Des manifestations ont eu lieu à Kaboul vendredi dernier pour la libération de civils enlevés par les Talibans et pour davantage de sécurité face aux menaces des insurgés. « Où sont vos promesses ? », ont demandé les manifestants en colère à leurs dirigeants, alors que les Talibans continuent de gagner du terrain dans le pays. C’est la deuxième fois que des manifestants descendent dans la rue pour exiger la libération des otages. Le 31 mai dernier, les Talibans avaient attaqué un bus près de Kunduz dans le nord, tuant au moins 16 passagers qu’ils soupçonnaient de travailler pour les autorités et prenant en otage plusieurs dizaines de personnes. Le surlendemain, un autobus qui transportait des membres de la minorité chiite hazara était à son tour pris pour cible. Là encore, 17 personnes ont été enlevées.
Outre les attaques « traditionnelles », les Talibans ont aussi recours à d’autres méthodes dans leur bataille contre les autorités du pays : ils exploitent une tradition d’esclavage sexuel toujours en vigueur pour envoyer de jeunes garçons infiltrer des postes de police et les attaquer dans le sud du pays, selon des responsables locaux et des survivants de telles attaques, cités par l’AFP. Il s’agit de gommer tous les attributs masculins des garçons, en les affublant de robes, les maquillant et les forçant à adopter une démarche efféminée, puis en les utilisant comme guet-apens. Une pratique que les Talibans utiliseraient depuis près de deux ans pour multiplier les attaques contre des forces de sécurité. « Les Talibans envoient des garçons, de beaux garçons, infiltrer les barrages de police pour ensuite empoisonner ou tuer les agents », explique à l’AFP Ghulam Sakhi Rogh Lewanai, ancien chef de la police provinciale jusqu’en avril dernier. Six attaques du genre au moins ont été comptabilisées rien qu’entre janvier et avril. Elles ont coûté la vie à plusieurs centaines de policiers, principalement dans la province d’Uruzgan, selon des sources judiciaires, sécuritaires et des survivants de ces attaques. Un porte-parole des Talibans, également cité par l’AFP, a, bien sûr, formellement démenti de telles pratiques.
Toutes ces attaques menées par des infiltrés ont considérablement affaibli une armée et une police déjà à la peine face aux Talibans dans cette région montagneuse reculée, voisine de la dangereuse province du Helmand dans le sud du pays. En plus, les attaques se multiplient sur les routes du pays. Une grande partie des zones rurales d’Afghanistan sont désormais sous contrôle taliban. Et face au renforcement de l’offensive insurgée, les Etats-Unis, principal soutien à l’armée nationale, ont autorisé leurs soldats à intervenir plus directement dans les combats. Ainsi, le président américain, Barack Obama, a autorisé la semaine dernière les forces de son pays présentes en Afghanistan à s’attaquer plus directement aux Talibans. Obama a décidé de maintenir un contingent de 9 800 hommes pendant la plus grande partie de 2016. Il ne s’agit pas de viser les insurgés, précise l’armée américaine, mais de venir en aide de façon plus dynamique à l’armée afghane.
Une décision applaudie par Kaboul, le ministère afghan de la Défense ayant salué samedi le renforcement de l’engagement américain contre les Talibans qui va lui permettre d’accroître ses capacités opérationnelles sur le terrain, a estimé un porte-parole. « Nous saluons l’annonce des Etats-Unis sur l’élargissement de leur implication dans la guerre contre le terrorisme en Afghanistan, car nous avons toujours besoin de leur soutien », a déclaré à l’AFP le général Daulat Waziri. « Nous n’avons pas forcément besoin de plus d’hommes au sol mais leurs conseillers sont nécessaires ainsi que leur aide pour équiper nos forces aériennes », a-t-il ajouté. « Leur implication va augmenter nos capacités opérationnelles. Nous saluons cette annonce et nous espérons que la guerre contre le terrorisme prendra fin au plus vite ». Pour le général Waziri, « la guerre en Afghanistan n’est pas un conflit civil mais une guerre menée contre le terrorisme. Les pays qui ont promis de la conduire devraient rester ici bien sûr, et les Etats-Unis sont l’un d’eux », fait-il valoir.
Le plus surprenant dans la décision américaine est qu’elle intervient alors que Washington affirme que son objectif est d’installer la paix en Afghanistan, ce qui permet de conclure que le rôle de Washington dans le pays reste antinomique. Mais avec une réconciliation qui paraît plus lointaine que jamais, les Etats-Unis ont changé leurs plans. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’ils le font : au début, la Maison Blanche avait déclaré qu’elle allait retirer ses troupes d’Afghanistan à part celles qui sont attachées à l’ambassade. Ensuite, Washington a décidé de laisser près de 10 000 militaires dans le pays jusqu’à la fin 2016. A l’heure actuelle, les autorités américaines envisagent de prolonger leur présence en Afghanistan en 2017.
Des changements qui démontrent l’échec américain en Afghanistan. En effet, malgré la présence en Afghanistan pendant plus de 14 ans de dizaines de milliers de troupes de l’Otan et les dizaines de milliards dépensés en aide militaire et civile, les Talibans regagnent du terrain.
Lien court: