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Tripoli : la transition politique dans le chaos

Maha Salem avec agences, Mardi, 18 mars 2014

Après la destitution de Ali Zeidan par le Congrès libyen, c’est le ministre de la Défense qui assure l’intérim. Le pays est profondément divisé, toujours soumis à des enjeux sécuritaires importants.

Comme prévu, l’ex-premier ministre libyen, Ali Zeidan, a dénoncé la « falsification » du vote de défiance au Parlement ayant conduit à son limogeage la semaine dernière. M. Zeidan a accusé deux blocs politiques d’être derrière son éviction lors de cet énième vote de défiance : le Parti pour la Justice et la construction, émanation des Frères musulmans, et le bloc Wafa, plus radical.

L’éviction de M. Zeidan n’est qu’un épisode de plus dans la crise libyenne qui prend de l’ampleur jour après jour. « Cet acte traduit la montée des Frères musulmans et leur succès à reprendre le pouvoir. Mais le pays reste toujours menacé de guerre civile et de partition », explique Zeyad Akl, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Les détracteurs de l’ex-chef du gouvernement avaient déjà essayé à plusieurs reprises de le faire tomber mais n’avaient jamais atteint les 120 voix nécessaires sur les 194 élus du CGN (Congrès Général National). Ali Zeidan, un indépendant appuyé par les libéraux, était régulièrement critiqué pour n’avoir pas su rétablir la sécurité, plus de deux ans après la chute du régime de Mouammar Kadhafi.

Si le gouvernement est pointé du doigt depuis l’entrée en fonction d’Ali Zeidan en novembre 2012, le Congrès lui aussi fait face à la grogne. Sa décision unilatérale, fin décembre, de prolonger de 10 mois son mandat, jusqu’au 24 décembre 2014, a provoqué la grogne d’une grande partie de la population et de la classe politique, qui réclament désormais sa dissolution.

Sous la pression de la rue, le gouvernement a établi une nouvelle feuille de route prévoyant des élections anticipées, législatives et présidentielle, avant même l’adoption d’une Constitution. Mais le Congrès n’a pas donné de calendrier précis et n’a pas trouvé de consensus sur le mode d’élection du président : suffrage universel ou système parlementaire.

Pendant ce temps, des factions et groupes d’ex-rebelles forment un cocktail dangereux qui pourrait faire basculer le pays dans la guerre civile. Les autorités n’ont jusqu’à présent pas réussi à former une police et une armée professionnelles et, signe de leur faiblesse, elles sont régulièrement la cible d’attaques. Ali Zeidan a lui-même été enlevé durant quelques heures par un groupe armé en octobre. Le CGN a été aussi attaqué la semaine dernière par des protestataires, et deux députés ont été blessés par balle.

Après ce coup de force politique, les islamistes semblent aussi déterminés à gagner du terrain sur le plan militaire et à exclure leurs principaux rivaux. Ainsi, peu après le limogeage d’Ali Zeidan, le Conseil local et militaire de Tripoli a publié un communiqué réclamant le départ de toutes les formations positionnées dans les sites stratégiques, particulièrement à l’intérieur de l’aéroport international de Tripoli et sur la route de l’aéroport. En outre, le CGN a ordonné de former une « force armée pour libérer et lever le blocage sur les ports pétroliers ».

Cette force devrait être composée d’unités de l’armée et d’ex-rebelles ayant combattu le régime de Mouammar Kadhafi en 2011, même si les rivalités au sein des factions et groupes d’ex-rebelles et la prolifération des armes récupérées dans l’arsenal de l’ancien dictateur forment un front dangereux.

Le pétrole au coeur des tensions

Il aura fallu l’intervention des Etats-Unis pour mettre un terme à la crise autour de l’exportation illégale du pétrole libyen. Les forces spéciales de la marine américaine, les Navy Seals, sont montées à bord d’un pétrolier qui transportait du pétrole brut acheté illégalement à des rebelles libyens, a annoncé lundi le Pentagone. Personne n’a été blessé « lorsque les forces américaines, à la demande à la fois des gouvernements libyen et chypriote, ont abordé et pris le contrôle du pétrolier Morning Glory, un navire qui avait été capturé un peu plus tôt ce mois-ci par trois Libyens armés », a déclaré dans un communiqué le responsable du service de presse du Pentagone, l’amiral John Kirby.

Cela dit, le problème n’est pas prêt à prendre fin. Au contraire, la crise autour du pétrole, en plus d’une crise politique aiguë, fait planer la menace d’une guerre civile, notamment avec les manoeuvres des forces loyales au Parlement face aux rebelles autonomistes de l’Est.

Le 26 mars prochain expire l’ultimatum fixé par les autorités libyennes aux rebelles autonomistes pour lever le blocage des sites pétroliers dans l’est du pays. Selon le président du Congrès Général National (CGN, Parlement), Nouri Abou Sahmein, une opération militaire en préparation pour libérer ces sites devait être suspendue avant la date de l’ultimatum. Le Congrès a aussi annoncé la formation d’une force militaire chargée de « libérer » les sites pétroliers, une opération qui pourrait raviver des tensions et rivalités tribales et des velléités séparatistes dans l’Est.

Au cours des derniers mois, l’ex-premier ministre, Ali Zeidan, avait menacé à plusieurs reprises de recourir à la force pour lever le blocage, sans toutefois passer à l’action. Le chargement d’un pétrolier battant pavillon nord-coréen a ravivé les critiques contre le premier ministre, en particulier après l’échec de l’arraisonnement du pétrolier par la marine libyenne

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