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Afghanistan : Les Etats-Unis obligés de rester

Maha Al-Cherbini avec agences, Dimanche, 18 octobre 2015

La décision de Barack Obama de maintenir la présence militaire américaine en Afghanistan au-delà de l'échéance de 2016 vise à éviter un retour au pouvoir des Talibans, qui serait synonyme d’échec de l'intervention américaine dans ce pays.

Afghanistan : Les Etats-Unis obligés de rester
Le maintien des troupes américaines au-delà de 2016 apporte une bouffée d'oxygène au gouvernement de Kaboul. (Photo:Reuters)

S’agit-il d’un constat d’échec de la part du président américain Barack Obama, ou d’une tentative de la dernière chance visant à redorer son image sur le front intérieur et extérieur, avant son départ de la Maison Blanche à la fin 2016 ? Quel que soit son motif, la décision du numéro un américain de maintenir des milliers de soldats américains en Afghanistan au-delà de l’échéance de 2016 était presque inévitable. Il était en fait « absurde » de laisser le régime afghan affronter seul les Talibans, qui ont le regard braqué sur le pouvoir d’où ils ont été évincés en 2001. « Le premier motif de la décision d’Obama est plutôt interne. Ces derniers jours, le président américain a fait l’objet de critiques acerbes de la part du Congrès, des médias et du peuple pour sa politique mitigée de retrait rapide du Moyen-Orient, ce qui a donné la chance à la Russie de combler le vide américain et peser de son poids sur la région. Les Américains reprochent à Obama d’avoir ruiné l’hégémonie américaine au Moyen-Orient après son échec en Iraq, et surtout après avoir permis à Moscou d’intervenir militairement en Syrie. C’est pourquoi il a ralenti son retrait du cimetière afghan », analyse Dr Mohamad Abdel-Salam, ex-rédacteur en chef de la revue Politique Internationale, selon qui, un retrait rapide de l’Afghanistan pourrait donner la chance à d’autres superpuissances comme la Russie ou la Chine de combler le vide américain. Ce qui risque d’altérer l’influence américaine dans le sud de l’Asie.

Renforçant cette hypothèse, le président russe, Vladimir Poutine, a commencé cette semaine à ingérer indirectement l’Afghanistan, manifestant son inquiétude quant aux violences dans ce pays qui pourraient se propager jusqu’en Asie centrale. « Les terroristes gagnent de l’influence en Afghanistan. L’un de leurs buts est de pénétrer en Asie centrale. Il est important pour nous d’être prêts à réagir contre un tel scénario », a souligné Poutine. Des déclarations qui suscitent l’inquiétude quant aux intentions du chef du Kremlin. D’aucuns pensent que Moscou vise à remplacer les Américains au sud de l’Asie comme il tente de le faire au Moyen-Orient, notamment avec l’intervention russe en Syrie.

Le second motif d’Obama est plus concret : la montée talibane. Plusieurs offensives récentes des Talibans, à commencer par leur spectaculaire prise pendant quelques jours de la ville de Kunduz (nord) — leur plus grande victoire militaire depuis 2001 — ont montré que les forces afghanes ne parvenaient pas à tenir le terrain seules. Epaulées par des troupes américaines et l’Otan, les forces afghanes ont laborieusement réussi à reprendre Kunduz. Mais outre cette ville, les Talibans ont mené ces dernières semaines diverses attaques contre les forces afghanes, faisant craindre pour la stabilité de l’ensemble du nord. Plus grave encore, les rebelles restent menaçants dans le sud du pays, notamment autour de Kandahar, berceau des rebelles afghans. Les pertes de l’armée afghane ont de plus fortement augmenté cette année avec 4 302 soldats morts sur le terrain contre 3 337 l’année dernière.

Petit nombre de bases
Tous ces facteurs ont poussé Obama à maintenir, à partir de 2017, au moins 5 500 soldats sur un petit nombre de bases importantes parmi lesquelles Bagram (près de Kaboul), Jalalabad (est) et Kandahar (sud). « Le maintien modeste mais significatif de notre présence peut faire une vraie différence. Les forces afghanes ne sont pas encore aussi fortes qu’elles devraient l’être. Je ne laisserai pas l’Afghanistan être utilisé comme un repaire pour terroristes dans le but d’attaquer encore notre pays », a justifié le président américain.

Invincibles, les Talibans sont apparus cette semaine décidés à déclencher une guerre d’usure impitoyable et sans issue contre les forces américaines restant dans leur pays. « Quand les envahisseurs verront que les attaques contre eux continuent d’augmenter et qu’ils n’ont plus d’argent à mettre dans cette guerre absurde, ils seront forcés d’abandonner notre pays », a défié le porte-parole taliban, Zabiullah Mujahid, promettant de poursuivre la lutte jusqu’à ce que le dernier envahisseur soit expulsé. Ce défi taliban a poussé le gouvernement afghan à se féliciter de la décision américaine visant à l’épauler dans sa guerre contre les rebelles. Même le Congrès américain et l’Otan ont salué la décision américaine, estimant qu’il était « crucial » de continuer à soutenir l’armée afghane. Pour sa part, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a indiqué que l’Alliance prendrait « dans les semaines à venir des décisions-clés » sur l’avenir de l’opération de l’Otan en Afghanistan. Une allusion à un possible prolongement de la mission de l’Otan dans ce pays.

Là s’impose la question : la nouvelle décision américaine constitue-t-elle un revers pour le président démocrate élu en 2008 sur la promesse de mettre fin aux guerres en Afghanistan et en Iraq ? « Bien sûr que oui. Prolonger le mandat des forces américaines après 14 ans de guerre infructueuse est un constat d’échec pour Obama qui n’a pas réussi à juguler la rébellion talibane. Et même après ce changement de calendrier, Washington ne réussira jamais à casser les Talibans. Le maintien des forces américaines va tout simplement empêcher la situation de se dégrader. Il va donner une bouffée d’oxygène au gouvernement de Kaboul. Mais, le jour où les forces américaines vont se retirer, les rebelles reprendront le pouvoir. Ni la nature montagneuse du pays ni celle du peuple fort attaché à l’islam ne permettront à un envahisseur étranger de dominer ce pays », analyse Dr Abdel-Salam .

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