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L’Onu face à ses défaillances

Abir Taleb avec agences, Lundi, 20 mars 2017

L'affaire du rapport onusien accusant Israël d'apartheid, publié puis retiré, a suscité une vive polémique, et plutôt que de mettre Israël dans la gêne, il a surtout embarrassé les Nations-Unies.

L’Onu face à ses défaillances
Les pratiques israéliennes à l'encontre des Palestiniens sont à l'origine des accusations d'apartheid. (Photo:AFP)

C’est probablement l’affaire la plus épineuse pour le tout nouveau secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres. Alors que l’organisation internationale a souvent été accusée d’être alignée à Israël, notamment en raison des multiples veto que les Etats-Unis ont opposés à des résolutions mettant en cause Israël, ainsi que de son impuissance face au conflit israélo-palestinien, l’affaire du rapport publié puis retiré embarrasse sérieusement l’Onu.

Tout a commencé le 15 mars, lorsque la Jordanienne Rima Khalaf, secrétaire exécutive (démissionnaire) de la Commission Economique et Sociale pour l’Asie Occidentale (CESAO ou ESCWA), l’une des cinq commissions régionales des Nations-Unies chargée des questions économiques et sociales dans le monde arabe, publie sur son site un rapport.

Rédigé à la demande de cet organe par deux spécialistes de droit international, ce rapport affirme qu’« Israël a mis en place un régime d’apartheid qui institutionnalise de façon systématique l’oppression raciale et la domination du peuple palestinien dans sa totalité ». Intitulé « Les Pratiques israéliennes envers le peuple palestinien et la question de l’apartheid », ce rapport conclut qu’Israël est « coupable de politiques et de pratiques qui relèvent du crime de l’apartheid tel que défini juridiquement dans les instruments du droit international ». Cela équivaut à « un crime contre l’humanité ». Le rapport montre aussi que la principale méthode employée par Israël pour imposer son régime d’apartheid passe par la fragmentation stratégique du peuple palestinien. Cette fragmentation stratégique vise à stabiliser le régime israélien de domination raciale sur les Palestiniens et entrave leur capacité à résister. Le langage raciste direct qu’Israël utilise pour décrire le droit au retour des réfugiés palestiniens, qu’il voit comme une « menace démographique », est un autre outil permettant le maintien du régime de l’apartheid. Dès sa publication, le rapport a été fustigé par Tel-Aviv, qui l’a comparé à de la « propagande nazie ». Et cela ne s’est pas arrêté là : Israël et ses soutiens exhortent alors M. Guterres à dénoncer le rapport décrit comme « une attaque sans fondement destinée à isoler et à délégitimer le pays ».

Normal, dirait-on. Mais ce qui l’est moins, c’est la réaction américaine. Fustigeant le document, l’Administration américaine s’est dit « outrée », et sa représentante à l’Onu, Nikki R. Haley, s’est engagée, en tant que représentante du président Donald Trump, à défendre Israël bec et ongles au sein de l’organisation, et a exigé la démission de la fonctionnaire onusienne. Résultat : Mme Khalaf a donc retiré le document du site Internet de la CESAO, et a quitté ses fonctions dans la foulée, deux jours après la publication du rapport. Guterres « m’a demandé (...) de retirer (le rapport), je lui ai demandé de repenser sa décision mais il a insisté », a expliqué lors d’une conférence de presse à Beyrouth Rima Khalaf. « Sur ce, je lui ai présenté ma démission de l’Onu », a ajouté Mme Khalaf. M. Guterres a accepté la démission de Mme Khalaf mais démenti qu’elle soit le résultat de pressions américaines, a précisé le porte-parole de l’Onu, Stéphane Dujarric, lors d’un point de presse.

L’Onu se justifie
Et pendant ce temps, l’Onu n’a cessé de répéter aux journalistes que le rapport publié sur le site de la CESAO ne reflète pas les positions d’Antonio Guterres, qui « n’en avait pas eu connaissance », puisqu’il a « été rédigé sans consulter New York », selon le porte-parole de l’Onu, Stéphane Dujarric. Le secrétaire général de l’Onu aurait ainsi demandé à Mme Khalaf de « retirer ce rapport du site Internet de la commission, non pas en raison de ce qu’il contient, mais parce que personne, au siège des Nations-Unies n’a été consulté avant sa publication ». Stéphane Dujarric a aussi indiqué que « le secrétaire général ne peut accepter qu’un secrétaire général adjoint ou un haut fonctionnaire, qui lui prépare un rapport, autorise une publication sous le nom et le logo des Nations-Unies sans le consulter et consulter les services compétents ». M. Dujarric a rappelé que « la consultation et la coordination entre les hauts fonctionnaires des Nations-Unies sont essentielles pour que l’Onu soit gérée efficacement afin que l’organisation puisse travailler correctement dans la poursuite de ses objectifs ».

Israël crie victoire
Evidemment, suite à cette polémique, Israël a crié victoire. « La décision du secrétaire général est une étape importante pour mettre fin au parti pris contre Israël à l’Onu. Les activistes anti-israéliens n’appartiennent pas à l’Onu. Il est temps de mettre fin à la pratique selon laquelle les fonctionnaires de l’Onu utilisent leur position pour faire avancer leur agenda anti-israélien. Son départ de l’Onu est attendu depuis longtemps », a réagi l’ambassadeur israélien auprès de l’Onu, Danny Danon.

Une Onu qui prend parti contre Israël, l’expression ferait presque rire. Il suffit en effet de voir la réalité des choses : depuis la création de l’Etat d’Israël et la naissance du conflit israélo-palestinien, l’organisation internationale n’a fait preuve que d’impuissance. Pour preuve, l’ensemble de la communauté internationale n’a toujours pas réussi à oeuvrer à la création d’un Etat palestinien. Et l’Onu, pendant plus d’un demi-siècle, a montré son incapacité flagrante à mettre en oeuvre, de manière efficace et juste, ses propres résolutions lorsqu’il est question de la Palestine et d’Israël. Conséquence, ni les anciens outils, ni les cadres actuels ne peuvent servir de catalyseur pour un changement futur positif .

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