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Les tergiversations de Pyongyang

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 29 août 2016

La Corée du Nord a procédé cette semaine à un nouveau tir de missile balistique, accentuant ainsi l'inquiétude de la communauté internationale.

Les tergiversations de Pyongyang
A Tokyo, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a affirmé l'opposition de son pays au programme nucléaire nord-coréen. (Photo : AFP)

Trois semaines après son dernier tir de missile qui s’était abattu dans les eaux japonaises le 2 août, et en dépit des sanctions internationales, la Corée du Nord a provoqué, une fois de plus, l’inquiétude de la communauté internationale en tirant cette semaine un missile (SLBM) qui a parcouru 500 kilomètres en direction du Japon. Le missile a été tiré depuis un sous-marin et est entré pour la première fois dans la zone d’identification de défense aérienne du Japon, a déclaré le premier ministre japonais, Shinzo Abe, dénonçant une « sérieuse menace pour la sécurité du Japon, un acte irresponsable qui ne peut être toléré ».

Selon les experts, ce récent tir constitue une « nette avancée » dans le programme balistique nord-coréen car le lancement d’un missile depuis un sous-marin est le « privilège des puissances nucléaires » seulement comme les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Tous les pays voisins sont désormais à portée des tirs de Pyongyang qui cherche à s’imposer en tant que puissance nucléaire émergente capable de frapper au-delà de la péninsule coréenne. « Nous devons intensifier nos efforts en vue d’acquérir un missile balistique surmonté d’une tête nucléaire, afin de faire face à une guerre totale et nucléaire éventuelle avec les Etats-Unis », a déclaré vendredi le leader nord-coréen, Kim Jong-Un, tout en qualifiant ce récent tir d’« immense succès » qui place son pays à « l’avant-garde des puissances militaires dotées de capacité nucléaire d’attaque ».

Ce récent tir est aussi une riposte claire aux manoeuvres conjointes américano-sud-coréennes qui ont commencé le 23 août. Ces manoeuvres sont considérées par Pyongyang comme une préparation à une éventuelle invasion alors que, pour Washington et Séoul, ces exercices sont purement défensifs. Outre les manoeuvres, ces récentes provocations nord-coréennes sont une réponse à l’annonce par les Etats-Unis et la Corée du Sud du déploiement d’un système antimissile américain (Thaad) en Corée du Sud fort condamné par Pyongyang et Pékin.

Outre le tir de missile, Pyongyang a envenimé cette semaine l’ambiance déjà enflammée sur la péninsule coréenne, en plantant de nouvelles mines terrestres dans le nord de la zone démilitarisée qui la sépare de la Corée du Sud, a indiqué le Commandement des Nations-Unies en Corée (UNC), organisme qui supervise l’armistice qui a mis fin à la Guerre de Corée en 1953. L’UNC a « fermement » condamné cette opération, soulignant que la présence de tout engin ou munition, sur ou près de la zone en question, compromet sérieusement la sécurité des personnes des deux côtés. En dépit de son nom, la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées est l’une des frontières les plus militarisées au monde car la guerre de Corée (1950-1953), qui a pris fin par un armistice, n’a pas abouti à un accord de paix entre les deux pays, qui sont donc techniquement toujours en guerre. « Les relations entre les deux Corées n’ont jamais été aussi tendues comme ces derniers jours. Tout ce qui compte pour le leader nord-coréen c’est d’utiliser la carte nucléaire pour faire d’une pierre plusieurs coups : dissuader son ennemi américain, en faire un moyen de chantage voire une carte de pression pour collecter le maximum de gains économiques et enfin gagner de plus en plus le soutien de son peuple », analyse Norhane Al-Cheikh, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire.

Pékin sous le feu des critiques

Ces provocations nord-coréennes ont exacerbé la colère de la communauté internationale. A la demande des Etats-Unis et du Japon, le Conseil de sécurité de l’Onu s’est réuni pendant deux heures cette semaine mais n’a pas réussi à adopter de position commune. Le même scénario a eu lieu le 2 août quand le Conseil n’avait pas non plus réussi à adopter une déclaration formelle pour condamner le tir nord-coréen en raison des « réticences chinoises ».

Déjà, plusieurs résolutions de l’Onu interdisent à la Corée du Nord toute activité nucléaire ou balistique, ce qui ne l’a pas empêchée d’effectuer quatre essais nucléaires, dont le dernier remonte à janvier. En réponse, le Conseil de sécurité avait adopté en mars les sanctions économiques et commerciales les plus sévères jamais imposées à Pyongyang. Mais ces sanctions n’ont rien donné et ne semblent guère être appliquées à cause du soutien de la Chine, alliée et principale partenaire économique de la Corée du Nord. Selon Norhane Al-Cheikh, Pékin est dans une situation embarrassante car son soutien à son voisin communiste envenime fort ses relations avec la communauté internationale surtout Tokyo, Séoul et Washington qui jugent que la Chine ne fait pas assez d’efforts pour ramener son allié dans le droit chemin.

Dans une tentative de calmer la colère de ses voisins, Pékin a tenu cette semaine le bâton par le milieu. A Tokyo, où il était en visite pour une réunion tripartite avec ses homologues japonais et sud-coréen, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a affirmé l’opposition de son pays au développement nucléaire nord-coréen et à toute action qui pourrait provoquer des tensions. « L’attitude de Pékin est ambiguë. Alors qu’elle a accepté l’imposition de sanctions contre Pyongyang en mars dernier, elle a refusé d’imposer de nouvelles sanctions après les deux récents tirs de ce mois-ci. Pékin veut tenir le bâton par le milieu : soutenir son voisin sans s’attirer la colère de la communauté internationale. Tous les choix lui semblent affreux. D’un côté, elle ne veut pas d’une Corée du Nord frontalière qui possède l’arme nucléaire, car ce sera un danger pour elle, de l’autre, un effondrement du régime de Pyongyang et une éventuelle réunification de la péninsule coréenne soutenue par Washington à sa frontière sont un vrai cauchemar. De plus, un effondrement de son voisin communiste conduirait à un afflux de réfugiés à sa frontière, de quoi justifier sa réticence contre toute résolution aggravant les sanctions contre Pyongyang », explique Norhane Al-Cheikh, affirmant que l’arme des sanctions n’apporterait aucun résultat avec le régime stalinien. Désormais, l’unique percée dans la crise nord-coréenne serait de reprendre les pourparlers à Six, interrompus en 2009, visant à convaincre Pyongyang de renoncer à son arsenal nucléaire.

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