Jean-Marc Ayrault était cette semaine à Jérusalem pour relancer la paix.
(Photo : AP)
Le gouvernement français continue de déployer des efforts pour revitaliser le processus de paix au Moyen-Orient. A l’instar des administrations américaines, François Hollande aspire à marquer des points dans la question du processus de paix pour compenser son impopularité à l’intérieur avant l’élection présidentielle de 2017. Dans ce conteste, le premier ministre Manuel Valls se rendra du 21 au 24 mai en Israël puis dans les territoires palestiniens, sur fond de reprise des hostilités à Gaza et d’initiative française pour relancer le processus de paix. En faisant ce pari, les Français cherchent à remplir le vide désormais créé par l’absentéisme de l’administration démocrate du président américain Barack Obama.
L’objectif de ce déplacement français est « la politique d’abord », avec des entretiens diplomatiques « dans un contexte de relance des efforts de la France pour parvenir à un accord de paix fondé sur une solution à deux Etats », indiquent les services du premier ministre dans un communiqué. Paris tentera, fin mai, de relancer le processus de paix israélo-palestinien, au point mort, en organisant une réunion ministérielle internationale qui pourrait, en cas de succès, déboucher sur un sommet international avant la fin de l’année.
Au préalable, la France devra sans doute aplanir ce que le président François Hollande a appelé une « incompréhension » avec Israël : l’adoption par le conseil exécutif de l’Unesco mi-avril, avec la voix de la France, d’une décision sur la « Palestine occupée » visant à « sauvegarder le patrimoine culturel palestinien et le caractère distinctif de Jérusalem-Est ». Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, que M. Valls doit rencontrer le 23 mai, a condamné un texte « absurde ». Le premier ministre français sera à Jérusalem les 22 et 23 mai, où il rencontrera successivement l’ancien président, Shimon Pérès, et l’actuel Reuven Rivlin, puis le chef de l’opposition, le travailliste Isaac Herzog, et enfin M. Netanyahu. Le 24 mai il se rendra à Ramallah, où il rencontrera le premier ministre palestinien, Rami Hamdallah.
Cette tournée a été précédée par celle du ministre Français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, qui était dimanche dernier à Jérusalem et Ramallah pour présenter de vive voix à M. Netanyahu et au président palestinien, Mahmoud Abbas, le projet français de conférence internationale de paix. M. Ayrault a comme prévu reçu le soutien palestinien et rencontré les objections israéliennes confortées par un récent vote français en faveur d’une décision de l’Unesco sur le patrimoine culturel palestinien et Jérusalem-Est, partie palestinienne de Jérusalem occupée et annexée par Israël. « J’ai dit (à M. Ayrault) que la décision scandaleuse prise à l’Unesco avec le soutien de la France et qui ne reconnaît pas le lien millénaire entre le peuple juif et le Mont du Temple jette une ombre sur l’impartialité du forum que la France tente de réunir », a dit M. Netanyahu. « La seule voie » pour parvenir à la paix, « ce sont des négociations directes sans condition préalable », a redit M. Netanyahu. « La France est désintéressée », a dit le ministre des Affaires étrangères, « il ne peut pas y avoir de doute sur la sincérité de la France », et les propos de M. Netanyahu sont des « mots de circonstance ». De son côté, le chef de la diplomatie palestinienne, Riyad Al-Malki, que M. Ayrault a rencontré avec le président Abbas, a dénoncé devant la presse les refus opposés « depuis le début » par M. Netanyahu. Il a souhaité « le succès des efforts français parce qu’ils sont les seuls sur le terrain ».
Le ministre des Affaires étrangères français a justifié l’initiative française par « l’urgence à agir » devant un « statu quo intenable » et le danger d’une nouvelle escalade. Il s’est alarmé de l’éloignement de la perspective d’une solution à deux Etats israélien et palestinien coexistant en paix, invoquant l’absence de dialogue, la poursuite de la colonisation israélienne, les violences des deux bords et une frustration palestinienne grandissante. Il a souligné la menace que l’organisation Etat islamique ne remplisse le vide.
Plusieurs obstacles
Or, l’initiative française fait face à de nombreux obstacles. « Le processus de paix a été affecté par plusieurs éléments, notamment depuis l’avènement des Printemps arabes et la priorité donnée aux autres crises. Ainsi, la position de pays-clés dans le processus de paix a changé, à savoir l’Egypte, l’Arabie saoudite et la Syrie. En outre, la division interpalestinienne provoquée par le Hamas a donné un coup fatal à la cause palestinienne. Tout ceci a été exploité par le gouvernement de Netanyahu, qui a profité de la situation pour renoncer explicitement à la solution des deux Etats sur laquelle repose le processus de paix », explique une source diplomatique ayant requis l’anonymat.
Qui plus est, selon la même source, « les Israéliens n’ont jamais fait confiance aux Européens en tant que médiateurs jugés trop proches des Palestiniens. Ils ne se sentent en confort qu’avec la médiation américaine. De leur côté, les Européens se lassent d’être considérés comme de simples bailleurs de fonds ».
Pour le moment, la France veut remobiliser la communauté internationale et changer de méthode pour aider Israéliens et Palestiniens à reprendre des négociations crédibles. Pour autant, il ne s’agit pas de se substituer au bout du compte aux Israéliens et Palestiniens, « c’est eux seuls qui pourront faire la paix », a dit M. Ayrault. Il a objecté à M. Netanyahu que la voie de la négociation directe qu’il prône est « bloquée ».
L’adhésion américaine reste une grande inconnue, le secrétaire d’Etat, John Kerry, n’ayant toujours pas dit s’il participerait à la réunion du 30 mai. Les Etats-Unis « partagent notre inquiétude », a dit M. Ayrault. La France est prête à décaler la réunion du 30 mai de quelques jours pour permettre à M. Kerry de venir, a-t-il dit. Une présence en effet nécessaire. « En tout état de cause, les initiatives européennes n’ont jamais été effectives sans être accompagnées d’un appui américain », conclut le diplomate pour lequel les chances que l’initiative française aboutissent restent minimes.
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