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Mona Soliman : Il s’agit d’imposer un nouvel équilibre des forces dans la région

Maha Salem , Mercredi, 04 décembre 2024

3 questions à Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, sur les conséquences régionales des derniers développements en Syrie.

Mona Soliman

Al-Ahram Hebdo : Les derniers développements en Syrie ont une incidence régionale importante d’autant plus qu’ils interviennent dans un contexte fébrile. Qu’en est-il ?

Mona Soliman : En effet, pour ce qui est de la Syrie, les intérêts de plusieurs pays se croisent, s’accordent ou s’opposent. C’est pour cela que plusieurs pays peuvent profiter de cette guerre. Le premier est Israël. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a déclaré que le cessez-le-feu au Liban allait lui permettre de se concentrer sur l’Iran et la Syrie, par laquelle passent les armes destinées au Hezbollah et livrées par l’Iran. Après avoir très fortement affaibli le Hezbollah et le Hamas, Israël veut se tourner vers les milices pro-iraniennes en Syrie puis celles en Iraq, avant de s’attaquer aux Houthis, au Yémen. C’est-à-dire tous les proxys de l’Iran. Et c’est ce que ne cesse de répéter Netanyahu, qui dit vouloir se concentrer sur la « menace » iranienne.

— Quelles sont les positions de la Turquie, de la Russie et des Etats-Unis ?

— La Turquie soutient, en effet, les groupes rebelles qui oeuvrent dans le nord de la Syrie et qui se trouvent dans la région d’Idleb, sous contrôle du HTS depuis 2017 et sous protection turque. Ces groupes sont entraînés et financés par Ankara, qui veut renforcer son influence dans le nord de la Syrie pour sécuriser ses frontières. Une telle offensive peut donc aider la Turquie à prendre le contrôle des zones kurdes. D’autre part, Ankara veut une réconciliation avec Damas selon ses conditions. Jusque-là, Damas refuse de négocier avec elle et conditionne un retrait turc de tous les territoires syriens avant toute réconciliation. Avec cette offensive, Ankara espère contraindre Damas à la négociation et en même temps fragiliser les forces kurdes. En parallèle, la Turquie veut tirer profit du déclin de l’influence iranienne dans la région, avec les coups durs subis par le Hezbollah et le Hamas. Elle veut aussi montrer au président américain élu Donald Trump qu’elle est un allié qui va protéger les intérêts américains dans la région. Paradoxalement, même si Moscou et Téhéran sont alliés, Moscou préfère voir décliner l’influence de l’Iran en Syrie pour y garder la main haute. Pour ce qui est des Etats-Unis, ils veulent obliger l’Iran à faire des concessions en ce qui concerne notamment son appui à l’« axe de la résistance ». En fait, la Turquie, les Etats- Unis et la Russie veulent garder leur influence sur la Syrie et exclure celle de l’Iran. Il s’agit d’imposer un nouvel équilibre des forces.

— Et quels sont les scénarios possibles ?

— Cette offensive ouvre la voie à l’intégration de tous les groupes opposants à Damas au sein du HTS. Ce qui peut doubler le nombre de combattants, ce qui inquiète notamment, c’est que le leader du groupe, Abou Mohamed Al-Joulani, est apparu en costume civil pour prendre une allure politique et montrer qu’il est prêt à la négociation.

Deux scénarios sont possibles. Ou bien l’armée syrienne, qui n’a presque pas combattu dans cette offensive, va lancer une contre-attaque, ce qui va intensifier le conflit et nous ramener aux heures les plus noires de la guerre civile, ou bien on verra l’intervention de grandes puissances pour éviter que ça ne dégénère.

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