Dernièrement, l’Assemblée générale a adopté une résolution visant à réformer la procédure de sélection du secrétaire général de l’Onu. Elle doit s’appliquer pour désigner le successeur du Sud-Coréen Ban Ki-moon, dont le départ est prévu fin 2016 après deux mandats de 5 ans. Adoptée la semaine dernière, cette résolution importante met fin à l’exclusivité du Conseil de sécurité dans le choix du chef de l’organisation, encourage les candidatures féminines et impose aux prétendants de présenter leur projet aux 193 Etats membres.
Adoptée à l’unanimité, cette réforme prévoit que ceux et celles qui brigueront le poste de secrétaire général devront, comme de banals cadres supérieurs, présenter leur parcours et subir un grand oral devant l’Assemblée générale. « C’est comme si l’Onu était une multinationale à la recherche d’un PDG », a expliqué un diplomate du Conseil.
Le nouveau processus de désignation du prochain secrétaire général doit se faire en deux temps. D’abord, tous les membres du Conseil de sécurité doivent se mettre d’accord sur la candidature de trois personnes qui seront ensuite présentées à l’Assemblée générale de l’Onu. Au sein même du conseil, ce sont les cinq membres permanents, détenteurs du droit de veto (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine), qui ont le plus de poids pour choisir les trois candidats. Pour avoir les meilleures chances, résument des diplomates, il faut être soutenu par les Etats-Unis, être russo-compatible et capable de dire quelques mots dans la langue de Molière.
La nouvelle résolution exige également que le Conseil de sécurité annonce les raisons de son choix. Ce qu’il ne faisait pas auparavant en se contentant de présenter une seule personne. « Il s’agit de l’une des réformes les plus revendiquées au sein de l’Onu. Auparavant, tout se faisant à huis clos et on ne savait jamais les vraies raisons pour le choix de l’un ou de l’autre. Souvent, c’était des intérêts communs qui étaient à l’origine du choix », explique Dr Mohamad Gomaa, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire.
Lors de la dernière étape, un des trois candidats doit être approuvé par les deux tiers des membres de l’Assemblée générale. Et si les trois candidatures sont refusées, alors le Conseil de sécurité doit en choisir trois autres. Le processus est ainsi répété jusqu’à ce qu’un nom soit approuvé par l’Assemblée générale. Cette résolution donne plus d’importance à l’Assemblée générale dont le rôle était auparavant réduit.
Pour William Pace, responsable d’une coalition d’ONG qui militent pour davantage de transparence dans le choix du secrétaire général, la sélection cette fois-ci « sera bien différente de ce qu’elle a été depuis 1945 ». « La décision de l’Assemblée générale », estime-t-il, « va remettre en cause la capacité (des 5 grands du Conseil) à choisir en secret un candidat qu’ils pourront contrôler ».
Mais d’autres changements attendus n’ont pas eu lieu. « Comme prévu, la résolution ne mentionne pas le rôle du secrétaire général. Les Etats membres de l’Assemblée générale ont revendiqué à plusieurs reprises un rôle efficace pour le secrétaire général, mais la résolution ne mentionne aucun changement à ce sujet, relève de son côté Hassan Nafea, conseiller au CEPS d’Al-Ahram. Or, pour rendre son rôle plus efficace et pour donner plus de puissance et de souveraineté au secrétaire général, il faut un changement dans le statut même de l’Organisation. Un changement impossible parce que la charte, à la création de l’Organisation, impose des conditions très strictes pour modifier ses articles et ses clauses », explique Hassan Nafea.
Selon l’analyste, l’efficacité du rôle du secrétaire général dépend de sa personnalité, « si le secrétaire général a du caractère, une forte personnalité et un point de vue clair, il peut impressionner toute l’assemblée et prendre des décisions importantes et courageuses. Mais il est aussi tenu de prendre en compte les changements géopolitiques et l’équilibre des forces sur le plan planétaire. Dans un monde multipolaire, son rôle se retrouve réduit malgré lui ».
Les femmes invitées
Autre changement présent dans cette nouvelle résolution, l’Assemblée invite, pour la première fois, les pays membres à envisager de présenter des candidates pour ce poste. En 79 ans, huit hommes se sont succédé à ce poste. Rien ne s’oppose en principe à des candidatures féminines, même si une résolution datant de 1946 faisait référence à « un homme de grande valeur », car choisir une femme était, à l’époque, impensable. « Il n’y avait aucun article qui empêche qu’une femme occupe ce poste, mais aucune femme n’a jamais été candidate. Actuellement, plusieurs femmes président des organisations mondiales dépendant de l’Onu et aussi de l’Union européenne, elles dirigent bien leurs organisations et elles sont très compétentes », explique Dr Hassan.
Nombreux sont ceux qui estiment qu’il est grand temps qu’une femme prenne la tête de l’organisation. Une pétition lancée par la Colombie a déjà réuni une quarantaine de pays. Au conseil, le Royaume-Uni s’est prononcé ouvertement en faveur d’une candidature féminine, à compétences égales. Des noms circulent déjà : l’ex-première ministre néo-zélandaise, Helen Clark, la présidente chilienne Michelle Bachelet, la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova ou la Commissaire européenne, Kristalina Georgieva, ces deux dernières sont Bulgares. Pour l’instant, aucune n’est officiellement sur les listes et aucune ne fait l’unanimité.
Mais pas question de discrimination positive : il faudra désigner le meilleur candidat possible. Moscou insiste là-dessus et affirme que ce critère doit primer sur la promotion de la femme. « Ce serait magnifique d’avoir une femme, mais il ne faut pas limiter nos options ». Cette perle rare devra avoir « fait preuve de leadership et de qualités de gestionnaire, d’une longue expérience dans les relations internationales, d’un grand sens de la diplomatie et de la communication et de talents linguistiques multiples ». Par ailleurs, la tradition voudrait que le poste revienne à une personne de l’Europe de l’Est après l’Asie (le Sud-Coréen Ban Ki-moon) et l’Afrique (le Ghanéen Kofi Annan), a fait valoir l’ambassadeur russe Vitali Tchourkine. L’Europe de l’est « est persuadée que c’est son tour » de diriger l’Organisation onusienne .
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