Parallèlement à la crise politique aiguë et à la situation sécuritaire désastreuse, rien ne va plus entre Bagdad et Erbil. Depuis le début de l’offensive des insurgés sunnites, les tensions entre le gouvernement central de Bagdad et le région autonome du Kurdistan vont en crescendo, éloignant un peu plus la perspective d’un gouvernement d’union nationale.
Les forces de la région autonome du Kurdistan iraqien se sont emparées cette semaine de deux importants champs de pétrole près de Kirkouk : celui de Bai Hassan et de la zone de Makhmour. La production de ces champs, estimée par le ministère du Pétrole à Bagdad à 400 000 barils par jour, « va servir d’abord à faire face à la pénurie de produits raffinés sur le marché intérieur », selon un communiqué des autorités qui ont précisé que le personnel était invité à coopérer ou à partir.
Référendum d’indépendance
Cette initiative vivement condamnée par Bagdad est intervenue au moment où la crise entre les deux partiesa éclaté. Les autorités kurdes, qui ont déjà annoncé leur volonté de tenir rapidement un référendum d’indépendance, ont carrément demandé à M. Maliki de quitter le pouvoir, le qualifiant d’« hystérique » après ses déclarations accusant la province autonome d’être le quartier général des insurgés. Dans la foulée, les ministres kurdes ont en outre annoncé qu’ils boycottaient les réunions du Conseil des ministres. Aussitôt dit, M. Maliki a chargé un chiite de remplacer le ministre des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, l’un des membres kurdes du gouvernement ayant décidé d’en boycotter les réunions.
Or, ces tentions ne font qu’accentuer la crise en Iraq, compromettant les tentatives de formation d’un gouvernement d’unité nationale qui permettrait à la classe politique de présenter un front uni face à l’offensive fulgurante lancée le 9 juin par des insurgés sunnites menés par les djihadistes de l’Etat islamique.
D’un côté, les députés iraqiens ne sont toujours pas parvenus à un consensus qui permettrait le choix d’un président du Parlement, ainsi que l’élection d’un président de la République chargé de désigner un prochain premier ministre, censé former un gouvernement d’union pour sauver le pays de l’implosion. Et pour certains, c’est M. Maliki lui-même — qui refuse de se retirer pour laisser la place à une personnalité moins décriée, qui serait derrière ce sabotage pour gagner du temps. « Il essaie de faire durer le jeu car c’est sa seule chance », a ainsi déclaré à l’AFP un diplomate occidental. Selon un accord non officiel, le président du Parlement doit être sunnite, le président de la République kurde et le premier ministre chiite.
De l’autre côté, l’impasse politique qui se poursuit va de pair avec l’avancée des groupes armés djihadistes, appuyés par d’anciens partisans de Saddam Hussein. Après quelques semaines où les lignes de front sont restées relativement stables, les insurgés ont repris l’offensive jeudi dernier. Leurs assauts contre Ramadi puis Haditha dans l’ouest ont été repoussés, mais ils se sont emparés, dimanche, d’une grande partie de Dhoulouiyah, et ont même fait sauter un pont pour empêcher l’acheminement de renforts de l’armée.
En effet, les reproches contre M. Maliki portent aussi sur l’incapacité des forces armées à enrayer l’avancée des djihadistes et à reprendre le contrôle des zones perdues. Face à cette situation désastreuse, à l’étranger comme en Iraq, on espère qu’un gouvernement d’union pourrait aider à réconcilier avec Bagdad la minorité sunnite, qui a lancé un mouvement de protestation l’année dernière contre le gouvernement Maliki et dont une partie soutient activement les insurgés.
Le grand ayatollah Ali Al-Sistani, la plus haute autorité religieuse chiite du pays, a de nouveau appelé les politiques iraqiens à cesser de se quereller et à se hâter de choisir un nouveau gouvernement, alors que l’Onu a mis en garde contre le risque de « chaos » en Iraq, en cas d’échec du processus politique.
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