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Dangereuse poussée populiste

Abir Tale avec agences, Lundi, 14 novembre 2016

L'élection surprise de Donald Trump s'inscrit dans une montée générale de la droite, de l'extrême droite et du radicalisme à travers le monde. Un phénomène à hauts risques.

Dangereuse poussée populiste
Les chefs des partis de l'extrême droite, avec à leur tête la Française Marine Le Pen, ont été les premiers à se réjouir de la victoire de Trump. (Photo:Reuters)

C’est notre tour ». Tel est le refrain que semble aujourd’hui fre­donner l’ensemble des partis de droite, voire d’extrême droite, euro­péens. En effet, le succès inattendu de Trump aux élections présiden­tielles américaines du 9 novembre dernier arrive à point nommé pour les partis populistes européens, par­tageant la même vision que ce der­nier, surtout à l’approche des échéances électorales dans des pays comme la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche.

D’ores et déjà, nombre d’analystes ont estimé que l’extrême droite sort dopée par la victoire de Trump, aujourd’hui jugée comme l’accéléra­teur du populisme européen. Les premières réactions ont d’ailleurs été bien franches. En France, où l’on estime que l’élection américaine aura sans doute un impact d’enver­gure sur la primaire à droite (20-27 novembre) et sur la prochaine prési­dentielle, la chef de file de l’extrême droite, Marine Le Pen, présidente du Front national — qui a toutes les chances d’être au deuxième tour de la présidentielle de 2017 — s’est félicitée d’une « bonne nouvelle ». Elle a été la première personnalité politique en Europe à féliciter l’élec­tion de Trump, cela avant même l’annonce officielle des résultats. En Italie, Matteo Salvini, le jeune chef de la Ligue du Nord, parti anti-euro et anti-immigré proche du Front national français, a déclaré : « Trump nous a montré que l’on pouvait gagner contre tout et contre tous. C’est notre moment ». Ce pays s’ap­prête en effet à organiser un référen­dum constitutionnel crucial le 4 décembre prochain, le jour même où l’Autriche pourrait se choisir un pré­sident d’extrême droite. Quant à la Hongrie, elle avait clairement sou­haité une victoire de Donald Trump, lequel, pendant sa campagne, a culti­vé sans attendre sa proximité avec la droite dure européenne et l’extrême droite, et n’a cessé d’évoquer le Brexit.

Les dirigeants européens sont donc inquiets. « Les même forces popu­listes et nationalistes, que ce soit sur l’immigration ou le libre-échange, ont une expression politique très forte au sein de l’Europe », souligne ainsi Heather Conley, du Center for Strategic and International Studies, cité par l’AFP, rappelant les nom­breuses échéances électorales à venir. En effet, ces forces-là se voient confortées par l’arrivée au pouvoir d’un leader protectionniste et anti-migrants, au moment où le vieux continent peine à réguler l’ar­rivée des réfugiés et des migrants clandestins.

Un monde enclin aux extrêmes

Tout comme pour le Brexit, l’Eu­rope ne s’était pas préparée à ce vote. Dans une réunion extraordi­naire tenue dimanche soir à Bruxelles, sous la forme d’un « dîner informel », convoquée par la chef de la diplomatie de l’Union Européenne (UE), Federica Mogherini, les ministres européens des Affaires étrangères se sont certes efforcés de dédramatiser les relations avec la future Administration Trump, plaidant pour un « partenariat très fort » avec Washington et réaffirmant leur volonté de faire entendre la voix de l’Europe ; mais leur inquiétude était palpable. D’ailleurs, Mme Mogherini a aussi souligné avec ironie l’absence du Britannique Boris Johnson, qui avait plaidé pour le Brexit, et dont la ressemblance avec Trump est visible.

L’élection de Trump, qui fait suite au Brexit, pourrait donc être une aubaine pour l’extrême droite euro­péenne, qui a tout intérêt à voir la vague anti-multiculturaliste et alter­mondialiste déferler. Déjà, Marine Le Pen a déclaré que ces deux grands événements marquent la décadence des élites politiques et l’émergence d’un « monde nou­veau », qui serait enclin aux extrêmes. Dominique de Villepin, ancien premier ministre et ministre français des Affaires étrangères, a déclaré que la victoire du candidat républicain représentait « l’effrite­ment des démocraties classiques » et « la montée des populismes, des mécontentements et d’un vote anti-système ».

Ce qui est sûr, c’est que le choix britannique pour une sortie de l’UE et le choix américain sont des phéno­mènes politiques de même nature : un vote contre la mondialisation sous sa forme actuelle. Mais c’est aussi et surtout un vote anti-immi­gration, un vote raciste qui risque de pousser le reste du monde vers davantage de radicalisation, alors que l’extrémisme islamiste prolifère également. Une montée de tous les extrêmes qui n’est pas sans rappeler l’ambiance de l’entre-deux guerres .

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