La rencontre inédite entre les 28 membres de l’Union européenne et la Turquie, qui s’est tenue dimanche dernier à Bruxelles, a permis à la Turquie de réaliser l’un de ses objectifs les plus importants : entériner l’aide de trois milliards d’euros que les Européens verseront pour aider Ankara à accueillir les réfugiés syriens et pour éviter qu’ils cherchent à rejoindre l’Europe.
En effet, le plan d’action sur lequel ont convenu les Européens et les Turcs, afin de freiner le flux migratoire vers l’Europe, est tout à l’avantage d’Ankara.
En contrepartie de l’aide financière que la Turquie recevra (trois milliards d’euros), Ankara s’engage à rendre ses frontières avec l’UE plus imperméables aux migrants économiques irréguliers et à coopérer dans la lutte contre les passeurs qui opèrent depuis les côtes turques.
En quatre ans et demi, la guerre en Syrie a fait plus de 250 000 morts et 12 millions de réfugiés. La Turquie — qui en accueille déjà plus de 2,2 millions — a donc obtenu la garantie qu’elle ne porterait plus seule ce fardeau financier. Ne pouvant pas rater cette chance en or, Ankara ne s’est pas cantonné dans les gains économiques. Outre les trois milliards d’euros, les Turcs ont obtenu la promesse d’une accélération des négociations pour faciliter l’attribution de visas pour l’Europe. Sur le plan politique, les deux parties ont convenu de « redynamiser » les négociations d’adhésion de la Turquie, ouvertes en 2005 mais au point mort depuis. « Des négociations sur le chapitre 17 (politiques, économiques et monétaires), sur 35 chapitres au total pour ouvrir la voie à une adhésion, seront ouvertes le 14 décembre », selon le communiqué final. « Le travail préparatoire sur d’autres chapitres pourrait commencer en 2016, même si cela se fera sans porter préjudice à la position des Etats membres ».
Ces précautions dans la rédaction du texte visent à surmonter les réticences très fortes de certains, comme la Grèce et Chypre. D’autres Etats membres craignent aussi de donner l’impression que l’Europe abaisse ses exigences vis-à-vis d’Ankara, au moment où l’UE fustige « les graves reculs » de la liberté d’expression en Turquie. « Ce sommet ne nous amènera pas à oublier les divergences qui subsistent encore avec la Turquie sur les droits de l’homme ou la liberté de la presse », a insisté le président de la Commission européenne.
Malgré l’ambiguïté des promesses européennes, la Turquie n’a pas tardé à saluer un « jour historique » sur le chemin de son adhésion à l’UE. « Je suis heureux de voir que tous mes collègues en Europe sont d’accord sur le fait que la Turquie et l’UE ont le même destin », s’est félicité le chef du gouvernement turc, Ahmet Davutoglu. Les Turcs auraient préféré que d’autres chapitres de négociations d’adhésion soient clairement désignés dans les conclusions du sommet. « Malgré cela, ce sommet est une réussite de notre point de vue », a conclu une source gouvernementale turque.
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