L'annexion de la Crimée est à l'origine de tensions entre Moscou d'une part, et l'Europe et l'Otan d'autre part.
(Photo:AP)
Marseille, vendredi 10 juin, en plein Euro 2016, des affrontements opposant supporters russes et anglais ont dégénéré. S’ensuivit l’arrestation d’une quarantaine de hooligans russes. Un incident qui s’est presque transformé en mini-crise diplomatique. Le président russe, Vladimir Poutine, ironisant sur la capacité de 200 supporters russes à « passer à tabac plusieurs milliers d’Anglais », et son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, fustigeant ces arrestations jugées « absolument inadmissibles » et s’en prenant aux autorités françaises.
Certes, l’affaire n’a pas pris de trop grandes proportions. Il n’en demeure pas moins que la tension est palpable, pas seulement entre Paris et Moscou, mais entre toute l’Europe occidentale et la Russie. Une tension qui était claire le week-end dernier à Saint-Pétersbourg, à l’occasion du Forum économique international, même si c’est la première fois depuis l’imposition de sanctions européennes à l’encontre de la Russie que plusieurs personnalités européennes de haut rang sont présentes cette année au Forum économique de Saint-Pétersbourg. C’est d’ailleurs surtout la présence du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a été considérée par les Russes comme un signal plein de promesses. Les Russes ont pourtant vite désenchanté : s’il a justifié sa présence par une volonté de dialogue, Jean-Claude Juncker s’est également montré très ferme sur la question des sanctions. « La Russie est partie prenante des accords de Minsk. Elle les a signés, s’est engagée à les appliquer, comme les autres signataires. La prochaine étape est donc claire : l’application complète de l’accord, ni plus ni moins. C’est le seul moyen de commencer notre conversation et le seul moyen de lever les sanctions économiques imposées », a-t-il dit. Juncker a aussi rappelé que « l’intégrité territoriale de l’Ukraine ne pouvait être ignorée », et que « les actions de la Russie avaient ébranlé les principes mêmes de la sécurité de l’Europe ».
Cependant, malgré la reconduction des sanctions pour un an contre la Russie, Poutine se dit prêt « à faire un pas » en direction des Européens. « Nous ne sommes pas rancuniers et nous sommes prêts à faire un pas vers nos partenaires européens », a déclaré le président russe à l’occasion du Forum économique international de Saint-Pétersbourg. « Mais cela ne peut être, bien entendu, à sens unique », a-t-il ajouté.
Les relations entre l’Europe et Moscou sont mises à mal depuis l’instauration en 2014 de sanctions économiques réciproques ayant suivi l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie et le déclenchement d’un conflit dans l’est de l’Ukraine. A l’instar de Kiev et Washington, Bruxelles accuse la Russie de soutenir les forces séparatistes combattant l’armée ukrainienne dans l’est de l’Ukraine, ce que Moscou dément. Les accords de Minsk 2, signés en février 2015 sous la médiation franco-allemande et en présence du président russe Vladimir Poutine, prévoient un cessez-le-feu entre forces armées et séparatistes dans l’est de l’Ukraine ainsi qu’une série de mesures pour mettre fin au conflit. Mais les Occidentaux accusent Kiev et les séparatistes pro-russes de ne pas appliquer ces accords, alors que l’Ukraine et les rebelles s’accusent aussi mutuellement de les violer.
L’Ukraine en toile de fond
Or, la question de l’Ukraine et des velléités empoisonne aussi les relations entre Moscou et l’Otan. Le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, s’est dit jeudi denier inquiet, dans une interview au quotidien allemand Bild, de voir la Russie « constituer une zone d’influence par des moyens militaires » en Ukraine et opérer une militarisation massive aux frontières de l’Otan. « La Russie cherche à constituer une zone d’influence par des moyens militaires. En infraction avec le droit international, Moscou a annexé la Crimée et soutient les séparatistes dans l’est de l’Ukraine. Nous observons en outre une militarisation massive aux frontières de l’Otan, dans l’Arctique, sur la Baltique, dans la mer Noire et jusqu’en Méditerranée », a indiqué Jens Stoltenberg. « Nous avons connaissance de manoeuvres importantes, agressives et non annoncées du côté russe et nous devons réagir à cela », a-t-il ajouté, tout en précisant que l’Otan n’agit que de manière « défensive », et qu’elle veut éviter le conflit plutôt que de le provoquer.
Le secrétaire général de l’Otan a aussi estimé que le « stationnement de troupes à l’Est (était) une réponse adaptée aux agissements agressifs de la Russie ». Réunis la semaine dernière à Bruxelles, les ministres de la Défense alliés de l’Otan ont en effet donné leur feu vert au déploiement de quatre bataillons de 800 à 1 000 hommes chacun, sur base de rotations, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne. Une décision qui intervient à trois semaines d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Alliance à Varsovie, qui doit entériner le durcissement de l’organisation face à la Russie.
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