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Eman Ragab : Jamais on n’aurait cru les Saoudiens capables d’aban­donner le Yémen

Maha Salem, Lundi, 20 octobre 2014

Eman Ragab, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire.

Al-Ahram Hebdo : Quelles sont les reven­dications des chiites et pourquoi ont-ils lancé leur révolte ?

Eman Ragab : Il s’agit de plusieurs reven­dications : tout d’abord, les Houthis ont demandé à plusieurs reprises une intégration dans la police et l’armée. Une revendication négligée par le régime yéménite. La révolu­tion des Houthis est un résultat naturel de la mauvaise gestion du régime yéménite qui suit les pas de l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Les Houthis veulent une place dans la vie politique, occuper des postes-clés, car ils ont été privés de tous les droits.

Ils ont tou­jours été en marge de la vie politique et sociale. Ils ont profité de la faiblesse de ce gouvernent qui a échoué à redresser l’écono­mie du pays. De plus, ce gouvernement est accusé du développement de la corruption dans le pays. Les Houthis ont profité du rap­prochement qui a eu lieu entre l’Arabie saoudite et les pays du Golfe avec l’Iran, pour réaliser une avancée sur le terrain.

Ce rapprochement est une sorte d’accord tacite pour régler la crise en Iraq et qui a aidé à l’établissement du nouveau gouvernement iraqien et fermer les yeux sur la situation actuelle au Yémen. Actuellement, la poli­tique des pays du Golfe n’est pas claire. Auparavant, les pays du Golfe, surtout l’Arabie saoudite, soutenaient le gouverne­ment yéménite sunnite contre les Houtis chiites alliés de l’Iran. Un changement a eu lieu : jamais on n’aurait cru les Saoudiens capables d’abandonner le Yémen. Ils appuyaient le régime de ce pays pour proté­ger leur propre intérêt.

— Et si les chiites contrôlaient le Yémen ...

— Si les chiites contrôlent le Yémen, il y aura un bouleversement de l’équilibre des forces dans la région qui ressemblera à celui qui a lieu après la chute de l’Iraq et l’inva­sion américaine. Cette chute de l’Iraq a causé une avancée du chiisme dans la région et un recul du sunnisme. Un conflit qui s’aggra­vera, si on parle de recrudescence du chiisme, c’est-à-dire une augmentation de l’influence et de l’hégémonie de l’Iran dans la région.

— Se dirige-t-on vers une division du Yémen ?

— La situation au Yémen dépendra de trois éléments. Tout d’abord, savoir si les institutions gouvernementales seront capables d’affronter la domination des chiites et de les freiner. Puis les forces armées : vont-elles accepter de céder le pou­voir aux Houthis ? Enfin, la communauté internationale et les pays du Golfe, surtout l’Arabie saoudite, soutiendront-ils le régime du président Abdrabo une nouvelle fois ?

Déjà, le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) a annoncé son soutien à l’accord de paix signé le 21 septembre dernier qui accorde beaucoup de privilèges aux chiites et qui leur a donné le pouvoir de choisir le premier ministre. Cet accord donne aussi aux chiites une participation dans le domaine sécuritaire de l’Etat, une intégration dans l’armée et la police, ce qui est une revendi­cation des chiites rejetée par le régime. La crise va s’aggraver avec l’application de l’accord de paix signé le 21 septembre, car cet accord éloigne les autres partis en conflit dans ce pays, et de plus, il annule l’accord de réconciliation signé en 2012 qui divise le Yémen en six régions .

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