Dans la foulée du Printemps arabe, la Jordanie est secouée depuis janvier 2011 par des manifestations, discrètes mais régulières, appelant à des réformes politiques et économiques, mais c’est la première fois, vendredi dernier, que des slogans visent directement le roi. En effet, les appels au départ du roi ou les insultes à son encontre sont passibles de prison.
Malgré cette menace, le 16 novembre dernier, les manifestants étaient 25 000 selon les organisateurs, 3 000 selon la police, parmi lesquels des islamistes, des militants de gauche et des mouvements de jeunesse, dans la capitale Amman. La police a empêché les manifestants de prendre la direction du palais. Une fois la hausse des prix annoncée, des manifestations ont éclaté dans tout le royaume pendant trois jours successifs avec des violences ayant fait, selon la police, un mort et 71 blessés, dont 54 policiers. Plus de 150 personnes ont par ailleurs été arrêtées, 30 d’entre elles ont été remises en liberté vendredi dernier et 20 autres dimanche dernier. Selon une source judiciaire, dimanche, 80 des personnes arrêtées ont, en revanche, été inculpées « de provocation de troubles et d’attroupement illégal ».
En réaction, le roi Abdallah II avait annulé une visite prévue la semaine prochaine à Londres, sans expliquer les raisons de cette annulation. Essayant de renforcer sa position, le palais a annoncé que le roi avait reçu un appel de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton : « Clinton a salué la feuille de route du roi pour les réformes politiques ainsi que les efforts de réformes économiques menés par le gouvernement ». Le département d’Etat a confirmé cet entretien et a estimé que les réformes économiques, certes douloureuses, étaient un mal nécessaire. En revanche, l’opposition estime que ces réformes sont insuffisantes et que le régime doit promulguer de vraies réformes politiques et économiques. A cet égard, le nombre de ceux réclamant la chute du régime augmente en raison des politiques « erronées qui ne tiennent pas compte des exigences du peuple », a expliqué Zaki Bani Rasheid, un dirigeant des Frères musulmans jordaniens, principale force d’opposition. « Cela ne peut pas et ne doit pas être ignoré. Le régime doit mener des réformes avant qu’il ne soit trop tard », a prévenu Rasheid.
« Augmentations nécessaires »
Le gouvernement a décidé la semaine dernière d’augmenter les prix de l’énergie, jusqu’à 53 % pour le gaz domestique et 12 % pour l’essence, afin de faire face à un déficit budgétaire de 5 milliards de dollars. Défendant la mesure prise par le royaume jordanien, la porte-parole du département d’Etat, Victoria Nuland, a expliqué : « Les augmentations des prix de l’énergie étaient nécessaires pour répondre aux défis budgétaires de la Jordanie et pour se conformer aux termes de son accord avec le Fonds Monétaire International (FMI, ndlr). Les défis économiques de la Jordanie sont importants, la réforme économique est nécessaire. Ce genre de choses se fait toujours dans la douleur mais, dans ce cas d’espèce, c’est un mal nécessaire », a expliqué Nuland. Partageant le même avis, le premier ministre, Abdallah Nsour, a défendu samedi la décision du gouvernement d’augmenter les prix des carburants. « Cette décision était inéluctable, dans l’intérêt du pays et pour ne pas aggraver le déficit budgétaire », a-t-il déclaré, précisant qu’elle allait permettre au gouvernement « d’économiser 30 millions de dinars (environ 42 millions de dollars) d’ici la fin de l’année ».
Mais cette justification n’a pas satisfait l’opposition. Et les syndicats jordaniens ont organisé une grève partielle dimanche dernier : « Nous avons lancé un appel à une grève de 3 heures », a déclaré Mahmoud Abou-Ghneimeh, chef du Conseil des syndicats professionnels qui regroupe 15 syndicats. « Il s’agit d’un message adressé au gouvernement, pour lui dire que la boule de neige grossit et qu’une intervention du roi est nécessaire pour revenir sur cette décision d’augmenter les prix des carburants », a-t-il dit.
Pour leur part, les Frères musulmans ont annoncé qu’ils camperaient sur leur position jusqu’à ce que le royaume réponde à leur revendication. Ils ont demandé au roi d’annuler la hausse des prix de l’énergie et de reporter les élections législatives anticipées prévues le 23 janvier. La confrérie avait déjà annoncé son intention de boycotter ces élections, en l’absence des réformes qu’elle réclame sur le mode de scrutin et sur les pouvoirs du Parlement.
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