Profitant du soutien de l’Arabie saoudite, le plus influent homme politique sunnite libanais Saad Al-Hariri a fait un retour surprise au pays après 3 ans d’absence. Accueilli en grande pompe, Saad Al-Hariri a rencontré, dès son arrivée à Beyrouth, le premier ministre, Tammam Salam, avant de se recueillir sur la tombe de son père assassiné en février 2005, l’ex-premier ministre Rafic Al-Hariri. « Notre choix est de soutenir l’Etat et d’aider l’armée et les forces de sécurité, même si des erreurs ont été commises », a déclaré Al-Hariri dans un communiqué après avoir rencontré des membres du Courant du Futur, le mouvement qu’il dirige.
Une déclaration plutôt vague. L’objectif essentiel de ce retour n’a pas été révélé jusqu’à maintenant, mais les analystes voient que son retour n’est pas dû au hasard. « Le Liban est dans une situation critique, politiquement parlant : il n’a pas de président, pas de gouvernement, le Parlement est impuissant et faible, et le conflit syrien aggrave les divergences politiques. Face à cette situation, seul Saad Al-Hariri peut combler le fossé », explique Sameh Rachad, analyste au Centre des études arabes au Caire. Et d’ajouter : « Il est rentré à temps pour participer aux élections législatives. Il peut occuper un poste remarquable dans le nouveau gouvernement ».
Depuis son exil forcé après la chute de son gouvernement en 2011 à la suite de la démission de ministres du Hezbollah, sa bête noire, dont 5 membres ont été accusés d’implication dans le meurtre de son père, Hariri résidait entre Paris et Riyad, en Arabie saoudite, pour des raisons de sécurité, plusieurs personnalités de son camp politique ayant été assassinées ces dernières années.
Retrouver le leadership sunnite
Le départ de Saad Al-Hariri avait alors entraîné un effondrement du leadership sunnite libanais modéré, poussant une frange de cette communauté à se solidariser avec les mouvements les plus radicaux. De même, le retour de Saad Al-Hariri coïncide avec l’annonce d’un don saoudien d’un milliard de dollars à l’armée libanaise pour faire face aux débordements du conflit syrien. Le chef des forces armées, le général Jean Kahwaji, avait demandé à plusieurs reprises à la France d’accélérer la livraison des armes promises dans le cadre de l’accord saoudien de 3 milliards de dollars passé en décembre dernier. Mais aucun accord n’a été trouvé sur la liste finale du matériel à livrer. Et il semble que Hariri va s’occuper de ce dossier.
« Les pays arabes attendaient le retour de Hariri pour aider le Liban financièrement et le soutenir politiquement, c’est la seule personnalité digne de leur confiance », explique Sameh Rachad. Partageant le même avis, Ayman Abdel-Wahab affirme que les pays du Golfe n’aident jamais le Liban sans la présence d’un leader sunnite de poids. « Aujourd’hui, les Saoudiens sont clairement derrière Hariri », précise-t-il. L’ancien premier ministre revient aussi pour afficher son soutien à l’armée dans son combat face aux djihadistes extrémistes.
En effet, le conflit en Syrie a exacerbé les divisions au Liban entre partisans et détracteurs du pouvoir à Damas, et surtout entre sunnites et chiites, en particulier depuis que le Hezbollah chiite combat aux côtés du régime de Damas. « M. Hariri est revenu pour remettre les choses au clair. Oui, nous sommes pour la révolte (syrienne) et la chute des dictatures, mais nous sommes solidaires avec l’armée », a expliqué à l’AFP Moustapha Allouche, un responsable du Courant du Futur.
Ainsi, le retour de M. Hariri intervient en plein conflit entre armée et djihadistes et en coïncidant avec l’entrée de l’armée dans la ville sunnite d’Ersal (est), théâtre durant plusieurs jours de violents combats avec des djihadistes.
Alors que le Liban est plus que jamais divisé sur le conflit syrien, l’arsenal d’armes du Hezbollah et son implication en Syrie aux côtés des troupes de Bachar Al-Assad restent la crainte majeure de beaucoup de sunnites. Tandis que le Hezbollah assure, pour sa part, se battre pour défendre le Liban des islamistes.
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