Malgré les condamnations internationales continues, la violation de terres palestiniennes se poursuit sans relâche, et la construction des colonies israéliennes ne s’arrête pas. Profitant de l’appui américain actuel, et des multiples signes de soutien à la colonisation envoyés par le président américain, Donald Trump, la Knesset a voté la semaine dernière une loi autorisant l’Etat israélien à s’approprier, contre compensation, des terrains privés palestiniens en Cisjordanie occupée. Un tournant, puisque cette loi ouvre la voie à une légalisation de la colonisation. Cette loi a été dénoncée par l’Onu qui a adressé une mise en garde à Israël. «
La nouvelle loi israélienne en faveur des colons viole la législation internationale », avait estimé, mardi 7 février, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres. Selon le chef de l’Onu, le texte «
est en infraction avec la loi internationale et aura d’importantes conséquences juridiques pour Israël ».
Preuve de l’arrogance israélienne, cette nouvelle loi intervient moins de deux mois après une résolution des Nations-Unies qui a condamné la colonisation des territoires palestiniens par l’Etat hébreu, en la qualifiant de « puissance occupante », votée le 23 décembre dernier. Une fois n’est pas coutume, Washington s’était abstenu de mettre son veto. Un geste que l’ex-président américain, Barack Obama, a voulu faire avant de quitter la Maison Blanche, et qui avait été largement dénoncé par le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, qui avait alors dénoncé « un coup anti-israélien honteux », orchestré par l’Administration Obama.
Plus de 11 000 nouveaux logements
De Londres au Caire, siège de la Ligue arabe, en passant par Paris, Berlin, Ankara ou Amman, la politique israélienne en matière de colonisation suscite une série de condamnations, et la communauté internationale se dit ouvertement inquiète d’un nouveau coup porté à une paix insaisissable entre Israéliens et Palestiniens. Federica Mogherini, chef de la diplomatie de l’Union européenne, a « exhorté » Israël « à ne pas mettre en oeuvre » cette loi. Ce qui ne semble pas dans les intentions de l’Etat hébreu, qui multiplie les annonces de construction de nouvelles colonies, que ce soit en Cisjordanie occupée qu’à Jérusalem. A titre d’exemple, le gouvernement israélien a annoncé, le 24 janvier, la construction de 2 500 logements en Cisjordanie occupée, pour la plupart dans des colonies existantes, dont près de 900 dans celle d’Ariel, qui compte 20 000 habitants au coeur des territoires palestiniens. Il s’agit de « l’annonce la plus importante », selon l’ONG israélienne Peace Now, depuis la tentative de dialogue menée par John Kerry, alors secrétaire d’Etat américain, en 2013 et 2014. Deux jours auparavant, la mairie de Jérusalem avait autorisé la construction de 566 logements dans trois zones de colonisation et de 105 autres logements dans des quartiers palestiniens de Jérusalem-Est, partie de la ville annexée par Israël. « Nous avons des plans pour la construction de 11 000 logements qui attendent des autorisations », avait alors ajouté Meïr Turjeman, adjoint au maire de la Ville Sainte.
Selon l’ex-ministre palestinien des Affaires des prisonniers, Dr Sufian Abou-Zaida, la situation dans la région arabe, les conflits en Syrie, en Iraq, en Libye, en Egypte, ainsi que les différends entre « le Fatah et le Hamas », sont autant de motifs qui poussent à la poursuite de la politique de colonisation. « Au milieu de cette situation, l’extrême droite en Israël, pour laquelle la colonisation est un principe de base, a connu une montée sans précédent », a expliqué Abou-Zaida lors d’un colloque organisé par Al-Ahram, mercredi 15 février, et intitulé Le Vol des terres palestiniennes par la loi.
Soutien inconditionnel de Washington
Aujourd’hui, avec Tel-Aviv, seule la Maison Blanche n’a pas joint sa voix aux condamnations internationales. Qui plus est, la nomination par Donald Trump de deux personnalités pro-israéliennes dans sa nouvelle administration est tout à fait significative. Il s’agit de la nomination du gendre du président, M. Jared Kushner, qui soutient financièrement les colons, à la fonction de « haut conseiller à la Maison Blanche », et celle, au poste d’ambassadeur en Israël, de M. David Friedman, qui préside les Amis de Bet El, une vieille implantation juive de Cisjordanie. Le diplomate improvisé a aussitôt exprimé sa « hâte » de travailler « depuis l’ambassade américaine dans la capitale éternelle d’Israël » (voir article page 9).
Or, selon l’analyste Mohamad Abdel-Alim, expert dans les affaires palestiniennes, « la politique de colonisation n’est pas nouvelle, mais la nouveauté, c’est le large soutien que la nouvelle Administration américaine octroie à Israël à ce sujet, un soutien plus large et plus fort que jamais ». Lors du colloque organisé par Al-Ahram, « la colonisation est la raison de l’existence d’Israël et non le résultat, étant donné que cette politique est le centre nerveux et la composante essentielle du projet sioniste et de l’Etat hébreu ».
De 4 400 colons en 1977 à plus de 400 000 aujourd'hui
La première colonie établie en Cisjordanie est la colonie de Kfar Etzion, construite en 1967. Ensuite, un réseau de colonies s’est établi dans toute la Cisjordanie occupée à partir des années 1970 et a continué de s’étendre après les accords d’Oslo signés en 1993. Cet accord avait pourtant divisé ce territoire en zones israéliennes et palestiniennes, ces dernières étant destinées à jeter les bases d’un futur Etat palestinien. Dans ces colonies, le gouvernement israélien garantit la sécurité des colons et développe des infrastructures et un environnement réglementaire nécessaires à leur enracinement.
Aujourd’hui, le nombre de colons est estimé entre 400 000 et 500 000 fin 2016, avec une hausse annuelle de 3,9 %. Ils résident dans 130 colonies en Cisjordanie, approuvées par les autorités, aux côtés de 2,6 millions de Palestiniens. Plus de 200 000 Israéliens vivent aussi à Jérusalem-Est annexée, aux côtés d’au moins 300 000 Palestiniens, qui veulent en faire la capitale de l’Etat. Israël a également établi des colonies dans les hauteurs du Golan, ainsi que dans la bande de Gaza. Ces dernières ont toutefois été évacuées en 2005. Près de 5 000 colons habitent aussi dans une centaine d’avant-postes « sauvages » créés après la signature des accords d’Oslo, à un moment où le gouvernement s’était engagé à ne plus autoriser de nouvelles colonies.
Ces colons sont souvent des Israéliens à la recherche de logements abordables. Il s’agit aussi de juifs nationalistes religieux, pour qui vivre dans les terres bibliques de Judée et de Samarie (nom donné par les Israéliens à la Cisjordanie) est l’accomplissement d’une promesse divine.
Malgré les condamnations internationales, les constructions se sont développées dans les années 1990 et se poursuivent depuis. Entre 2009 et 2015, 12 658 logements ont été créés à l’est de la frontière envisagée en 2003 dans le cadre de l’Initiative de Genève. Début décembre, le gouvernement de Benyamin Netanyahu a même proposé un texte qui vise à régulariser a posteriori la centaine d’avant-postes édifiés depuis 1995. 4 000 logements pourraient à terme en bénéficier.
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