Le 26 juillet 2013, lorsque Mohamed Brahmi, député de gauche, est abattu de plusieurs balles devant son domicile, le processus constitutionnel stoppe net. Une crise politique de plusieurs mois s’ouvre, l’opposition réclamant la démission d’un gouvernement incapable d’avoir su protéger un des leurs. De nombreuses manifestations ponctuent tout l’été, les islamistes d’
Ennahda étant parfois accusés directement de complicité dans la mort de Brahmi. L’opposition se retire de l’assemblée constituante, empêchant le processus constitutionnel, et exige la démission du premier ministre d’
Ennahda, Ali Larayedh. Pour sortir de la crise, un «
dialogue national » est mis en place sous l’égide de la puissante centrale syndicale UGTT, de l’organisation patronale (UTICA), de la Ligue tunisienne des droits de l’homme et de l’Ordre des avocats. Grippées à plusieurs reprises, voire suspendues, les négociations parviennent finalement à «
aligner » le retour des députés et l’adoption de la Constitution, avec la démission du gouvernement. Ali Larayedh l’a effectivement présentée au président Moncef Marzouki le 15 janvier. L’ancien ministre de l’Industrie, Mehdi Jomaa, désigné après d’âpres tractations, est chargé de proposer son gouvernement, de compétences et apolitique. L’étape suivante, elle aussi décisive, sera la programmation des élections parlementaires et présidentielle dont la date n’a pas encore été fixée. Les islamistes d’
Ennahda rafleront-ils encore la mise comme en octobre 2011 ? Le départ du pouvoir et les efforts pour l’adoption d’une Constitution consensuelle ne sont pas désintéressés, mais la transition a aussi «
dégrossi »
Ennahda. Badreddine Abdelkefi sourit timidement lorsqu’on lui demande si la Constitution tunisienne peut être citée comme modèle, et partant, l’expérience d’
Ennahda en tant que parti politique islamiste. Cet élu, membre de la choura, souligne : «
Un modèle ? Je ne sais pas, mais un bon exemple, oui. Du point de vue de la Constitution et de la politique, on a essayé de résoudre une crise profonde dans une période transitoire. Laisser le pouvoir a été un geste énorme ». Les militants et certains élus n’ont pas toujours été faciles à convaincre, comme sur la consécration de «
la liberté de conscience ».
Amira Yahyahoui, de l’ONG Al-Bawsala, commente : « Le pouvoir a rendu les leaders d’Ennahda plus démocratiques, moins idéologues et plus politiques ». La jeune femme prédit : « Ennahda paiera cette Constitution pour certains, elle va perdre des soutiens aux extrêmes, mais elle gagnera des supporters au centre ».
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