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Vide présidentiel à haut risque au Liban

Abir Taleb, Mardi, 27 mai 2014

Depuis presque une semaine, le Liban est sans président. Cette vacance pourrait exacerber la crise politique déjà fortement attisée par le conflit en Syrie.

Malgré cinq convocations ces deux derniers mois pour choisir un nouveau président, le Parlement n’a pas réussi à le faire, faute de quorum ou de majorité requise. Lors de la 5e session, jeudi dernier, l’élection présidentielle a été reportée sine die. Le gouvernement de Tammam Salam assumera les pouvoirs exécutifs jusqu’à l’élection d’un nouveau président. Un scénario que le pays a connu en 1988, en pleine guerre civile, et en 2007.

Rien de surprenant et rien de nouveau dans ce pays habitué aux soubresauts politiques en tous genres. Sauf que cette fois-ci, l’ombre de la guerre en Syrie plane. D’ailleurs, dans un discours d’adieu avant de quitter le palais présidentiel, M. Sleimane a appelé « le Parlement à élire un président sans plus tarder, sinon, il aura à assumer la responsabilité des dangers de la vacance de ce poste ». Car, selon lui, « ce poste est le symbole de l’unité du pays », et l’absence d’un président constitue « une menace », surtout si ce vide est « intentionnel ».

La paralysie politique est due à un important clivage entre les deux principaux camps: celui dit du 14 Mars, hostile au régime syrien, et au mouvement chiite armé Hezbollah, et celui, dit du 8 Mars, emmené par le Hezbollah. Le premier est appuyé par Washington et Riyad, et le second par Damas et Téhéran. Ce clivage existe certes depuis longtemps, mais il est attisé par la crise syrienne.

Le camp du 14 Mars soutient Samir Geagea— virulent opposant au régime syrien et au Hezbollah — et accuse ses adversaires d’avoir boycotté les sessions du Parlement, pour empêcher que le quorum exigé pour l’élection soit atteint. En face, Michel Aoun, candidat du camp du 8 Mars, cherche en vain à obtenir un consensus autour de sa candidature. Les deux hommes sont ennemis depuis la guerre civile qui a ravagé le Liban entre 1975 et 1990.

Dimanche dernier, dans un discours à l’occasion du 14e anniversaire du retrait israélien du Sud-Liban, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a souhaité que le pays ait un président « qui ne conspire pas contre nous », alors que l’ancien chef d’Etat, Michel Sleimane, réclamait un désarmement du mouvement chiite. Affichant une fois de plus son soutien à Damas, Nasrallah a déclaré que « l’axe de la résistance » anti-israélienne et le régime du président syrien Bachar Al-Assad allaient l’emporter dans le conflit en Syrie.

L’incapacité d’élire un nouveau président prouve une fois de plus que ce qui se passe au Liban est profondément lié au contexte régional. En effet, le choix du président a quasiment toujours été dicté par des puissances étrangères, et en particulier par la Syrie, puissance tutélaire durant 30 ans jusqu’au retrait de ses troupes du Liban en 2005.

Malgré ce retrait, Damas a toujours son mot à dire, notamment à travers ses alliés, au premier rang desquels le Hezbollah, qui combat les rebelles à ses côtés. Ainsi, selon Ghassan Azzeh, professeur de sciences politiques à l’Université libanaise, cité par l’AFP, l’incapacité des Libanais à élire un président « prouve une fois de plus qu’ils ne peuvent pas gérer leurs affaires par eux-mêmes ». Pour lui, une « entente saoudo-iranienne avec le parrainage américain » est désormais nécessaire

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