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Nourhan Al-Sheikh : Entre l’Iran et Israël, c’est une stratégie de confrontation maîtrisée

Maha Salem , Mercredi, 30 octobre 2024

Le cycle de représailles entre Téhéran et Tel-Aviv a-t-il pris fin ou bien le risque d’un engrenage pèse-t-il encore ? Eléments de réponse avec Nourhan Al-Sheikh, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire.

Nourhan Al-Sheikh

Al-Ahram Hebdo : Comment évaluer l’attaque israélienne contre l’Iran ?

Nourhan Al-Sheikh : Israël a menacé à plusieurs reprises de frapper les institutions nucléaires iraniennes et de mener des frappes d’ampleur à même de causer des pertes considérables. Mais ceci est difficilement réalisable pour deux raisons. D’abord, la communauté internationale, surtout les Etats-Unis, ne veut pas d’une telle option. Ensuite, une grosse attaque impliquerait à nouveau une importante réponse iranienne. C’est donc très risqué. Et c’est pour cela qu’Israël s’est contenté d’une riposte pour la forme, pour sauver la face. Ceci est devenu habituel ente ces deux pays ennemis, chacun vise l’autre, mais sans causer de vraies pertes. Comme l’Iran, Israël a mené cette attaque pour démontrer ses capacités offensives tout en évitant l’escalade. C’était exactement le même objectif de l’Iran quand il a lancé, le 1er octobre, quelque 200 missiles sur le territoire israélien. Les dégâts résultant de ces frappes étaient limités. A son tour, Tel-Aviv a voulu que ses représailles soient proportionnées, afin que l’Iran n’ait pas besoin de répondre à nouveau. Sinon, on se retrouverait dans un cercle de représailles sans fin.

— L’affaire est-elle finie à ce stade alors ?

— On ne peut pas dire qu’il s’agit d’une vraie guerre. On est toujours dans la phase de « ni guerre, ni paix ». Plusieurs indices montrent que les deux camps ne veulent pas s’affronter directement ou entrer dans une guerre élargie. Premier indice : le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, a appelé le Conseil de sécurité à se réunir d’urgence pour condamner les frappes israéliennes de samedi contre son pays. Autre indice : l’Iran a affirmé son droit à se défendre contre les actes d’agression étrangers, mais sans menacer ouvertement de frapper Israël. Et Israël a, à son tour, menacé l’Iran de lui faire payer un prix élevé s’il ripostait. Toutes ces déclarations offensives sont habituelles. Le face-à-face est freiné à ce point, pour autant, il n’est jamais fini.

— Sommes-nous donc face à une stratégie de confrontation maîtrisée avec des frappes ciblées et une dissuasion mutuelle ?

— Tout à fait. La situation actuelle entre l’Iran et Israël est une stratégie de confrontation maîtrisée. Pour la première fois, Israël a annoncé publiquement avoir attaqué l’Iran, son ennemi juré, en lançant des frappes contre des installations de fabrication de missiles. Les forces aériennes israéliennes n’ont pas pénétré l’espace aérien iranien, elles ont frappé à travers les frontières. Israël a utilisé des couloirs sécurisés au-dessus des bases militaires américaines en Iraq et en Syrie. L’Iran fait de même. Chacun informe l’autre à l’avance, d’une façon indirecte à travers leurs alliés, des lieux de frappes. L’objectif est toujours de ne pas infliger de grosses pertes dans le camp adversaire pour éviter de vraies représailles. Israël évite de mener une guerre ouverte avec l’Iran vu les capacités de Téhéran et vu qu’une telle guerre lui coûterait cher à plusieurs niveaux.

— Les Etats-Unis ont certainement leur mot à dire, à quoi s’attendre après les élections ?

— Tout d’abord, l’Administration américaine soutient Israël dans tous les cas. La politique américaine est toujours la même, elle ne change pas et n’exerce aucune pression réelle sur Israël pour stopper l’escalade dans la région. Au contraire, c’est Tel-Aviv qui fait pression sur Washington pour ne pas parvenir à un accord avec l’Iran sur le dossier nucléaire. Il est vrai que Washington a réussi à éviter une véritable escalade entre l’Iran et Israël, mais la pression américaine sur Israël est limitée, surtout en cette période pré-électorale.

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