Comme chaque année, les Talibans attendent la fin de l’hiver et la fonte de la neige pour lancer leur offensive printanière contre le gouvernement afghan soutenu par les Occidentaux. Cette semaine, les rebelles ont promis une guerre impitoyable au cours de leur offensive baptisée « Omari » en l’honneur du fondateur du mouvement, le mollah Omar. « Le djihad contre l’armée infidèle est un devoir sacré. L’opération de cette année emploiera des attaques suicides, des offensives terrestres et des assassinats ciblés visant des commandants ennemis », menacent les Talibans. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les rebelles ont tenté cette semaine de s’emparer de la ville de Kunduz, verrou stratégique du nord afghan, mais les forces afghanes ont réussi à les repousser hors de la ville au prix de combats acharnés. En octobre dernier, les Talibans étaient parvenus à s’emparer de cette ville pendant quelques jours, leur plus éclatante victoire depuis 2001. Outre cet assaut contre Kunduz, les rebelles ont tué cette semaine 12 soldats et blessé 40 personnes, pour la plupart des civils, après avoir frappé un bus de l’armée dans l’est de Jalalabad, tandis qu’un chef de police afghane et sept autres personnes ont été tués dans une embuscade dans le nord du pays.
Parallèlement à cette offensive, les chances de dialogue semblent s’amenuiser. L’été dernier, un premier dialogue de paix avait eu lieu au Pakistan, mais il avait été interrompu à l’annonce surprise de la mort du mollah Omar, chef historique des Talibans. Depuis, Afghans, Pakistanais, Chinois et Américains tentent de ramener les Talibans à la table des négociations, mais ces derniers refusent tout contact avec le pouvoir avant le départ du dernier soldat étranger.
Loin de ce processus de paix au point mort, un autre facteur peut jouer en faveur des rebelles dans les mois à venir : le retrait d’une bonne partie des effectifs américains avant la fin de l’année. De quoi laisser les troupes afghanes — sous-équipées et faibles — seules face aux rebelles. Après avoir retiré la plupart de ses troupes à la fin 2014, le président américain Barack Obama aspirait à retirer tous ses soldats avant son départ de la Maison Blanche début 2017. Mais face à la réalité implacable sur le terrain, la Maison Blanche s’est trouvée obligée de maintenir la présence militaire américaine en Afghanistan au-delà de l’échéance de 2016 sous la pression du Pentagone, du Congrès et des médias qui lui reprochaient sa politique de retrait rapide du Moyen-Orient : M. Obama a finalement décidé que les effectifs seraient maintenus à leur niveau actuel, soit 9 800 hommes jusqu’à la fin 2016. En 2017, le nombre de soldats présents sera ramené à 5 500. « Les Américains reprochent à Obama d’avoir ruiné l’hégémonie américaine au Moyen-Orient après son échec en Iraq, et surtout après avoir permis à Moscou d’intervenir au Moyen-Orient pour combler le vide américain comme en Syrie », analyse Mohamad Abdel-Salam, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. A ce propos, il faut noter que l’Afghanistan occupe une position stratégique au coeur de l’Asie centrale : il est enclavé entre trois républiques musulmanes de l’ex-URSS au nord (Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan), l’Iran à l’ouest, le Pakistan à l’est et au sud, et la Chine à l’est. « Vu cette position stratégique, je pense qu’il est difficile que les Américains laissent facilement l’Afghanistan, surtout qu’ils aspirent à renforcer leur présence politique, militaire et économique en Asie », explique de son côté Norhane Al-Sayed, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire.
Reste à savoir quel avenir attend l’Afghanistan après le retrait des troupes américaines. « Que ce retrait soit en 2016, en 2017 ou en 2018, le résultat sera le même. Washington ne fait que reporter la chute du pays dans les mains des rebelles. Le prolongement du mandat des forces américaines après 15 ans de guerre infructueuse est un constat d’échec pour les Etats-Unis. Le maintien des forces américaines jusqu’à 2017 va simplement donner une bouffée d’oxygène au gouvernement de Kaboul. Mais, le jour où les forces américaines se retirent, les rebelles reprendront le pouvoir : ni la nature montagneuse du pays ni celle du peuple fort attaché à l’islam ne permettraient à un envahisseur étranger de gouverner ce pays », conclut Abdel-Salam .
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