Repoussés à plusieurs reprises des portes de Bagdad, les djihadistes de l’Etat Islamique (EI) — qui se sont emparés le mois dernier d’une grande partie du nord de l’Iraq —, optent désormais pour une nouvelle stratégie : celle des attentats. Dimanche dernier, l’EI a revendiqué les attentats meurtriers qui ont eu lieu la veille à Bagdad, pourtant épargnée depuis le début de l’offensive des djihadistes. L’EI a revendiqué quatre des sept attaques ayant fait samedi une trentaine de morts dans des quartiers chiites de Bagdad, affirmant que ces attentats avaient fait plus de « 150 victimes ». Une fois de plus, ce sont les chiites qui sont pris pour cibles. Le risque d’une guerre confessionnelle plane sérieusement sur ce pays. D’autant plus que les chrétiens sont, eux aussi, dans la ligne de mire des djihadistes (voir sous-encadré).
Selon les analystes, en menant de telles attaques contre Bagdad, l’Etat islamique change de stratégie mais pas de cible.
Après s’être emparé le mois dernier, avec une facilité déconcertante, d’une grande partie du nord de l’Iraq, l’EI s’est lancé à plusieurs reprises à la conquête de Bagdad, mais s’est heurté à chaque fois aux forces armées iraqiennes. Et depuis le 9 juin, date du lancement de l’offensive des insurgés sunnites sur le terrain, c’est le statu quo. L’offensive a été tant bien que mal stoppée par ce qui reste des forces fédérales, sans qu’elles aient eu pour autant la capacité de contre-attaquer. D’ailleurs, la semaine dernière, l’armée n’a pas réussi à reprendre la ville stratégique de Tikrit.
Maliki appelé à partir
Pour l’EI, Bagdad, qui marque la frontière entre le nord, où vivent les sunnites alliés de circonstance de l’EI, et le sud, où est établie la communauté chiite, reste l’objectif ultime. Or, si la capitale venait à tomber, la crise pourrait s’intensifier et le pays sombrer dans un chaos généralisé, voire dans une guerre civile à caractère confessionnel. Seul rempart contre ce scénario : parvenir à une entente politique à même de désamorcer un volet de la crise, volet qui concerne le maintien du premier ministre Nouri Al-Maliki au pouvoir.
Ce dernier s’accroche toujours au pouvoir, mais les appels à sa démission se multiplient à l’échelle internationale comme à l’intérieur de l’Iraq, où différentes factions politiques s’opposent à ce qu’il brigue un troisième mandat. Nombreux sont ceux qui estiment aujourd’hui qu’il n’y a aucune chance de rétablir l’unité de l’Iraq tant que Maliki est au pouvoir.
Au pouvoir depuis 2006, M. Maliki est contesté en raison de son autoritarisme et de sa politique de discrimination envers les sunnites et les Kurdes. Cette contestation a pris de l’ampleur suite à la montée de l’EI, certains accusant M. Maliki d’en être responsable, en raison de sa politique envers les sunnites. En effet, selon les analystes, les insurgés sunnites, certes bien armés et équipés, doivent aussi leur force au ralliement de divers acteurs de la communauté sunnite.
A cela s’ajoute la grogne des chrétiens. Ahmad Chalabi, important politicien chiite et un des concurrents de M. Maliki pour le poste de premier ministre, a blâmé dans un communiqué le gouvernement qui « a failli à sa tâche de protéger les citoyens iraqiens » dont les chrétiens « font partie intégrante ». Celui-ci a appelé le Parlement à élire rapidement un président de la République afin de former un nouveau gouvernement. Après plusieurs reports causés par de profondes divisions politiques, les députés ont élu la semaine dernière le chef du Parlement, Salim Al-Joubouri, et doivent désormais choisir le président de la République, à qui il reviendra de désigner un premier ministre. Une mission difficile .
Chrétiens de Mossoul : L’exil ou la mort
Après l’expiration de l’ultimatum lancé par les djihadistes de l’Etat Islamique (EI), les chrétiens de Mossoul ont commencé à quitter leur ville. Les hommes de l’EI, qui contrôlent en partie le nord et l’ouest de l’Iraq, leur ont ordonné soit de se convertir à l’islam, soit de payer un impôt spécial, faute de quoi ils seront tués. Le « calife » Abou-Bakr Al-Bagdadi donnait jusqu’au samedi 19 juillet aux chrétiens pour « quitter le territoire du califat islamique ». Et le communiqué d’insister : « Après cette date, il n’y aura plus entre eux et nous que le glaive ». La population chrétienne de Mossoul s’élevait à environ 100 000 personnes. Elle était évaluée à 35 000 avant le début de l’offensive, selon le patriarche chaldéen Louis Sako. Presque tous ont fui la ville avant l’expiration de l’ultimatum, d’après lui.
Des habitants sunnites de Mossoul, bravant leur peur de s’exprimer, ont signifié dimanche leur solidarité avec les chrétiens et affiché leurs distances vis-à-vis de l’EI. Des responsables des villes saintes chiites de Kerbala et Najaf, accueillant déjà de très nombreux réfugiés chiites, ont déclaré que les portes de leurs cités étaient ouvertes aux chrétiens.
A Washington, le département d’Etat a condamné « la persécution systématique des minorités » par l’EI, et le pape François a dénoncé dimanche les persécutions des chrétiens d’Iraq, « chassés » et « dépouillés de tout ».
La fuite massive des chrétiens de Mossoul est le plus récent déplacement de population provoqué par les combattants de l’EI. En tout, l’offensive menée par l’EI depuis le 9 juin dernier a forcé quelque 600 000 personnes à quitter leurs foyers (toutes confessions confondues).
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