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Corée du Nord : Nouvelle provocation

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 08 août 2016

Le tir d'un nouveau missile balistique nord-coréen, qui a, pour la première fois, atteint les eaux japonaises, a réveillé les craintes internationales sur les velléités nucléaires de Pyongyang.

Corée du Nord : Nouvelle provocation
En dépit des sanctions économiques, Pyongyang a réussi à développer son arsenal nucléaire. (Photo:Reuters)

Alors que la crise nucléaire iranienne a été réglée, un autre défi nucléaire continue de susciter l’inquiétude de la communauté internationale : la Corée du Nord. Dans une évolution inquiétante, Pyongyang a récemment tiré un missile balistique qui a, pour la première fois, atteint les eaux japonaises, provoquant la colère de Tokyo. « C’est un acte scandaleux qui ne saurait être toléré », s’est insurgé le premier ministre japonais, Shinzo Abe, évoquant une « menace sérieuse à la sécurité du pays ».

Une colère partagée par Washington et Séoul qui ont condamné une violation claire des résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu. Début mars, le Conseil de sécurité avait alourdi l’arsenal des sanctions internationales contre la Corée du Nord à la suite de l’essai nucléaire du 6 janvier et d’un tir de fusée effectué le 7 février. Faisant fi des sanctions, Pyongyang a tiré en juillet trois missiles balistiques avant son dernier tir cette semaine. « Cette provocation ne sert qu’à renforcer la détermination de la communauté internationale à contrer les activités interdites de la Corée du Nord », a menacé Gary Ross, porte-parole du Pentagone.

Justifiant ses agissements, la Corée du Nord a rétorqué samedi en affirmant sa volonté de protéger ses frontières contre les forces hostiles et surtout contre les Etats-Unis qu’elle a accusés de préparer une frappe nucléaire préventive après l’annonce par Washington du déploiement d’un bombardier stratégique B-1 dans le Pacifique, pour la première fois depuis 10 ans. Outre cette nouvelle menace américaine, le récent tir nord-coréen intervient juste avant les manoeuvres militaires conjointes entre Américains et Sud-Coréens prévues le 22 août. La Corée du Nord voit dans ces manoeuvres annuelles une « provocation » à ses frontières, alors que Séoul et Washington soutiennent que leur visée est purement « défensive ».

Selon les experts, les essais nucléaires de Pyongyang ne sont qu’une « démonstration de force » contre le bouclier antimissiles américain qui doit être déployé en Corée du Sud d’ici la fin de l’année prochaine. Washington et Séoul avaient annoncé un accord sur le déploiement au Sud de ce bouclier antimissile THAAD (Terminal High Altitude Area Defence) américain face à la multiplication des menaces venues de la Corée du Nord. Un projet qui n’inquiète pas seulement Pyongyang mais aussi Pékin.

Face à ces défis nord-coréens incessants, la question est de savoir comment un régime en proie à de lourdes sanctions et démuni économiquement peut dépenser ces fonds énormes pour développer son arsenal nucléaire. Car les progrès nucléaires faits ces derniers mois par Pyongyang sont indéniables. Outre ce récent tir, qui a atteint pour la première fois les eaux japonaises, Pyongyang a surpris le monde en janvier dernier avec son premier essai de bombe à hydrogène, beaucoup plus puissante que la bombe atomique ordinaire, de quoi marquer un énorme pas en avant pour Pyongyang qui a ainsi rejoint « les rangs des Etats nucléaires avancés ». De nombreux experts reconnaissent même que Pyongyang a progressé dans ses efforts pour mettre au point un missile intercontinental capable de porter le feu nucléaire sur le continent américain. « Pour Pyongyang, une bombe nucléaire est le seul moyen de dissuasion contre ses ennemis, surtout Washington. Kim Jong-Un prive son peuple de ses droits les plus élémentaires pour fabriquer cette bombe. Le pouvoir a même réussi à convaincre son peuple de l’importance de l’arme nucléaire. Ce qui fait que les Nord-Coréens, même s’ils souffrent de famine et subissent un régime despote, sont prêts à tout endurer au profit de ce rêve nucléaire », analyse Dr Norhane Al-Cheikh, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. Et d’ajouter : « Pour éveiller le sens du patriotisme chez les Nord-Coréens, le pouvoir provoque des crises avec le monde pour jeter l’effroi dans le coeur du peuple et détourner son attention de ses échecs intérieurs ».

Pékin sous pression internationale
Face à ces provocations nord-coréennes, les Etats-Unis et le Japon se sont efforcés d’obtenir une condamnation unie du Conseil de sécurité qui s’est réuni d’urgence sans aboutir à une condamnation formelle des activités de Pyongyang en raison des « réticences » de la Chine, principal partenaire commercial et seul soutien de Pyongyang. Réticent, l’ambassadeur chinois à l’Onu, Liu Jieyi, s’est opposé à de nouvelles sanctions contre son allié. « Rien ne doit être fait qui puisse exacerber ces tensions », a-t-il dit en référence au bouclier antimissile américain que la Chine considère comme une atteinte à sa propre sécurité. « La Chine est dans une situation très délicate et face à des choix difficiles. D’un côté, Pékin ne veut pas d’une Corée du Nord frontalière qui possède l’arme nucléaire, de l’autre, un effondrement du régime de Pyongyang et une éventuelle réunification de la péninsule coréenne, soutenue par Washington à sa frontière, sont un vrai cauchemar. C’est pourquoi Pékin ne va jamais permettre l’effondrement de son voisin, de quoi justifier sa réticence contre toute résolution aggravant les sanctions contre son allié. Une réticence qui va lui attirer la colère de l’Occident, surtout des Etats-Unis », explique Dr Norhane Al-Cheikh.

D’où le casse-tête de la communauté internationale et la difficulté de trouver une solution. Selon Dr Norhane Al-Cheikh, « il est évident que l’arme des sanctions est inefficace. La diplomatie semble désormais la solution la plus fructueuse. Si les sanctions ont ramené Téhéran à la table des négociations, ce ne sera pas le cas pour Pyongyang car la nature du peuple nord-coréen diffère de celle du peuple iranien ». Or, la diplomatie n’a jusque-là rien réussi. Les négociations à Six, qui réunissaient les deux Corées, la Chine, le Japon, la Russie et les Etats-Unis, avaient capoté en décembre 2008 et n’ont, depuis, jamais repris et ne risquent de reprendre qu’à la suite de fortes pressions chinoises sur la Corée du Nord.

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