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Mohamed Gomaa : D’ici à deux ans, la situation dans la bande de Gaza va exploser 

Maha Salem avec agences, Mardi, 30 septembre 2014

Mohamed Gomaa, spécialiste du dossier palestinien au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d'Al-Ahram, parle de la réconciliation palestinienne et de la reprise des négociations de paix avec Israël.

Al-Ahram Hebdo : Le discours du président palestinien Mahmoud Abbas à la trinune de l’Assemblée générale de l’Onu a été vivement critiqué par les Etats-Unis. Pourquoi ?

Mohamed Gomaa: Les Etats-Unis ont de tout temps soutenu Israël aux Nations-Unies, notamment en empêchant le Conseil de sécurité d’adopter des résolutions contre Israël par le biais de leur droit de veto. Ce qui inquiète les Etats-Unis et Israël, c’est que l’Autorité palestinienne, face au blocage du processus de paix, tente d’internationaliser la question et notamment de se tourner auprès de la Cour internationale de justice pour incriminer Israël. Une question exclue par les Américains qui veulent garder en main la question du processus de paix.

— Quel genre de pressions peuvent exercer les Palestiniens ?

— Premièrement, l’Autorité palestinienne doit être puissante. Elle doit rassembler tous les Palestiniens sous sa tutelle, y compris toutes les factions. Deuxièmement, les pays arabes doivent être forts et stables pour les soutenir économiquement et politiquement. Israël tire profit du statu quo notamment en multipliant les colonies dans les territoires palestiniens.

Mais pour l’heure, pour le président palestinien, l’objectif est de relancer le processus de paix.

— Justement, que peut-on attendre de la reprise des négociations israélo-palestiniennes prévues fin octobre ?

— Pas grand-chose. Israël veut reprendre les négociations de paix pour améliorer son image après la dernière guerre contre Gaza. Cela dit, on ne peut pas s’attendre à un quelconque règlement. On est à un stade où préserver le statu quo et éviter une reprise des affrontements sont un gain en soi.

L’accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas a été sauvé in extremis jeudi dernier au Caire. Peut-on enfin souffler ?

— Certes, c’est une véritable chance pour que le gouvernement de réconciliation nationale tienne. Après les destructions que Gaza a subies lors de la dernière offensive israélienne et suite à l’affaiblissement du Hamas, ce dernier devait se retirer et quitter la scène pour laisser la place à un gouvernement d’union nationale. Et ce, pour apaiser non seulement les Palestiniens mais aussi les pays arabes.

En même temps, le Hamas lui-même a besoin de ce gouvernement pour la reconstruction de Gaza. Une conférence de donateurs internationaux doit avoir lieu le 12 octobre au Caire pour financer la reconstruction de Gaza, ravagée par l’offensive israélienne. Des experts palestiniens ont estimé à six milliards d’euros le coût de cette reconstruction qui prendra cinq ans. Or, les pays donateurs refusent d’accorder des fonds au Hamas auquel il ne font pas confiance. Ces dons ne peuvent aller qu’à l’Autorité palestinienne. C’est pour cela que le Hamas a cédé.

— Ce n’est donc qu’un accord tactique de la part du Hamas, et la donne peut encore changer...

— En effet, nous ne pouvons pas dire que la réconciliation nationale est solide. Plusieurs questions sont toujours en suspens, comme les élections du Conseil législatif. Plus important encore, les deux parties ont des visions complètement différentes. L’OLP a son programme et ses principes tandis que le Hamas refuse la plupart de ces principes comme par exemple la reconnaissance d’Israël et l’idée de deux Etats. Il rejette aussi l’initiative arabe. Il s’agit là de points d’achoppement dans les relations interpalestiniennes.

A mon avis, d’ici à deux ans au moins, la situation dans la bande de Gaza va exploser. Déjà il y a une sorte de dualité du pouvoir. Les ministres du nouveau gouvernement vont faire leur travail, mais les services de sécurité, les brigades Al-Qassam et les fonctionnaires demeureront toujours sous l’influence du Hamas. Ainsi, la rivalité entre les deux parties existe et existera encore, ce qui va donner lieu à de nouveaux clashs.

— Quel rôle l’Egypte devra-t-elle jouer dans la période à venir ?

— Le rôle de l’Egypte est d’éviter cette dualité. Et l’Egypte a déjà pris des mesures: elle a refusé la présence de plus d’une délégation palestinienne lors de la prochaine conférence de Gaza. Pour la première fois donc, le Fatah et le Hamas formeront ensemble la délégation palestinienne. L’Egypte a aussi exigé que le passage de Rafah soit sous la supervision de l’Autorité palestinienne. En proposant d’accueillir la conférence de Gaza, l’Egypte a voulu empêcher tout autre pays d’exploiter politiquement ce sommet.

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