Le porte-avions américain, Carl Vinson, en route vers la péninsule coréenne pour participer aux manoeuvres entre Séoul et Washington.
(Photo : AP)
Contrastant avec son discours agressif adopté contre la Chine lors de sa campagne électorale, le président américain, Donald Trump, a accueilli cette semaine en Floride, pour la première fois, son homologue chinois, Xi Jinping. Même si très peu de détails ont filtré de cette rencontre, elle semble importante sur le plan diplomatique pour le numéro un américain, car elle a permis de dégeler les relations entre les leaders des deux premières puissances mondiales, qui ont montré une détente partagée, le numéro un américain saluant « les progrès spectaculaires » des relations sino-américaines. Remerciant son hôte pour son accueil chaleureux, le leader chinois n’a pas décrit la teneur de ces entretiens, mais a indiqué que ceux-ci avaient débouché sur de « nombreuses positions partagées, en particulier la consolidation de l’amitié et de la confiance » unissant Chine et Etats-Unis.
En effet, cette atmosphère bienveillante contraste avec le ton véhément vis-à-vis de la Chine qu’avait adopté Trump durant sa campagne électorale. Deux questions sont à l’origine de cette tension : les relations économiques et la Corée du Nord. Trump avait ainsi accusé Pékin de concurrence commerciale déloyale et de mollesse face à la menace nucléaire nord-coréenne. Or, une fois au pouvoir, M. Trump a adouci son ton face à son rival communiste, de quoi poser la question sur le motif de cette volte-face. « Le défi nord-coréen est à l’origine de ce rapprochement sino-américain. N’oublions pas que Pékin est l’unique soutien de poids et unique protecteur de Pyongyang. Il est donc le seul pays apte à stopper les provocations nucléaires de son voisin communiste. Dos au mur, Trump était obligé de recourir à la diplomatie avec Pékin pour qu’il l’aide à arrêter le programme nucléaire nord-coréen au moment où la tension sur la péninsule est à son comble », analyse Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. En effet, le dossier nord-coréen a dominé le sommet entre les deux dirigeants, surtout après que Pyongyang eut lancé un nouveau défi à la communauté internationale, surtout à Washington, en tirant un missile balistique à la veille de cette rencontre cruciale.
Exacerbé par les provocations de Pyongyang, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a fermement condamné ce dernier tir de missile, le qualifiant de « grave violation » des résolutions de l’Onu visant Pyongyang, alors que le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, se rendra pour la première fois aux Nations-Unies le 28 avril, pour diriger une réunion du conseil sur la Corée du Nord. Dans le cadre des pressions internationales, l’Union européenne a imposé cette semaine de nouvelles sanctions à la Corée du Nord, l’exhortant à renoncer à tous ses programmes nucléaires et à reprendre le dialogue avec la communauté internationale. Réalisant que l’arme des sanctions ne va remporter aucun fruit avec son voisin, Séoul a riposté vendredi, en testant avec succès un missile balistique capable d’atteindre les points les plus reculés du territoire nord-coréen. « Ces tirs réciproques font craindre l’embrasement de la péninsule. Le manque de détails qui ont filtré de ce sommet sino-américain prouve que les deux parties n’ont pas abouti à un compromis en ce qui concerne la crise nord-coréenne », analyse Dr Mourad.
Pékin entre le marteau et l’enclume
Face à cette impasse diplomatique, Trump a manié le bâton à son homologue chinois, laissant planer la menace d’une intervention militaire, se disant prêt à « régler » le problème nord-coréen si la Chine continue à tergiverser. Samedi, le chef de la diplomatie américaine a prévenu que son pays était prêt à « agir seul » contre la Corée du Nord, au lendemain d’une frappe américaine sans précédent contre le régime syrien. Selon les experts, la frappe américaine en Syrie renferme un message clair pour Pyongyang et son allié chinois. Montrant ses muscles à Pyongyang deux jours après sa frappe en Syrie, Washington a dépêché samedi un porte-avions, deux destroyers lanceurs de missiles et un croiseur lanceur de missiles vers la péninsule coréenne.
Au lieu de faire profil bas, la Corée du Nord a qualifié d’« acte d’agression intolérable » la frappe américaine sur la Syrie, un acte « prouvant plus d’un million de fois », selon Pyongyang, la justesse de son programme nucléaire. Selon Dr Mourad, ces pressions américaines mettent la Chine dans une situation embarrassante : « Pékin est entre le marteau et l’enclume. Toutes les options lui sont affreuses. Il est vrai que Pékin ne veut pas d’une Corée du Nord frontalière qui possède l’arme atomique, mais aussi l’effondrement du régime de Pyongyang et une éventuelle réunification de la péninsule coréenne soutenue par Washington représentent un vrai cauchemar pour Pékin. De plus, Pékin ne pourrait jamais supporter l’afflux massif des réfugiés nord-coréens en cas d’effondrement de son voisin », affirme l’expert. « Ce qui tourmente Pékin le plus c’est que Washington a commencé le mois dernier à déployer son bouclier anti-missiles THAAD en Corée du Sud. Ce bouclier est une menace sérieuse à la sécurité chinoise. On peut dire que c’est une carte de pression américaine sur la Chine », selon Dr Mourad.
Disposé à donner à Washington des gages de bonne volonté, Pékin a stoppé mi-février les importations de charbon nord-coréen conformément aux sanctions de l’Onu, privant le régime communiste d’une manne financière cruciale. De plus, il a proposé, le mois dernier, un compromis basé sur l’arrêt du programme nucléaire nord-coréen en contrepartie de l’arrêt des manoeuvres militaires conjointes de la Corée du Sud et des Etats-Unis. Or, ce compromis a été catégoriquement rejeté par Washington qui s’apprête déjà à faire de nouvelles manoeuvres militaires avec la Corée du Sud les 13, 21 et 26 avril, de quoi enflammer la crise.
Face à cette impasse diplomatique, l’unique percée à cette crise serait de réanimer les discussions à Six (Corées, Japon, Russie, Chine et Etats-Unis) interrompues depuis 10 ans. Il s’agit de geler le programme nucléaire nord-coréen en contrepartie de la levée des sanctions internationales contre le régime stalinien. A l’instar de l’accord conclu avec l’Iran, ce compromis permettrait à Pyongyang de faire d’une pierre deux coups : relancer son économie ruinée et casser son isolement sur la scène internationale.
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