Al-ahram hebdo : Bien que l’on vous reproche d’être un symbole du régime de Bin Ali, vous êtes candidat à la présidentielle de novembre. Comment comptez-vous convaincre l’électorat tunisien ?
Kamel Morjane: Certes, j’ai été ministre des Affaires étrangères et ministre de la Défense sous Bin Ali. Mais lorsque j’ai occupé ces postes, c’était pour servir la Tunisie et non l’ancien président. Et je suis tout à fait fier des années que j’ai passées à servir mon pays, même sous l’ancien régime. Cela dit, j’ai été, l’un des premiers, à pointer du doigt les erreurs commises à l’époque du président Bin Ali. Et, pendant la révolution tunisienne, j’ai présenté, et je présente encore, mes excuses aux Tunisiens. Il faut savoir que les régimes chutent, mais que les hommes restent. Pour ce qui est de ma candidature, j’ai pris cette décision, car je sais parfaitement comment servir mon pays d’autant plus que je suis tout à fait conscient des erreurs commises dans le passé. Je pense que je suis une personnalité de consensus et ma candidature a été approuvée par un certain nombre de forces politiques.
— Quels sont les principaux points de votre campagne ?
— Tout d’abord, j’aspire à restaurer le prestige de l’Etat, oeuvrer à réaliser la justice sociale, et booster l’économie du pays. Il est très important de restructurer l’économie tunisienne et d’accorder davantage d’importance aux régions, et ce, afin de garantir un développement équitable. Je compte, également, restaurer l’héritage de l’ancien président Habib Bourguiba, notamment en ce qui concerne les relations avec l’étranger: des relations qui doivent être solides et équilibrées.
— Mais certains prédisent déjà que le favori est Béji Caïd Essebsi, président de Nidaa Tounès ....
— Le jeu des élections législatives et présidentielles en Tunisie est régi par des règles propres à notre pays: quel que soit le vainqueur, le principal et le plus important étant de préserver l’Etat et l’identité nationale. Et l’Initiative nationale destourienne a sa place dans l’échiquier politique. Et a de fortes chances.
— Ennahda a beaucoup déçu depuis le Printemps tunisien. Quelle place peut-il désormais avoir ?
— Ennahda a profité du fait que le soulèvement de 2011 n’avait pas de leadership pour s’accaparer du pouvoir. Et je tiens ici à utiliser le mot « soulèvement » et non « révolution ». Car ce qui s’est passé en Tunisie en 2011 est un soulèvement populaire dû à l’absence de libertés, aux graves atteintes aux droits de l’homme et aux conditions économiques (chômage, etc.). Le problème est que ce soulèvement s’est fait sans leader et c’est ce qui a permis à Ennahda d’arriver au pouvoir. Mais il est, aujourd’hui, clair pour tout le monde que les deux gouvernements que le parti islamiste a formés, ont fait preuve d’échec total et n’ont réalisé aucun objectif du soulèvent de 2011. Nous avions accepté leur arrivée au pouvoir, et eux aussi, ont compris que ceci était lié à des circonstances très particulières. Les dirigeants d’Ennahda ont aussi réalisé qu’ils devaient se retirer du pouvoir. Ils ont tiré la leçon de ce qui est arrivé en Egypte.
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