Fidèle à lui-même, le nouveau président américain, Donald Trump, a pris, aux premiers jours de son entrée en fonction, une série de mesures aussi précipitées que controversées. Des mesures qui correspondent à ses slogans électoraux de nationalisme, d’isolationnisme et de lutte contre le terrorisme, que tout le monde croyait de simples «
promesses électorales ». Le nouveau locataire de la Maison Blanche a entamé son mandat en s’attaquant au dossier qui a eu la part du lion de son programme électoral : la lutte antiterroriste. Mais en franchissant un pas sur la mauvaise voie : le président américain a annoncé vendredi un sérieux tour de vis en matière d’immigration et d’accueil de réfugiés, visant certains pays musulmans, afin de stopper l’entrée éventuelle sur le territoire américain de «
terroristes islamistes ». Il a signé un décret intitulé «
Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux Etats-Unis ». D’après ce décret, les autorités américaines vont interdire pendant trois mois l’arrivée de ressortissants de 7 pays musulmans : Iraq, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen, à l’exception des ressortissants détenteurs de visas diplomatiques et officiels et qui travaillent pour des institutions internationales. Quant aux réfugiés syriens, dont 18 000 ont été acceptés aux Etats-Unis depuis 2011, ils seront interdits d’entrée jusqu’à nouvel ordre. Des annonces qui font clairement l’amalgame entre islam et terrorisme islamiste, et qui ont suscité une vague d’indignation de par le monde. Pour l’année budgétaire 2016 (du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016), les Etats-Unis, alors gouvernés par Barack Obama, avaient admis sur leur territoire 85 000 réfugiés du monde entier, parmi lesquels un peu plus de 10 000 Syriens. L’administration Obama s’était donné pour objectif d’accepter 110 000 réfugiés pour l’année 2017, alors que l’administration Trump vise dorénavant pas plus de «
50 000 réfugiés » cette année. «
Nous ne voulons pas de terroristes ici », a proclamé M. Trump, avant de mettre de l’eau dans son vin. «
Ce n’est pas une interdiction contre les musulmans, mais cela concerne des pays qui ont beaucoup de terrorisme », a martelé le milliardaire populiste, sans convaincre.
Tout compte fait donc, Trump s’attaque aux musulmans sans avoir d’idée claire sur la lutte antiterroriste. Selon M. Ossama Al-Gredly, conseiller au Centre du monde arabe pour les études et les recherches avancées, la guerre de Trump contre l’Etat islamique reste floue et sans stratégie. « On ne s’attendait pas à ce qu’il mette en oeuvre sa décision d’empêcher les musulmans d’entrer aux Etats-Unis. Or, cette décision n’a rien à voir avec la guerre antiterroriste. Trump insiste sur le fait de faire l’amalgame entre l’islam et le terrorisme. Jusqu’à présent, il n’a pas défini les étapes qu’il compte suivre dans sa guerre antiterroriste », affirme l’expert.
Manifestant son inquiétude, le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, a mis en garde samedi contre la discrimination envers les réfugiés et contre l’ostracisation des musulmans, estimant que cela faisait le lit de davantage d’extrémisme.
Outre la montée de l’extrémisme, la décision de Trump va compliquer les relations entre les Etats-Unis et le monde musulman. Le premier pays à manifester sa colère était l’Iran, dont les relations avec Washington étaient fort tendues avant la conclusion de l’accord nucléaire en novembre 2015. Samedi, le ministère iranien des Affaires étrangères a décidé d’appliquer le principe de réciprocité en riposte à la décision de Trump.
Relations complexes avec les alliés
Alors que Trump a perturbé ses relations avec le monde musulman, il a tenté cette semaine de mener une offensive diplomatique auprès de ses alliés. A peine installé à la Maison Blanche, le président populiste a accueilli, vendredi, la première ministre britannique, Theresa May, pour vanter « la relation spéciale » entre Washington et Londres, exprimant son enthousiasme pour le Brexit, « une chose merveilleuse », selon lui.
Outre le Royaume-Uni, Donald Trump s’est entretenu pour la première fois, samedi, par téléphone avec 5 dirigeants étrangers, dont le président russe, Vladimir Poutine, le premier ministre japonais, Shinzo Abe, le premier ministre australien, Malcolm Turnbull, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, François Hollande, alors que de prochains entretiens sont prévus avec l’Arabie saoudite, la Corée du Sud et les Emirats arabes unis.
Lors de ses entretiens avec les dirigeants français et allemand, Trump a tenté de calmer une Europe inquiète de ses décisions, notamment les restrictions à l’entrée de réfugiés aux Etats-Unis, les rassurant de l’importance fondamentale de l’Alliance atlantique envers laquelle il s’est montré très critique pendant sa campagne électorale. Inquiet, le président français, François Hollande, a appelé samedi l’Europe à faire bloc pour « répondre » avec « fermeté » au président américain, appelant Trump à revenir sur sa décision concernant l’accueil des réfugiés.
Autre sujet à inquiéter le club européen : c’est le rapprochement entre Washington et Moscou. Lors de son entretien téléphonique avec Vladimir Poutine, le président américain a affirmé avoir fait un « premier pas significatif » pour améliorer les relations perturbées entre les Etats-Unis et la Russie depuis l’annexion de la Crimée par Moscou en 2014. En contrepartie, la Russie l’aidera à en finir avec Daech en Syrie. Déjà, la conversation téléphonique s’est concentrée sur une coopération mutuelle pour vaincre Daech et instaurer plus de paix dans le monde. « Au grand dam de l’Europe, Trump compte laisser à Poutine les mains libres en Ukraine à condition que ce dernier l’aide à en finir avec Daech en Syrie, car l’Ukraine n’est pas une priorité pour Trump. Tout ce qui compte pour lui c’est Daech », affirme Dr Mohamad Kachkouch, conseiller au Centre régional des études politiques et stratégiques. Bien que cet éventuel rapprochement avec une ex-superpuissance qui est en train de regagner son hégémonie sur la scène internationale contredise les valeurs nationalistes et isolationnistes vantées par Trump, il semble que ce dernier est prêt à s’allier avec le diable, afin de remporter sa guerre contre le terrorisme. Bref, en une semaine, le magnat de l’immobilier — sans aucune expérience politique ni stratégie claire en matière de politique étrangère — a réussi à perturber les relations de la première puissance mondiale avec ses voisins, ses alliés européens et avec le monde musulman.
Lien court: