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Yémen  : La tension remonte d’un cran

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 26 août 2014

L’échec des pourparlers entre le gouvernement yéménite et la rébellion chiite des Houthistes ravive les craintes d’un chaos dans le pays.

Yémen
Les manifestants chiites réclament la chute du gouvernement et l'annulation de l'augmentation des prix du carburant. (Photo : Reuters)

De nouveau les rues de Sanaa et d’autres régions yéménites vivent un état de tension politique. Le bras de fer continue entre le gouvernement et la rébellion des Houthistes chiites. « Les rebelles d’Ansarullah ont rejeté toutes les propositions que nous leur avons présentées. Il semble qu’ils aient des intentions guerrières », a déclaré Abdel-Malek Al-Mikhlafi, porte-parole des émissaires du président yéménite, Abd-Rabbo Mansour Hadi, au chef de la rébellion chiite.

Depuis une semaine, les rebelles ont multiplié les manifestations massives et les sit-in, avec l’objectif affiché d’une éviction du gouvernement d’unité nationale formé en décembre 2011, en vertu de l’accord de transition qui avait permis le départ de l’ancien président contesté, Ali Abdallah Saleh.

La tension est montée d’un cran, samedi, avec l’arrivée de plusieurs milliers de manifestants chiites ayant rejoint un campement établi sur une route menant à l’aéroport dans le nord de Sanaa, quartier stratégique où se trouvent notamment les ministères de l’Intérieur, de la Communication et de l’Electricité. Ils réclament la chute du gouvernement et l’annulation d’une récente augmentation des prix du carburant mais le gouvernement qui a engagé 3 jours de négociations infructueuses avec le chef de la rébellion d’Ansarullah, Abdel-Malek Al-Houthi, dans son fief de Saada (nord), n’a pas pu réussir de mettre fin à cette scène.

Le porte-parole d’Ansarullah, Mohamad Abdessalam, interrogé par l’AFP, a imputé l’échec à la délégation de négociateurs qui « n’a pas de prérogatives », pour répondre aux revendications de son groupe. « Nous avons notre propre approche d’un règlement que la délégation n’a pas voulu attendre pour en discuter », a-t-il ajouté, réclamant, outre l’annulation de la hausse des prix et l’éviction du gouvernement, « un partenariat dans toutes les structures de l’Etat ».

Le groupe Ansarullah, qui affirme représenter la minorité zaydite, issue de l’islam chiite, lutte contre le pouvoir central depuis une dizaine d’années. Il contrôle la région de Saada et est soupçonné de vouloir élargir sa zone d’influence dans le futur Etat fédéral devant compter six provinces.

En outre, des adversaires de la rébellion chiite ont eux aussi réagi. Ils se sont rassemblés par dizaines de milliers dans le centre de la capitale en soutien au régime, a rapporté un correspondant de l’AFP. Aux insurgés qui hurlaient « le peuple veut la chute du gouvernement », les partisans du régime, qui paradaient 5 kilomètres plus loin, scandaient des slogans promettant la fin de la rébellion : « O Houthi, Sanaa sera ton tombeau ».

En fait, la tension entre le pouvoir et les rebelles a accentué l’exaspération d’une population, mise à mal par les difficultés économiques que connaît le pays, et la vague de violences attribuée ou revendiquée, notamment par Al-Qaëda, actif au Yémen.

Craintes de dérapage

« Nous vivons dans la peur et je crains que la situation ne se dégrade davantage et que Sanaa ne connaisse le même sort que la province d’Amrane », a déclaré à l’AFP une militante, Amal Al-Yafaï, témoignant d’un malaise dans l’opinion publique.

Selon des analystes, la tension générée par ce bras de fer entre le pouvoir et les insurgés complique les chances d’un règlement négocié.

« Il est encore possible de trouver un règlement négocié, mais l’escalade rendrait plus difficile une telle perspective », a noté April Longley Alley, spécialiste du Yémen à l’International Crisis Group.

La militante Tawakol Karman a dénoncé le recours des insurgés d’Ansurullah « à la violence pour faire aboutir des revendications politiques », ajoutant être sortie manifester dans la rue pour « défendre la République et rejeter la violence ».

Dans une déclaration à l’AFP, Mme Karman, prix Nobel de la paix 2011, membre du parti islamiste Al-Islah (sunnite), rival d’Ansarullah, s’est élevée contre ces rebelles « armés, qui encerclent la capitale ou observent des sit-in dans la ville ».

Adel Al-Ahmadi, analyste et journaliste au quotidien yéménite Al-Arabi Al-Youm, prévoit le recours à la violence par la rébellion chiite, tout en considérant le lieu de sit-in.

« La zone stratégique où les Houthistes ont commencé leur sit-in est dangereuse. C’est à travers elle que la rébellion pourra arrêter le mouvement de l’aéroport et cibler la principale base de l’armée près de l’aéroport », indique-t-il, en expliquant qu’un affrontement entre la rébellion et ses adversaires est probable à tout moment. « La région Al-Garaf du sit-in est proche de la zone Al-Hasbah, bastion du cheikh Al-Ahmar, l’un des grands adversaires des Houthistes ».

Ainsi, avec cette situation, les appels à « l’unité nationale » semblent résonner dans le vide.

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