Les tirs des missiles nord-coréens ont motivé le rapprochement sino-américain.
(Photo:AFP)
Ambiguës. Tel est l’adjectif qualifiant les relations sino-américaines depuis l’accession au pouvoir du président américain, Donald Trump, dont la campagne électorale était marquée par une forte hostilité vis-à-vis de Pékin. Pourtant, depuis son accession au pouvoir le 20 janvier, Trump a effectué un certain revirement suite à sa conversation téléphonique avec son homologue chinois, Xi Jinping, où il a exprimé sa volonté d’établir des relations constructives avec Pékin, acceptant de respecter le principe d’« une seule Chine ». Ce principe, que Trump avait menacé de rejeter, interdit à tous les pays d’avoir des relations diplomatiques avec Taïwan considérée comme une province chinoise par Pékin. Une volte-face qui n’a qu’un seul motif selon Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire : « Le défi nord-coréen est à l’origine de ce rapprochement sino-américain. N’oublions pas que Pyongyang est soutenu par Pékin, son unique protecteur qui pourrait stopper les provocations nucléaires de son voisin communiste ». Et de poursuivre : « C’est pourquoi Trump était obligé d’apaiser les tensions qu’il avait attisées avec Pékin lors de sa campagne électorale. Par sa politique anti-chinoise, le candidat républicain visait à gagner des voix, car la Chine constitue une menace de poids pour les Etats-Unis pour deux motifs. Le premier est la montée en puissance de l’économie chinoise qui serait la première économie de la planète vers l’année 2030. Le second motif est plutôt politique et militaire. La Chine a des visées expansionnistes en mer de Chine, ce qui inquiète Washington. De plus, elle est devenue la deuxième puissance militaire après les Etats-Unis, surtout après avoir augmenté son budget militaire de 7 % cette année ».
Désormais, l’Administration Trump est au pied du mur pour définir sa politique face aux provocations de la Corée du Nord. En quittant la Maison Blanche, le président Barack Obama avait prévenu son successeur que le programme nucléaire de la Corée du Nord représente le dossier le plus épineux qu’il aurait à gérer. Prouvant la justesse de cette prévision, le régime stalinien a procédé récemment à quatre tirs de missiles, affirmant qu’il s’agit d’un test visant à frapper les bases américaines au Japon.
Face à cette première crise internationale, le président américain a opté pour la diplomatie, dépêchant son secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, du 15 au 19 mars, à Séoul et à Pékin afin d’étudier les moyens de résoudre cette escalade. « Trump n’a pas d’alternative : il doit recourir à la diplomatie avec Pékin surtout que la possibilité d’une guerre nucléaire est en train de se renforcer. Les relations entre les deux Corées n’ont jamais été aussi tendues : la péninsule pourrait s’embraser à aucun moment. Pyongyang joue avec le feu afin de collecter le maximum de gains économiques à l’exemple de l’Iran. Pyongyang est un régime qui n’arrive pas à nourrir son peuple. Pour lui, le nucléaire n’est qu’une carte de pression pour faire d’une pierre trois coups : faire du chantage économique, casser son isolement sur la scène internationale et se mettre à l’abri de toute agression américaine », affirme Dr Hicham Mourad. Autre facteur à compliquer de plus en plus le paysage politique dans la péninsule coréenne : en pleine tension régionale, la présidente sud-coréenne, Park Geun-Hye, a été destituée vendredi pour un méga-scandale de corruption, entraînant des élections anticipées dans 60 jours.
La proposition chinoise rejetée
Côté chinois, pour faire preuve de volonté, Pékin a proposé cette semaine un compromis basé sur le fait que la Corée du Nord suspende son programme nucléaire en échange de l’arrêt des manoeuvres militaires lancées la semaine dernière par les Etats-Unis et la Corée du Sud. Cette proposition vise à ramener toutes les parties à la table des négociations, selon le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en allusion aux pourparlers à Six (Corées, Japon, Russie, Chine et Etats-Unis) interrompus depuis une dizaine d’années. « L’alternative serait l’escalade, de quoi déclencher un conflit de plus grande échelle », a mis en garde l’ambassadeur de Chine à l’Onu, Liu Jieyi.
Mais le compromis a été rejeté par Washington qui a exprimé son scepticisme à propos d’éventuelles discussions avec Pyongyang. « Le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a un comportement irrationnel peu compatible avec la diplomatie. Et puis, ce ne serait pas un échange équitable de suspendre nos manoeuvres totalement justifiées face à la menace de la Corée du Nord », a déclaré l’ambassadrice américaine à l’Onu, Nikki Haley, suite à une réunion du Conseil de sécurité qui a condamné la salve de tirs de missiles nord-coréens. La semaine dernière, les Etats-Unis ont soumis un texte au Conseil de sécurité condamnant les tirs, une manière pour Washington de tester la réaction de Pékin. Le texte a été finalement adopté à l’unanimité des quinze pays du conseil. Cette condamnation a été « catégoriquement rejetée » par le régime nord-coréen qui a accusé les manoeuvres américano-sud-coréennes de l’avoir poussé à prendre « les mesures les plus dures ». Le Conseil de sécurité a déjà imposé six séries de sanctions au régime communiste, qui a néanmoins procédé à deux essais nucléaires en 2016 et plusieurs tirs de missiles balistiques. Dans le cadre de ces sanctions, la Chine a annoncé qu’elle cessait complètement ses importations de charbon nord-coréen, privant le régime communiste d’une manne financière cruciale. Selon Dr Mourad, « Pékin veut garder la Corée du Nord comme une carte de pression. L’Administration américaine réalise bien ce jeu chinois, c’est pourquoi elle ne veut faire aucune concession face à Pékin ou à Pyongyang ».
Soufflant le chaud et le froid avec Pékin, l’Administration Trump a commencé cette semaine à déployer son bouclier antimissile THAAD en Corée du Sud, un système vu d’un très mauvais oeil par Pékin qui le considère comme une menace pour sa sécurité. Le système THAAD tire des missiles conçus pour intercepter et détruire des missiles balistiques alors qu’ils seraient encore à l’extérieur de l’atmosphère ou qu’ils viendraient d’y entrer. « Le déploiement de ce bouclier est une carte de pression sur Pékin pour qu’elle oblige Pyongyang à stopper ses défis nucléaires. La Chine ne peut jamais admettre de voir des missiles américains à ses frontières. Elle va tout faire pour que Trump arrête le déploiement de ce bouclier. En effet, la Chine est dans une situation embarrassante. Toutes les options lui semblent affreuses. Il est vrai que Pékin ne veut pas d’une Corée du Nord frontalière qui possède l’arme nucléaire, mais aussi un effondrement du régime de Pyongyang et une éventuelle réunification de la péninsule coréenne, soutenue par Washington à sa frontière, représentent un vrai cauchemar », explique Dr Hicham Mourad, affirmant qu’il est temps de réanimer les discussions à Six. Il s’agirait d’obtenir un gel du programme nucléaire nord-coréen en échange d’une levée graduelle des sanctions internationales, à l’instar du compromis conclu avec le régime iranien en juillet 2015 .
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