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L’enjeu religieux, encore et toujours

Nathan Le Guay , Vendredi, 05 juillet 2024

A l’intérieur du Liban, la guerre entre le Hezbollah et Israël divise l’opinion publique en fonction des affinités politiques et des appartenances religieuses. Explications.

L’enjeu religieux, encore et toujours

Avec l’escalade des tensions entre le Hezbollah et l’Etat hébreu, et l’approbation, le 18 juin, par l’armée israélienne d’un plan d’invasion du Liban, c’est un pays avec pas moins de 18 communautés religieuses officielles qui se prépare à revivre 20 ans plus tard ce qu’il a déjà subi en 2006.

Si la communauté chiite libanaise soutient largement le Hezbollah, côté chrétien et sunnite, l’humeur est à la résignation et à la lassitude : il semble que le Liban n’échappera pas à une confrontation avec son voisin méridional. Ainsi, les fossés se creusent entre les communautés au sujet de la guerre. D’après une étude d’opinion menée par le Washington Institute for the Near East Policy, là où 73 % des chiites considèrent la guerre contre Israël comme une priorité par rapport aux réformes internes et à la lutte contre la corruption, cette proportion tombe à 34 % chez les sunnites et à 26 % chez les chrétiens.

De même, si 53 % des Libanais pensent qu’un accord politique israélo-palestinien est nécessaire pour mettre fin à la guerre plutôt qu’une solution armée, les avis sont bien plus polarisés selon l’appartenance confessionnelle. En effet, seuls 25 % des chiites sont d’accord avec cette proposition, contre 56 % des sunnites et 75 % des chrétiens.

Dans le sud du pays, région à majorité chiite où le soutien à Hassan Nasrallah, actuel secrétaire général du Hezbollah, est très fort, quelques villages chrétiens se préparent à l’offensive qui vient. A Rmeich, municipalité située à peine à quelques kilomètres de la frontière, on espère passer entre les mailles du filet. Ce petit village, qui se rappelle encore la guerre de 2006, essaie de garder ses distances avec le Hezbollah et les chiites. L’aumônier de Rmeich, père Elias, est toutefois confiant, le village ne sera pas ciblé. Il déclare pour Al-Jazeera : « Nous sommes une communauté pacifique, on ne veut pas de la guerre ».

Dans le petit village de Aalma Al-Chaab également, certains expriment leur colère et leur frustration. « On n’a pas choisi cette guerre. Nous avons le sentiment d’être pris en otage », clame le maire Jan Ghafary, cité par l’AFP.

Des relations ambivalentes

Côté officiel, arrivé le 29 juin à Tyr, dans le sud du pays, pour une visite officielle, le premier ministre libanais, Najib Mikati, a jugé que son pays était en « état de guerre ». Favorable à une désescalade, Mikati, lors d’une réunion à l’Union des municipalités de Tyr, a réaffirmé : « La résistance fait son devoir, le gouvernement également, et notre objectif est de protéger le pays dans tous les sens du terme ».

Si le premier ministre tente de garder un certain équilibre dans ses déclarations, au niveau politique, le Hezbollah attire à lui beaucoup d’oppositions, notamment parmi les partis chrétiens, comme le Courant Patriotique Libre (CPL) et les Forces libanaises, mais aussi le Courant du futur, principal parti sunnite. Ils s’opposent frontalement au Hezbollah sur la politique régionale. Rejetant toute possibilité de conflit avec Israël, ils refusent de faire le jeu de l’Iran, et dénoncent les liens que le Hezbollah entretient avec la République islamique.

Toutefois, le Hezbollah possède une image ambivalente au sein des autres communautés religieuses. Selon la même étude du Washington Institute en 2020, seuls 6 % des chrétiens avaient une image très positive du Hezbollah : ce chiffre a triplé en 2023. De même pour les sunnites, qui sont 14 % à avoir une très bonne image du mouvement, contre seulement 1 % il y a trois ans. La position du Hezbollah dans la guerre à Gaza et son soutien indéfectible au Hamas, sunnite, mais également financé par l’Iran, et au peuple palestinien ont dû contribuer à cette évolution rapide. On constate, en effet, un consensus sur la cause palestinienne, puisque plus de 90 % des Libanais, quelle que soit leur communauté, sont favorables à la rupture de tout contact avec l’Etat hébreu. Toutefois, la part des chrétiens ayant une opinion très négative du Hezbollah s’est maintenue à 59 %, tandis que celle des sunnites est passée de 60 à 34 %, toujours selon l’étude du Washington Institute for the Near East Policy.

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