Le dossier le plus urgent auquel Donald Trump devra s’attaquer est la lutte antiterroriste, notamment la guerre contre Daech. En fait, ce dossier a eu la part du lion dans sa campagne, Trump ayant promis de vaincre cette organisation terroriste « 30 jours seulement » après son arrivée à la Maison Blanche, affirmant que c’est la politique erronée du président Barack Obama qui a contribué à l’apparition de Daech. Sur ce dossier, Trump a promis d’être beaucoup plus ferme que son prédécesseur : il a même affirmé sa disposition à envoyer des dizaines de soldats américains pour anéantir Daech. Selon M. Osama El-Gredly, conseiller au Centre du monde arabe pour les études et les recherches avancées, la guerre de Trump contre l’Etat Islamique (EI) serait « sans merci », car il a peur que ce radicalisme religieux ne soit transporté aux Etats-Unis. « C’est certes une priorité pour Trump. Même il n’a pas défini exactement les étapes qu’il compte suivre dans sa guerre antiterroriste. Il tentera probablement de couper les sources de financement de Daech et prendra une position ferme contre tout pays soutenant le terrorisme. Il pourrait même recourir à des opérations terrestres en Syrie », prévoit l’expert. Revers de la médaille : cet engagement antiterroriste va de pair avec une hostilité envers l’islam. D’ailleurs, le leader populiste n’a pas hésité à s’en prendre à la communauté musulmane, soit en proposant d’interdire aux musulmans l’entrée aux Etats-Unis ou à travers ses piques acerbes visant l’islam et les musulmans. Mais, selon M. Osama El-Gredly, ces déclarations n’étaient qu’une carte électorale pour s’attirer le soutien des Américains hostiles à l’islam et à l’immigration. « Il ne faut pas croire toutes les déclarations émises lors de la campagne électorale. La preuve est qu’il a récemment tempéré ses propos pour se concentrer sur les migrants venant des pays musulmans exportateurs du terrorisme comme la Syrie », explique M. Osama.
Mais ses promesses concernant la lutte antiterroriste risquent d’enhardir les groupes djihadistes, surtout Daech et Al-Qaëda. Ces derniers ont salué avec joie sur les réseaux sociaux les bénéfices à attendre de la victoire de ce franc-tireur ouvertement hostile aux musulmans. En général, ces groupes voient utile à leur cause l’arrivée au pouvoir des mouvements politiques qui stigmatisent les musulmans, car cela leur permet de recruter des gens plus facilement. « Ce président arrogant va montrer le visage laid de l’Amérique. Sa vulgarité va mettre dans l’embarras les tyrans arabes et élargir le champ du djihad », s’enthousiasment certains partisans de Daech dans un forum de discussions en ligne.
Syrie : Une politique plus proche de celle de Moscou
C’est sur le dossier syrien que le président américain semble le plus attendu. Ce qui est sûr, c’est qu’il va lutter contre les islamistes, pas seulement ceux de l’EI, et pas contre le gouvernement syrien de Bachar Al-Assad. Tout au long de sa campagne, le milliardaire républicain a émis des positions « favorables » à Al-Assad et aux frappes russes en Syrie, affirmant que la situation aurait pu être pire en Syrie si la rébellion avait renversé le président syrien. « Al-Assad fait la guerre à l’EI et la Russie fait la guerre à l’EI. Ce dernier est la plus grande menace et pas Al-Assad », a-t-il affirmé, sans équivoque. Ce qui a porté Damas à s’enthousiasmer et à qualifier la victoire de Trump de « bonne surprise ». Cependant, selon Dr Mohamad Kachkouch, conseiller au Centre régional des études politiques et stratégiques, « il est impossible de tracer les grandes lignes de la politique américaine en Syrie sans la lier à la crise ukrainienne ». En fait, l’intervention de la Russie en Syrie n’était qu’une carte pour faire pression sur l’Occident — surtout Washington — pour qu’il lui laisse la Crimée annexée par Moscou en 2014. Depuis l’annexion de la Crimée, les relations entre la Russie et les Etats-Unis se sont dégradées et des airs de guerre froide alourdissent déjà les relations bilatérales. « Je pense que Trump va laisser à Poutine les mains libres en Ukraine à condition que ce dernier l’aide à en finir avec l’EI en Syrie. Il a lui-même fait allusion à une telle option : laisser la Crimée à Moscou en contrepartie d’une coopération bilatérale plus efficace contre Daech. Car l’Ukraine n’est pas une priorité pour Trump. Tout ce qui compte pour Trump c’est Daech. Il va probablement tendre la main à Moscou pour coopérer contre ce réseau terroriste les jours à venir. N’oublions pas que la Russie est le seul pays qui a des forces terrestres en Syrie : elle serait donc plus capable de frapper Daech. Pour Trump, en finir avec Daech et maintenir le régime d’Al-Assad semblent le scénario le plus sûr », affirme Dr Mohamad Kachkouch, qui parle d’une future coopération américano-russe sur la Syrie. Ceci dit, les prochaines semaines seraient déterminantes pour les relations américano-russes qui, elles, seront à leur tour déterminantes pour le cours que prendront les choses en Syrie.
Processus de paix : Le pessimisme est de mise
Déjà au point mort, l’avenir du processus de paix n’augure rien de bon avec un président qui promet un soutien « indéfectible » à Israël. « Personne n’est plus pro-Israël que moi. Israël est la seule véritable démocratie et défenseur des droits de l’homme au Moyen-Orient », a déclaré M. Trump juste après sa victoire. Trump reste en même temps ambigu : tout en déclarant vouloir jouer un rôle « important » pour aider à résoudre le conflit israélo-palestinien, il a souligné que la paix devrait être négociée par les deux parties et pas « imposée par d’autres ». Ce qui signifie qu’il ne veut pas trop s’impliquer. « Le conflit israélo-palestinien n’est pas une priorité pour lui. Je pense qu’il va laisser les mains libres à Israël pour faire ce qu’il veut », prévoit Dr Hicham Ahmed, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. D’ailleurs, Trump n’a affiché que des positions pro-israéliennes. Il suffit en effet de rappeler sa promesse de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, ce qui signifie reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël. Sur la colonisation, sa position est encore pire. Son conseiller pour Israël, David Friedman, vient d’affirmer que Trump ne considérait pas les colonies juives comme « illégales », rajoutant que le nouveau président ne mettrait jamais Israël sous pression pour promouvoir une solution à deux Etats. De quoi pousser plusieurs ministres de la droite israélienne à se réjouir et même à appeler à enterrer une fois pour toutes la solution à deux Etats. « La création d’un Etat palestinien est révolue après l’élection de Trump », a affirmé Naftali Bennet, chef du parti Foyer juif (extrême droite). En revanche, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, qui entretenait des relations tendues avec l’Administration Obama, a fait preuve de prudence, se contentant de se féliciter de la victoire du candidat républicain et de l’assurer de son intention de travailler avec lui. « Il se peut que toutes les promesses de Trump ne soient que des promesses électorales visant à courtiser le lobby juif aux Etats-Unis. Mais s’il transfère l’ambassade américaine à Jérusalem, cela enterrera à jamais le processus de paix déjà au point mort », s’inquiète Dr Hicham Ahmed.
Iran : Maintien de l’accord mais tensions prévisibles
L’accord nucléaire conclu en juillet 2015 entre Téhéran et les Six pourrait-il être remis en cause ? Possible, puisque tout au long de sa campagne, Donald Trump affirmait que sa priorité numéro un serait de « déchirer » cet accord « catastrophique ». Or, une fois confrontée à la réalité du pouvoir, l’Administration Trump pourrait bien mettre de l’eau dans son vin les jours à venir. Déjà, le conseiller en politique étrangère de Trump, Walid Phares, a affirmé samedi dernier : « Déchirer est peut-être un mot trop fort. Il va prendre l’accord, le réexaminer, l’envoyer au Congrès, exiger des Iraniens qu’ils changent quelques points ». Mais le président iranien, Hassan Rohani, a gardé le sang-froid, affirmant que le nouveau locataire de la Maison Blanche « ne pourrait jamais revenir sur l’accord », car il n’a pas été conclu avec un seul pays mais a été entériné par une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu et ne peut pas être changé par la décision d’un seul pays. Selon Mohamad Abbas, rédacteur en chef de la revue Choix Iraniens publié par Al-Ahram, « Trump ne pourra jamais démanteler l’accord. C’était simplement une carte électorale visant à gagner les voix des Américains hostiles à l’accord et aussi pour se garantir le soutien du lobby juif très fort aux Etats-Unis. L’accord iranien a été ratifié par le Congrès : aucun président ne pourrait l’abroger. Et puis, une telle remise en cause signifierait une crise ouverte non seulement avec l’Iran mais aussi avec les grandes puissances — engagées dans ce compromis — qui s’y opposeront avec force, de quoi isoler internationalement les Etats-Unis. Par ailleurs, si Trump remet en cause l’accord, l’Iran va hausser le taux de l’enrichissement de l’uranium car il a simplement gelé son programme nucléaire et ne l’a pas détruit. Ceci signifie un retour à la case départ avec cette alternative : soit un Iran nucléaire, soit la guerre », prévoit l’expert, rajoutant que le président pourrait toutefois mettre des « obstacles » face à l’application de l’accord, soit en maintenant les sanctions américaines sur l’Iran, soit en imposant des sanctions aux pays qui investissent en Iran. « L’application de l’accord pourrait être ralentie mais il ne sera jamais annulé », prévoit M. Abbas.
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