la Syrie, de l'Ukraine et des accusations d'ingérence russe dans la campagne électorale américaine.

Etats-Unis-Russie : L’heure au pragmatisme
(Photo:AFP)

Tenu après des mois de froid entre Moscou et Washington, le sommet du G20, qui s’est tenu vendredi et samedi à Hambourg, semble le plus conflictuel depuis la création de cette enceinte en 2008. Loin des dossiers économiques et climatiques qui ont été débattus lors du sommet, le plus important événement politique, qui a marqué la rencontre entre les 20 pays les plus riches de la planète, était la tenue du premier tête-àtête entre le président américain, Donald Trump, et son homologue russe, Vladimir Poutine, dans une tentative de remettre sur les rails une relation fort perturbée à cause de la guerre en Syrie, de l’Ukraine et des accusations d’ingérence russe dans la campagne électorale américaine au profit de Trump.

Après avoir couvert d’éloges le maître du Kremlin affirmant sa volonté de coopérer avec lui sur la Syrie et la lutte contre Daech, Trump a critiqué ouvertement M. Poutine, à la veille du sommet, appelant ses alliés à s’opposer « aux actions de la Russie et à son comportement déstabilisateur », citant le conflit en Ukraine et le soutien russe à l’Iran et à la Syrie. Une volte-face qui a mis le feu aux poudres entre les deux pays. Mettant de l’huile sur le feu, Trump avait renforcé, fin juin, les sanctions américaines contre Moscou à cause de son ingérence en Ukraine en proie à un conflit armé entre des séparatistes prorusses et les forces de Kiev, de quoi provoquer la colère du chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui a dénoncé l’« obsession russophobe » des Etats-Unis. « Les tergiversations de Trump dénotent son manque d’expérience politique. Au début, il a tendu la main à Moscou et a sollicité son aide dans la lutte contre Daech en Syrie, espérant ouvrir une nouvelle page dans les relations avec Poutine. Mais avec les jours, les conseillers de Trump lui ont conseillé de prendre ses distances avec la Russie, car tout rapprochement avec Poutine va confirmer les accusations entourant le magnat de l’immobilier sur une éventuelle complicité avec Moscou accusé d’ingérence russe dans la campagne électorale américaine au profit de Trump. De peur de nuire à son image devant son peuple, le numéro un américain a fait une volte-face vis-à-vis de Moscou pour se disculper de cette accusation surtout que plusieurs enquêtes, dont l’une menée par le FBI, sont en cours sur les liens de Trump avec la Russie.

Malgré cette tension, le numéro un américain, qui fait de la lutte contre Daech sa priorité, serait obligé de chercher un terrain d’entente avec Moscou avant d’avancer vers une désescalade en Syrie », explique Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. Malgré cette ambiance tendue, la rencontre entre les deux leaders a été qualifiée de « formidable » par le numéro un américain. « Il est temps de travailler de manière constructive avec la Russie », a affirmé M. Trump, suscitant le scepticisme de plusieurs élus américains contre Moscou après son ingérence dans l’élection américaine. En effet, ce dossier explosif pour Trump — soupçonné d’avoir bénéficié d’actions dans les coulisses des Russes pour saboter la campagne de Hillary Clinton lors de la présidentielle — a été au centre des débats « très vigoureux » entre les deux leaders. M. Poutine a complètement nié cette accusation et, selon la version de Moscou, Trump a finalement accepté les dénégations russes. « J’ai donné des éclaircissements. Il m’a semblé que M. Trump était satisfait de ces réponses et il les a acceptées », a affirmé M. Poutine, se disant confiant en une relance de la relation russo-américaine.

Rapprochement sur la Syrie, pas sur l’Ukraine
Autre signe de rapprochement, les deux leaders se sont mis d’accord sur l’instauration d’un cessez-le-feu, à compter de dimanche 9 juillet dans une région du sud-ouest de la Syrie. « Ces avancées ont prouvé que les Etats-Unis et la Russie sont capables de travailler de concert sur la Syrie », a annoncé le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. En fait, la relation entre Trump et Poutine était fort dégradée à cause de la Syrie après la frappe américaine contre le régime syrien, allié de Moscou, à la suite d’une attaque chimique le 4 avril dernier imputée aux forces de Bachar Al-Assad. La destruction d’un avion syrien par la chasse américaine le 18 juin, qualifiée « d’agression » par la Russie, a aussi mis de l’huile sur le feu.

Sur l’Ukraine, aucune entente ne s’est profilée à l’horizon lors du sommet, Trump refusant d’alléger les sanctions contre Moscou tant que la situation en Ukraine ne serait pas résolue. « Malgré toutes leurs divergences en Syrie et en Ukraine, les deux leaders sont décidés à poursuivre leur lutte commune contre Daech. Ils vont aplanir tous leurs différends pour aboutir à cet objectif », conclut Dr Mourad.

La Corée du Nord divise toujours
La crise nord-coréenne s’est elle aussi invitée au sommet du G20 après son tir de missile balistique intercontinental intervenu à quelques jours de la rencontre. Partisan de la politique du bâton envers , Donald Trump a affirmé lors du sommet à son homologue chinois, Xi Jinping, qu’il était temps de « faire quelque chose » pour régler la crise nordcoréenne« Le programme nucléaire de Pyongyang constitue un problème significatif et il faut le régler le plus vite possible », a affirmé le chef de l’Etat américain. En fait, les Etats-Unis reprochent à la Chine de ne pas assez faire pression sur la Corée du Nord, notamment en restant son principal partenaire commercial. En retour, Pékin demande à Washington de cesser ses exercices militaires avec la Corée du Sud pour faire baisser la tension. Une solution rejetée par Trump.

Alors que se tenait le sommet, des bombardiers américains ont effectué samedi en Corée du Sud un exercice de tir en forme de démonstration de force comme riposte au test de missile de Pyongyang. Une démonstration de force qui a été condamnée par Pyongyang, accusant Washington de faire progresser le risque de guerre nucléaire. Selon les experts, il semble que Trump ne trouverait pas d’alliés dans sa guerre contre Pyongyang, la plupart des pays du G20 s’opposant à sa politique provocatrice et rejetant l’imposition de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord. Déjà, la Russie et la Chine ont bloqué la semaine dernière un projet américain de déclaration du Conseil de sécurité de l’Onu, appelant à prendre des « mesures significatives » contre Pyongyang, alors que Londres a affirmé qu’une « option militaire » contre Pyongyang reste lointaine.

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