Il semble que la mort du mollah Omar, chef historique des Talibans afghans, ait mis un point final à l’unité des Talibans. Depuis son décès fin juillet dernier, les rebelles ne font que s’effriter, d’aucuns refusant, jusqu’à présent, de faire allégeance au nouveau mollah, Akhtar Mansour.
Depuis deux mois, des voix discordantes au sein de la rébellion ne cessent de s’élever contre un processus de succession trop rapide et non conforme, certains commandants préférant la nomination du fils du mollah Omar, Yacoub (26 ans), ou reprochant au mollah Mansour sa trop grande proximité avec le Pakistan. « Le mollah Mansour est considéré comme l’homme du Pakistan, c’est ce qui explique les différends au sein des Talibans », a affirmé un cadre de la rébellion.
Selon Walid Kazziha, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire, l’unité des Talibans afghans est morte avec le mollah Omar : « Désormais, la division des rebelles profitera au gouvernement central de Kaboul qui voit son ennemi numéro un — les Talibans — s’effriter et perdre de son poids. Cet éparpillement des rebelles est une bénédiction pour l’Afghanistan qui pourrait enfin vivre en paix après treize ans de guerre sans merci avec les rebelles. Il se peut aussi que les Talibans, qui ont prêté allégeance au mollah Mansour, s’engagent enfin sérieusement dans les négociations de paix avec le pouvoir de Kaboul », prévoit le professeur.
Les dissensions dans les rangs des Talibans ne sont pas seulement une bénédiction pour l’Afghanistan, mais aussi pour Daech qui a réussi à recruter un bon nombre de Talibans ces deux derniers mois. « Les divisions dans nos rangs ne feront que servir nos ennemis », a mis en garde le mollah Mansour qui a fortement rejeté l’implantation de Daech en Afghanistan.
Depuis plusieurs mois, les talibans ont mis Daech en garde contre toute tentative d’implantation dans leur pays et l’ont même fait savoir au chef de l’Etat islamique, Abou-Bakr Al-Baghdadi. « Le djihad contre les envahisseurs américains et leurs esclaves en Afghanistan ne peut avoir qu’un drapeau, une direction et un commandement », ont affirmé les Talibans, refusant toute « ingérence » dans leurs affaires.
Montrant leurs griffes, les Talibans ont réussi, en juin dernier, à tuer le commandant de Daech en Afghanistan après de sérieux accrochages dans l’est du pays. Selon les experts, Daech et les Talibans ont peut-être des théories islamistes similaires, mais leurs objectifs militaires restent fort disparates : les Talibans n’ont aucune visée expansionniste et limitent leurs attaques à l’Afghanistan, où ils visent des cibles étrangères ou le gouvernement, l’armée et la police, dans des attaques qui font aussi souvent des victimes civiles. En revanche, les extrémistes sunnites de l’EI ont plusieurs fois affirmé leur volonté d’étendre leur « califat » autoproclamé au-delà des territoires déjà sous leur contrôle en Iraq et en Syrie.
10 % des rebelles
en faveur de Daech
Mais le mollah Mansour et ses Talibans sont en voie de perdre leur guerre contre Daech. Selon un rapport de l’Onu publié cette semaine, l’EI a accru son influence en Afghanistan aux dépens des Talibans lors des deux derniers mois. « Le nombre de groupes et d’individus qui font ouvertement allégeance à l’Etat islamique ou s’en déclarent proches continue d’augmenter dans plusieurs provinces d’Afghanistan », relève le rapport du comité Al-Qaëda/Talibans.
Le rapport cite des estimations des forces de sécurité afghanes selon lesquelles environ 10 % des membres de l’insurrection active dominée par les Talibans sont des sympathisants de l’EI. « Il y a apparemment une expansion de la marque Etat islamique en Afghanistan », explique le rapport qui signale que des groupes liés à l’EI ont été signalés dans 25 provinces afghanes.
Ces nouveaux ralliés à Daech sont en majorité des individus en désaccord avec la direction centrale des Talibans et veulent afficher une identité distincte en se démarquant des Talibans. « Le radicalisme de Daech et leurs grosses sommes d’argent ont séduit un bon nombre de jeunes Talibans sans emploi ou déçus des résultats militaires de la milice. Mais il faut signaler que Daech n’a pas encore de capacités opérationnelles en Afghanistan, car il n’y contrôle pas de vastes territoires comme en Syrie ou en Iraq. Daech n’est pas aussi fort en Afghanistan qu’en Syrie ou en Iraq. Il lui faudra encore beaucoup de temps pour acquérir une force opérationnelle et militaire sur le sol afghan », analyse Walid Kazziha.
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