Le 11 juillet 1995, en pleine guerre des Balkans (1992-1995), les forces serbes de Bosnie, conduites par le général Ratko Mladic pénètrent, dans l’enclave bosniaque musulmane de Srebrenica, théoriquement protégée par les Nations-Unies. Les casques bleus néerlandais laissent faire. Ou sont simplement incapables de s’opposer à leur avancée. En quelques jours, tous les hommes âgés de 16 à 60 ans sont fusillés par les Serbes. Les femmes, les enfants et les vieillards sont, eux, déplacés.
En tout, ce massacre, le pire perpétré en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, fait au moins 8 000 victimes. Tous des musulmans. Une épuration ethnique, un génocide qui ne porte pas encore véritablement son nom.
Le massacre de Srebrenica a, certes, été reconnu comme étant « de caractère génocidaire » par le Tribunal pénal international et la Cour internationale de justice, mais la Serbie et les Serbes de Bosnie rejettent toujours cette qualification, soulignant que les Serbes de la région ont aussi été victimes de tueries et de multiples exactions.
20 ans après, la polémique continue sur l’appellation de génocide. Et c’est dans ce contexte que le Royaume-Uni a présenté un projet de résolution onusienne pour marquer le 20e anniversaire du massacre de Srebrenica et se pencher sur l’échec des Nations-Unies qui furent incapables d’éviter ce génocide. Le Conseil de sécurité a commencé à discuter ce projet ce mardi 7 juillet. « C’est aussi une occasion pour la communauté internationale de se pencher sur les leçons à tirer de l’un des plus sombres moments de l’histoire onusienne et de réaffirmer notre détermination à empêcher les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre », a expliqué un porte-parole de la mission britannique auprès des Nations-Unies.
Avant même que le projet de résolution ne soit présenté au Conseil de sécurité, le membre serbe de la présidence collégiale de Bosnie a demandé, la semaine dernière, à l’Onu de renoncer à l’adoption d’une résolution sur le génocide de Srebrenica, affirmant qu’elle diviserait davantage les communautés locales et déstabiliserait le pays. « Je souhaite vous avertir que la situation actuelle est mauvaise et vous inviter à comprendre que l’adoption de cette résolution ne serait pas une bonne chose pour la stabilité en Bosnie », a affirmé Mladen Ivanic dans une lettre adressée au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, et aux pays membres du Conseil de sécurité. « Les Serbes de Bosnie sont convaincus que cette résolution est anti-serbe parce qu’elle n’évoque aucunement les victimes serbes dans la région de Srebrenica (...). Son éventuelle adoption ne produira aucun effet positif, mais elle va en revanche diviser davantage la société bosnienne », a-t-il ajouté. Et le président de l’entité serbe de Bosnie, Milorad Dodik, de déclarer : « Tout est fait pour promouvoir une non-vérité, à savoir qu’il y a eu là-bas un génocide, tout en ignorant les victimes serbes », en précisant que 3 500 Serbes ont été tués dans la région de Srebrenica durant le conflit. Il a ajouté qu’il accepterait une résolution pour « proclamer Srebrenica comme lieu de génocide contre les Serbes et les musulmans ». Milorad Dodik a récemment appelé la Russie à user de son veto au Conseil de sécurité pour empêcher l’adoption de la résolution. Or, l’ambassadeur russe en Bosnie-Herzégovine, Petar Ivancov, a reconnu le génocide de Srebrenica, dans une interview récemment accordée à un quotidien bosniaque. « Nous ne nions pas ce génocide reconnu par les tribunaux internationaux », a-t-il dit. Une déclaration, qui, selon les observateurs, est extrêmement importante puisqu’elle a coïncidé avec la présentation du projet de résolution britannique. La déclaration est considérée comme un grand changement dans la politique russe en Bosnie-Herzégovine et aux Balkans.
Loin de contribuer à l’affirmation d’une mémoire commune, les commémorations du 11 juillet risquent, donc, de renforcer encore plus les antagonismes politiques. Le membre serbe de la présidence collégiale de Bosnie a déjà indiqué qu’il excluait de se rendre aux cérémonies du 11 juillet à Srebrenica.
Les relations entre la Serbie et la Bosnie ont aussi récemment connu un regain de tensions, en raison surtout de l’arrestation, il y a près de trois semaines en Suisse, d’un ancien commandant des troupes musulmanes à Srebrenica, Naser Oric, sur la base d’un mandat d’arrêt émis par Belgrade, qui l’accuse de crimes de guerre. Celle-ci a eu pour conséquence le report d’une visite à Sarajevo du président serbe Tomislav Nikolic.
Sans oublier une autre, et non négligeable, source de tension entre les deux parties : l’interminable procès de Radovan Karadzic, ancien président autoproclamé des Serbes de Bosnie, et de Ratko Mladic, ancien chef militaire des forces séparatistes bosno-serbes. Les deux hommes sont jugés dans des procédures distinctes par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Tous deux sont accusés de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, notamment pour leurs responsabilités dans le massacre de Srebrenica. Mais tous deux n’ont toujours pas été jugés .
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