Aucune lueur d’espoir ne se profile à l’horizon dans la crise qui oppose le président socialiste, Nicolas Maduro, à l’opposition qui mobilise chaque jour des milliers de manifestants pour obtenir le départ du président via des élections anticipées. Samedi 21 mai, l’opposition a organisé sa plus grande manifestation avec plus de 200 000 manifestants pour exiger le départ du président. En tout, les manifestations qui secouent le pays ont fait 47 morts cette semaine. Malgré cette gronde populaire, Maduro ne fait que s’accrocher au pouvoir bec et ongles. Pour preuve, le président, sûr du soutien de l’armée, a récemment ordonné le déploiement de 2 600 militaires dans l’ouest du pays, tout en prolongeant l’état d’urgence en vigueur depuis début 2016. Cette mesure, renouvelée pour la septième fois, permet au chef de l’Etat de restreindre les garanties constitutionnelles et de prendre des mesures spéciales d’ordre social, politique, économique et juridique.
Qui plus est, le pouvoir a empêché le chef de l’opposition, Henrique Capriles, de quitter le pays pour se rendre à New York où il devait rencontrer le Haut commissaire de l’Onu aux droits de l’homme. Henrique Capriles devait rencontrer vendredi dernier à New York le Haut commissaire de l’Onu aux droits de l’homme, Zeid Raad Al-Hussein, pour lui présenter les cas des manifestants tombés tués, blessés, emprisonnés ainsi que des preuves de la « répression » des autorités contre la vague de protestations hostiles au président Maduro. « Le président socialiste se trouve dos au mur. Il a recours à la politique du bâton, car il a peur de subir le sort de son homologue brésilienne de gauche, Dilma Roussef, destituée en août pour maquillage de comptes publics. En Amérique latine, l’opposition de droite saisit l’occasion des crises économiques pour discréditer la gauche aux yeux du peuple et prendre le pouvoir », explique Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Inquiétudes internationales
Cette dégradation de la situation au Venezuela inquiète la communauté internationale. Pour la première fois, le Conseil de sécurité de l’Onu a abordé le sujet jeudi dernier à la demande de Washington. Au cours de la réunion, les Etats-Unis ont mis en garde les Nations-Unies contre le risque que cette crise ne dégénère en « un conflit similaire à la situation en Syrie ou au Soudan du Sud », alors que l’ambassadrice américaine à l’Onu, Mme Haley, a estimé que la communauté internationale devait agir de concert « pour assurer que Maduro mette fin à cette oppression et restaure la démocratie ». Selon le président vénézuélien, les Etats-Unis orchestrent cette vague de protestations de l’opposition pour semer le chaos et favoriser une intervention étrangère au Venezuela qui compte les plus importantes réserves de pétrole de la planète. « Le Venezuela résoudra ses propres problèmes internes. Nous n’accepterons aucune intervention étrangère », a lancé l’ambassadeur du Venezuela à l’Onu, Rafael Ramirez, lors de la réunion du Conseil de sécurité.
Washington, de son côté, a porté un rude coup au camp du président Maduro en plaçant sur la liste noire financière huit membres de la Cour suprême vénézuélienne, accusés d’avoir aggravé la crise politique du pays en affaiblissant l’autorité du parlement. Haussant le ton, le président américain, Donald Trump, a qualifié de « honte pour l’humanité » la crise politique au Venezuela, affirmant que le pays n’avait pas connu pareille situation depuis plusieurs « décennies ».
Or, dans ce concert de condamnations, Maduro ne manque pas de partisans : le président russe, Vladimir Poutine, a apporté vendredi son soutien à son homologue vénézuélien, refusant toute intervention étrangère dans les affaires de ce pays et affirmant le droit du peuple vénézuélien à choisir son destin sans intervention extérieure. « Il est logique que Poutine s’oppose à la politique américaine au Venezuela surtout que son pays est l’objet de sanctions américaines à cause de l’annexion de la Crimée. Poutine est contre les sanctions occidentales d’une façon générale, car la Russie souffre depuis 2014 des séquelles de ces sanctions », explique Dr Mourad.
Chez les voisins, les pays d’Amérique latine sont partagés sur le Venezuela : tandis que le Brésil a annoncé cette semaine le retour de son ambassadeur à Caracas après neuf mois d’absence comme « signe de bonne volonté » en faveur du dialogue, la Colombie a, elle, écarté « pour le moment » le retour du sien rappelé pour consultations fin mars dernier. « La seule porte de sortie à la crise politique que traverse le Venezuela est d’organiser rapidement des élections », a estimé de son côté le secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), Luis Almagro, affirmant que le nombre élevé de morts lors des manifestations de l’opposition est le résultat d’un régime qui s’obstine à ne pas reconnaître que la seule porte de sortie à la crise est de convoquer immédiatement des élections générales.
Aujourd’hui, la seule chose sûre est que la tension ne peut plus durer longtemps. Désormais, deux scénarios sont possibles : « D’abord, que Maduro réussisse à réprimer l’opposition et rester au pouvoir, ou que le président se trouve vendu par ses partisans et surtout par l’armée qui est son plus important soutien. Si l’armée trouve que la crise est hors contrôle et que les manifestations s’aggravent, elle ne va pas éternellement soutenir Maduro », conclut Dr Mourad .
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