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Dr. Moataz Salama : Plus personne ne parle maintenant de l’éviction de Bachar

Sabah Sabet, Lundi, 01 décembre 2014

3 questions à Dr. Moataz Salama, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, sur la situation en Syrie après les frappes américaines contre Daech.

Dr Moataz Salama
Dr Moataz Salama

Al-Ahram Hebdo : La lutte contre Daech, notamment à Kobani, attire toute l’attention au point qu’on ne parle même plus de la crise syrienne à proprement dit. Pourquoi ?

Moataz Salama : C’est vrai, la lutte contre Daech en Syrie et en Iraq est devenue la préoccupation majeure de la communauté interna­tionale. Sentant bien ce danger, les pays du Golfe ont persuadé les Etats-Unis et la communauté inter­nationale de la nécessité de résister à cet organisme, pas seulement en Iraq mais aussi en Syrie, car il présente, selon eux, une extension d’Al-Qaëda qui menace non seulement la région, mais aussi le monde entier. C’est pourquoi l’attention est tournée vers la lutte anti-Daech. En outre, la situation interieure en Syrie n’est pas claire comme avant. La crise a commencé par un conflit entre deux parties, le pouvoir et l’opposition. Or, aujourd’hui, l’opposition est elle-même divisée, disloquée. Il existe, d’une part, une opposition dite modérée très faible, et de l’autre, des groupes ou groupuscules terro­ristes armés. Et elle n’a pas pu for­mer un groupe uni qui la présente devant le monde. De plus, plusieurs autres conflits ont lieu en Syrie entre d’autres forces soutenues et armées, des éléments différents de l’intérieur et de l’extérieur, que ce soit le Qatar, l’Iran ou les Etats-Unis.

— Cela signifie-t-il que le tour qu’ont pris les choses profite au régime de Bachar Al-Assad ?

— Certainement, puisque plus personne ne parle maintenant de l’éviction de Bachar, même l’Arabie saoudite et le Qatar. En fait, au cours des quatre dernières années, le pou­voir de Bachar a pu imposer sur la scène certaines donnes. La première est que la chute du pouvoir n’est pas une affaire facile, ceci à cause du soutien de certaines parties interna­tionales comme la Russie et la Chine. Cette alliance s’oppose tou­jours à toute solution écartant et jugeant le pouvoir de Damas. La deuxième, sur le plan régional on trouve l’Iran qui se tient forcément aux côtés de Bachar en lui offrant toutes aides militaires et écono­miques, y compris avec la participa­tion directe des Gardiens de la révo­lution iraniens. Intérieurement, quelques groupements chiites venus d’Iraq ou issus du Hezbollah liba­nais offrent soutien à Bachar sur terrain. Donc, on peut déduire qu’ac­tuellement la situation en Syrie pré­sente une sorte d’« équilibre entre des forces faibles », c’est-à-dire qu’aucune force n’est suffisamment puissante pour vaincre. Et, tout ceci va évidemment dans l’intérêt du régime de Bachar, puisqu’il n’existe plus aucune alternative.

— Comment voyez-vous les éventuels scénarios à venir en Syrie ?

— Je pense que la lutte contre Daech prendra du temps, notamment que ce groupe gagne du terrain et attire des jeunes du monde entier, d’autant plus que les Etats-Unis n’ont aucune intention de mener une intervention militairement terrestre. Le statu quo va donc durer encore longtemps. Et la communauté inter­nationale ne va rien faire pour ren­verser le régime de Bachar. La chute de Bachar ne sera jamais l’oeuvre de mains extérieures. Elle ne peut se faire que de l’intérieur, et par des acteurs du régime lui-même et non par l’opposition.

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