La crise migratoire continue d’être une préoccupation première pour les pays européens qui la considèrent comme une menace pour eux. Rien qu’en 2015, plus d’un million de migrants sont entrés en Europe provoquant la plus grande crise migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale. Malgré le mauvais temps, le flux des migrants ne tarit jamais, qui est surtout la conséquence des conflits en Syrie et en Iraq. Et les conditions hivernales n’ont fait qu’aggraver les drames migratoires : au moins 37 migrants, dont de nombreux enfants, ont trouvé la mort samedi dernier en tentant de regagner la Grèce depuis la Turquie, dans un nouveau naufrage qui vient s’ajouter aux drames de ces derniers jours en mer Egée. Pire encore : plus de 10 000 enfants migrants ont disparu en Europe dans les 18 à 24 derniers mois, a affirmé dimanche l’agence policière Europol.
Au lieu de penser à sauver toutes ces vies perdues et ces enfants qu’on ne retrouve plus, les Européens ont affiché leur détermination à fermer leurs portes face à ce flux de migrants qu’ils considèrent être une menace pour leur sécurité, leur identité et leur avenir. Faisant front uni, la plupart des pays européens ont durci les conditions d’accueil des réfugiés. Certains ont même décidé de les expulser. L’Allemagne qui a eu la majeure partie des demandeurs d’asile en 2015 a pris ses précautions cette semaine pour éviter un nouvel afflux attendu au printemps. Parmi les mesures prises par Berlin figurent la limitation du regroupement familial des réfugiés et le verrouillage du droit d’asile pour les réfugiés du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie classés « pays sûrs ».
Outre l’Allemagne, la Suède et la Finlande ont annoncé vouloir expulser des dizaines de milliers de migrants arrivés en 2015. La Macédoine, la Croatie et la Serbie ne comptent plus laisser passer les migrants sauf ceux ayant pour destination l’Allemagne ou l’Autriche. « De petits pays comme le Danemark, la Suède et la Finlande veulent arrêter ce flux migratoire, car le nombre de leurs habitants est faible et ils souffrent d’islamophobie. Même les grands pays, comme la France et l’Allemagne, ont peur de la propagation de l’islam radical sur leur sol », explique Dr Mohamad Ahmad, conseiller au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Politique du bâton
Soucieux de trouver un autre partenaire — outre la Turquie — pour résoudre ce défi migratoire, le club européen a pointé du doigt la Grèce, porte d’entrée pour les migrants qui affluent depuis la Turquie. Ces derniers mois, les Européens ont tenté d’engager la Turquie dans la solution de la crise. Mais, malgré la promesse d’une aide de 3 milliards d’euros et la relance des discussions sur son adhésion à l’UE, la Turquie est restée plus ou moins « passive », d’où la nécessité pour l’Europe de trouver un nouveau partenaire. Or, en changeant de partenaire, les Européens ont changé de stratégie. Au lieu de manier la carotte comme ils l’avaient fait avec Ankara, ils ont opté pour la politique du bâton avec Athènes. Selon les experts, les Européens veulent faire de la Grèce un « bouc émissaire », allant jusqu’à la menacer d’expulsion de l’espace Schengen. « La Grèce a sérieusement négligé ses obligations dans sa gestion de la frontière extérieure de l’espace Schengen », selon un récent projet de rapport de la Commission européenne. Rejetant ces accusations européennes, Athènes a rappelé qu’elle souffre déjà d’une grave crise économique et sociale qui l’empêche d’absorber ce flux de migrants. Selon Dr Mohamad Ahmad, les Européens veulent transformer la Grèce et la Turquie en un gigantesque « entrepôt » pour migrants. « L’UE veut que ces deux pays suivent l’exemple de la Jordanie qui accueille un million et demi de migrants dans des camps à ses frontières en contrepartie d’aides internationales », analyse Dr Mohamad Ahmad. Confirmant cette analyse, le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, se rendra en Grèce et en Turquie du 4 au 6 février pour un déplacement consacré aux questions migratoires. Objectif : prouver à ces deux pays la disposition de l’Europe à mobiliser tous les moyens financiers pour les aider à endiguer le flux migratoire. Alors que tous les pays cherchent à se rejeter la balle des migrants, nul ne s’intéresse à trouver une solution radicale à ce drame humanitaire.
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