Daech a revendiqué un nouvel attentat-suicide qui a fait 8 morts et 28 blessés mercredi dernier en Afghanistan.
(Photo:Reuters)
« On s’attend à une nouvelle année difficile pour les troupes afghanes et étrangères en Afghanistan ». Telle a été la prévision pessimiste lancée par le chef du Pentagone, Jim Mattis, lors de sa visite surprise à Kaboul, alors que l’Administration du nouveau président américain, Donald Trump, peine à dessiner sa nouvelle stratégie dans le bourbier afghan, proie à une double menace, celle des Talibans, qui ont entamé leur offensive du printemps la semaine dernière, et celle de Daech, qui ne cesse de mener des attaques meurtrières jusqu’à la capitale Kaboul. Face à ce nombre croissant de victimes civiles, l’Onu a affirmé, dans un récent rapport, que la capitale afghane a enregistré le plus grand nombre de victimes civiles du conflit lors du premier trimestre 2017.
Alors que le paysage politique afghan ne cesse de s’envenimer, le président américain Donald Trump tarde à annoncer ses intentions concernant l’avenir des forces américaines dans ce pays (8 400 hommes), en dépit des appels du Pentagone qui réclame une augmentation des effectifs militaires, de peur que l’Afghanistan ne devienne un « repaire des terroristes internationaux ». Pour pousser le numéro un américain à dévoiler son plan, le Pentagone a affirmé qu’il allait transmettre la semaine suivante ses propositions sur le dossier afghan à la Maison Blanche. « Nos propositions vont parvenir au président la semaine prochaine. Notre intention est de dépasser l’impasse actuelle et de reconnaître que l’Afghanistan est un partenaire très important pour les Etats-Unis dans une région très compliquée », a déclaré Theresa Whelan, haute responsable du Pentagone chargée des opérations spéciales. Selon la presse américaine, le Pentagone demanderait de 3 000 à 5 000 soldats supplémentaires, des conseillers militaires ayant pour mission d’assister l’armée et la police afghanes dans leur lutte contre les Talibans.
L’EI et les Talibans, une double menace
Les chefs militaires américains ont déjà plaidé publiquement pour cette hausse, afin d’aider les forces afghanes à reprendre du terrain face aux Talibans. Et Trump devrait obtempérer, selon les analystes. « Je pense que Trump va suivre les appels du Pentagone et qu’il sera obligé d’augmenter le nombre de ses troupes en Afghanistan, car il ne veut pas que ce pays se transforme en repaire du terrorisme international. Déjà, son secrétaire à la Défense, James Mattis, a manifesté son inquiétude en cas de retrait total des troupes américaines, estimant que cela pourrait ramener les Talibans au pouvoir, surtout que les forces afghanes, faibles et sous-équipées, avaient perdu du terrain face aux rebelles en 2016, malgré des dizaines de milliards de dollars dépensées par Washington pour la formation des forces afghanes », explique Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. Selon lui, « même si l’Afghanistan ne figurait pas à la tête des priorités de Trump, ce pays a pris une importance chez le président américain depuis l’apparition de Daech là-bas ».
En effet, les Etats-Unis ont mis la pression ces dernières semaines sur le groupe djihadiste en Afghanistan, affirmant qu’ils vont l’éliminer du pays d’ici à la fin de l’année. Mi-avril, les Etats-Unis ont largué sur un site djihadiste en Afghanistan la bombe non nucléaire la plus puissante qu’ils n'aient jamais utilisée au combat. Ils ont aussi mené, la semaine dernière, un raid dans la même région contre le chef de Daech en Afghanistan, Abdul-Hasib. Celui-ci a probablement été tué dans l’opération. Selon le capitaine Bill Salvin, porte-parole des forces américaines en Afghanistan, l’EI, qui a émergé en Afghanistan en 2015, a fort reculé, se repliant dans quelques districts de la province du Nangarhar. Les effectifs du groupe, qui ont culminé à 2 500 ou 3 000 hommes, ont diminué à 800 du fait des pertes au combat. « Nous avons une très bonne chance de détruire Daech en Afghanistan avant la fin de 2017, pour qu’il soit très clair que l’Afghanistan n’est pas l’endroit où les djihadistes expulsés de tel ou tel pays peuvent venir se réfugier », a mis en garde Bill Salvin.
Or, selon les experts, vaincre Daech ne serait pas la grande réalisation des troupes américaines, car le vrai défi qui menace l’Afghanistan c’est les Talibans qui restent incassables malgré 16 ans d’intervention étrangère. En fait, le retour à la stabilité et la fin de l’intervention militaire américaine en Afghanistan étaient prévus pour 2014, mais le président Barack Obama a dû ajuster son calendrier, maintenant 8 400 soldats jusqu’au début de 2017 au lieu de 5 500 initialement prévus face à la persistance des attaques talibanes. On peut donc dire qu’éliminer l’EI serait comme « gagner une bataille » mais « la vraie guerre » c’est de casser les Talibans. Preuve que l’épine des rebelles reste incassable : l’Onu a affirmé que 2016 était « l’année la plus meurtrière » pour la population civile en Afghanistan avec 11 500 victimes à cause des violences talibanes. « L’Otan et les Etats-Unis — avec toutes leurs forces et tous leurs équipements — luttent depuis 16 ans contre ces rebelles sans voir le bout du tunnel. Avec les jours, l’épine des Talibans devient de plus en plus incassable », conclut Dr Mourad, selon lequel un éventuel retrait des troupes américaines risquerait de plonger le pays dans le chaos et ramener les Talibans au pouvoir d’où ils étaient chassés en 2001 .
Lien court: