Inquiétude, surprise et parfois espoir : telles sont les impressions qui dominent les esprits des Africains à la suite du Brexit. La sortie de la Grande-Bretagne, deuxième plus gros investisseur européen en Afrique après la France, de l’Union Européenne (UE), a provoqué une onde de choc, pas seulement sur les marchés financiers internationaux, mais aussi africains, ces derniers se préparent à affronter la tempête. «
L’impact immédiat concernera la volatilité des marchés financiers qui affectera négativement les places africaines aussi », a estimé Razia Khan, interrogée par
The Africa Report (publication du groupe
Jeune Afrique). L’économiste en chef pour l’Afrique de la banque
Standard Chartered explique que les conditions de financement sur les marchés internationaux, «
déjà difficiles, le deviendraient encore davantage » et les accords commerciaux de plus long terme devront être revus dans «
un cadre d’incertitude macroéconomique qui pèsera sur la croissance ». Les principaux pays affectés seront l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Botswana, l’Angola, le Kenya, le Ghana et le Sénégal, avec lesquels 80 % des exportations britanniques en Afrique subsaharienne se font.
Outre l’Afrique du Sud, fortement touchée, le Nigeria pourrait également faire les frais du Brexit. Les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et la première économie africaine atteignaient 8,3 milliards de dollars l’année dernière, et étaient partis pour s’élever jusqu’à 28 milliards d’ici la fin de la décennie. A cause du Brexit, les accords commerciaux précédemment passés en conformité avec les directives européennes pourraient être renégociés. Plus largement, c’est l’ensemble des investissements en direction du continent africain qui pourraient ralentir.
Par ailleurs, en choisissant d’être seul capitaine de son propre navire, la Grande-Bretagne s’expose à l’instauration de droits de douanes entre elle et ses anciens frères européens. De quoi faire augmenter le coût de production de ses produits, dont la fabrication est souvent sous-traitée dans d’autres pays européens. Et donc le prix à l’export. « Une partie des machines anglaises utilisées dans des secteurs de pointe, tels que l’énergie ou le pétrole, est exportée en Afrique, dans des pays comme le Nigeria, l’Afrique du Sud ou encore l’Egypte », explique Christian Liongo, président d’Africa Rise, un organisme belge facilitant les contacts entre entrepreneurs européens et africains. « Mais si leur prix augmente, ces pays auront davantage intérêt à acheter ailleurs », ajoute-t-il dans un article publié cette semaine au Monde.fr. D’autant plus que depuis une quinzaine d’années, les pays africains ont diversifié leurs sources d’approvisionnement. Sur le continent, la Chine, la Corée du Sud, le Japon ou encore l’Inde sont montés en puissance et pourraient profiter de la hausse des prix des exportations britanniques pour gagner encore plus la faveur des marchés africains.
En outre, des projets politiques régionaux en Afrique pourraient avoir à pâtir de la décision des Britanniques : il est en effet possible d’y voir un message négatif sur l’impossibilité de réunir plusieurs nations dans une seule entité. La Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), composée du Burundi, du Kenya, de Tanzanie, du Rwanda et d’Ouganda, a cependant tenu à réaffirmer sa volonté d’aller vers une union renforcée. « Notre union est plus forte car nous avons tiré des enseignements de notre effondrement (en 1977) », a déclaré son secrétaire général, Liberat Mfumukeko, qui a ajouté qu’un projet de Constitution serait bientôt proposé.
A ses yeux, le ministre britannique pour l’Afrique, James Duddridge, qui a mené campagne pour la sortie du Royaume-Uni, l’UE est « une manière tout à fait inappropriée de définir les relations entre le Royaume-Uni et l’Afrique », promettant des engagements nouveaux avec le continent après la sortie de l’UE. Si l’impression générale est négative, l’écrivain malawien Levi Kabwato estime, sur Jeune Afrique, que le Brexit pourrait avoir de bons côtés, car, selon lui, il affaiblirait le Royaume-Uni et l’Union européenne, deux structures qui ont mis en place des accords commerciaux souvent défavorables aux intérêts africains.
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