Les plus grandes manifestations anti-Maduro ont éclaté cette semaine au Venezuela.
(Photo:AFP)
Ce sont les plus grandes manifestations jamais organisées contre le président socialiste Nicolas Maduro depuis l’éclatement de la crise politique et économique qui secoue le pays depuis début 2016, qui ont eu lieu cette semaine. L’opposition l’a même appelée « Mère de toutes les manifestations ».
Pour la première fois, la droite vénézuélienne a réussi à mobiliser massivement le peuple : des dizaines de milliers de manifestants sont sortis dans les rues tout au long de cette semaine afin de réclamer la destitution du président et l’organisation des élections anticipées avant celles de fin 2018. Bilan : 11 morts et 40 manifestants arrêtés. Samedi, l’opposition a convoqué une « marche du silence » avant de faire un blocage national des routes. En effet, cette vague de protestation a débuté le 1er avril quand la Cour suprême s’est arrogé les prérogatives du parlement, déclenchant un tollé diplomatique qui l’a poussé à revenir en arrière 48 heures plus tard.
Depuis, 20 personnes ont été tuées et plus de 600 arrêtées dans ce pays où l’opposition, majoritaire au parlement depuis fin 2015, veut obtenir le départ anticipé du président.
Or, au lieu de céder le pas, le président a activé un plan de défense renforçant la présence policière et militaire dans le pays, accusant les Etats-Unis de vouloir orchestrer un putsch dans son pays. Selon les experts, la stratégie du gouvernement Maduro est de se maintenir au pouvoir coûte que coûte afin d’éviter la tenue d’élections anticipées car la crise l’a rendue très « impopulaire ». Il a même perdu le soutien des classes défavorisées qui, asphyxiées par la crise économique, souhaitent son départ. Toute échéance électorale serait donc risquée pour ce président dont 8 Vénézuéliens sur 10 souhaitent le départ. « L’ampleur de ces récentes manifestations met en évidence la chute de la popularité du président et la force de mobilisation de l’opposition. Maduro a peur de subir le sort de son homologue brésilienne, Dilma Roussef, destituée fin août par le parlement. Ce qui se passe au Venezuela comme au Brésil et en Argentine n’est qu’un épisode dans le bras de fer qui oppose la gauche à la droite en Amérique latine. Ces séismes politiques sonnent le glas des gouvernements de gauche. Comme le Brésil, le Venezuela paie la facture du naufrage économique. Et la droite tire profit de la crise économique pour mobiliser l’opinion publique contre le pouvoir », explique Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Les facteurs en faveur de Maduro
Selon les experts, la multiplication des manifestations de l’opposition vise un double objectif : attirer l’attention de la communauté internationale et épuiser la force du président. Si, jusqu’à présent, l’opposition n’a pas atteint son objectif — des élections anticipées —, elle a toutefois retrouvé une image d’unité après des mois de division, un grand soutien populaire et trop d’alliés à l’étranger. Cette semaine, une pluie de critiques internationales est tombée dru sur la tête de Maduro, les Etats-Unis rejetant ses accusations « infondées » d’avoir orchestré un coup d’Etat au Venezuela, alors que le département d’Etat américain a adressé une sévère mise en garde aux autorités de Caracas les appelant à cesser de réprimer les manifestations. Parallèlement, l’Union européenne et onze pays latino-américains ont appelé Caracas à une désescalade rapide. Pourtant, la plupart des observateurs jugent encore difficile que ces pressions internes et externes puissent précipiter le changement de gouvernement cette année car le président contrôle toujours le pouvoir politique, économique et surtout le soutien de l’armée, acteur crucial des rapports de force politique, comme le reflète son poids au sein du gouvernement : sur 32 ministères, 11 sont dirigés par des militaires. Selon l’opposition, le gouvernement a « acheté la loyauté » des militaires, lui permettant de garder le pouvoir « par la force ». L’armée contrôle la production et la distribution d’aliments de première nécessité mais aussi une société pétrolière, une télévision et une banque. La stratégie de l’épuisement adoptée par la droite va-t-elle pousser le président à organiser des élections anticipées ? La question reste ouverte à tous les scénarios .
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