Une escalade de violences plane sur la Libye.
Le 25 mai dernier, Ahmed Miitig et son cabinet prêtaient serment devant le Congrès Général National (CGN) à Tripoli. Une cérémonie secrète, sans médias. Le siège du gouvernement étant occupé par le gouvernement sortant, M. Miitig a réuni ses ministres dans un luxueux hôtel de la capitale. Ce même jour, le gouvernement de Abdallah Al-Thani, premier ministre démissionnaire, se retrouvait également pour sa réunion hebdomadaire. Abdallah Al-Thani a, en effet, déclaré qu’il resterait à la place, en attendant que la justice détermine s’il doit céder le pouvoir à Ahmed Miitig, élu par le Parlement début mai, lors d’un vote contesté et appuyé par les islamistes.
La controverse remonte à début mai, lorsque M. Miitig a été élu lors d’un vote chaotique au CGN. Plusieurs députés libéraux ont accusé les blocs islamistes d’avoir laissé le vote ouvert pour des retardataires après l’annonce du résultat, afin d’atteindre les 121 voix requises, alors que M. Miitig n’avait recueilli initialement que 113 votes. Plusieurs politiciens et groupes armés avaient déjà prévenu qu’ils ne cautionneraient pas de gouvernement formé par M. Miitig, qui a reçu, malgré tout, l’investiture du Parlement.
Chacun des deux camps a reçu l’appui de milices et groupes armés— qui font la loi dans le pays faute de forces de l’ordre structurées — suscitant des craintes quant au déclenchement d’affrontements, en particulier dans la capitale.
Dans le même temps, chacun des deux premiers ministres tente de prouver sa légitimité. Au sein du CGN, le président Nouri Abou-Sahmein et les blocs islamistes défendent la « légitimité » de M. Miitig et pressent son rival de lui remettre le pouvoir sous peine d’être « poursuivi pour acte criminel ».
De l’autre côté, le vice-président du CCG, Ezzedine Al-Awami, a demandé officiellement à Al-Thani de rester en fonction. Ce groupe exige le maintien du gouvernement sortant et la démission d’Abou-Sahmein.
Cet imbroglio illustre les divisions au sein du CGN sur fond de lutte d’influence entre islamistes et libéraux. Ces derniers boycottent quasiment le Congrès depuis plusieurs mois, en accusant les islamistes d’irrégularités, comme lors de l’élection de M. Miitig. « On a maintenant deux gouvernements, quasiment deux Parlements et deux armées. J’ai peur que nous ayons (bientôt) deux ou trois Etats », met en garde Suleimane Dogha, avocat et ancien membre du Conseil National de Transition (CNT), ancien bras politique de la rébellion qui a renversé le régime de Kadhafi, cité par l’AFP.
Al-Qaëda s’en mêle
Parallèlement à cette crise politique, les combats à l’est prennent des allures de véritable guerre. Les forces du général dissident Khalifa Haftar ont mené dimanche de nouveaux raids aériens contre les groupes islamistes radicaux dans la ville de Benghazi, s’attirant les foudres d’Al-Qaëda, qui a appelé à combattre cet « ennemi de l’islam ». Selon Sagr Al-Jerouchi, « chef des opérations des forces aériennes » loyales au général Haftar, ces raids ont visé leurs objectifs « avec précision ». Il fait état notamment d’un ancien palais où des membres du groupe djihadiste Ansar Al-Charia tenaient une réunion.
Al-Qaëda, dont aucun lien n’a été jusqu’ici établi avec les djihadistes libyens, a dénoncé dans un communiqué publié dimanche sur des sites djihadistes, le général dissident, dépeint comme un « ennemi de l’islam » qu’il faut combattre. « Nous vous appelons à vous unir pour extirper le symbole de la traîtrise et de l’apostasie : Khalifa Haftar et les partisans de (l’ancien dirigeant Mouammar) Kadhafi qui sont sous son commandement », a indiqué Al-Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi). « Nous avertissons nos frères libyens que le criminel Haftar exécute un plan des Croisés contre la charia, et nous appelons notamment les héros libyens de la révolte à s’y opposer fermement », poursuit Aqmi. Ansar Al-Charia avait, de son côté, déjà prévenu que le général Haftar aurait le même sort que l’ancien dirigeant déchu Mouammar Kadhafi. Le groupe avait accusé Khalifa Haftar d’être un « nouveau Kadhafi » et un « agent des renseignements américains », et lui a promis, comme à ceux qui le soutiennent, le même sort que le colonel Kadhafi, arrêté puis tué en 2011, après huit mois de rébellion.
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