Tenue cette semaine à Pékin, la 10e édition du Forum de coopération Chine-Etats arabes représente une étape importante dans la coopération bilatérale. Cette rencontre, qui marque le 20e anniversaire de la création du forum, vient confirmer que les deux parties sont déterminées à hisser leurs relations de coopération à des niveaux plus élevés. Une coopération qui s’est étendue à des domaines plus complets : d’après des données statistiques, les échanges commerciaux entre la Chine et le monde arabe ont augmenté de 36,7 milliards de dollars en 2004, année de création du Forum sino-arabe, pour atteindre 398,1 milliards en 2023.
Cette année, les participants ont adopté la Déclaration de Pékin, le plan d’exécution du Forum sur la Coopération Sino-Arabe (FCSA) pour 2024-2026 et une déclaration commune de la Chine et des Etats arabes sur la question palestinienne. La Déclaration de Pékin passe en revue le consensus important et les progrès dans la mise en oeuvre des résultats issus du premier Sommet Chine-Etats arabes, tenu en 2022 en Arabie saoudite, et explique la voie pratique à suivre pour promouvoir la construction d’une communauté d’avenir partagé sino-arabe. Elle réaffirme que la Chine et les Etats arabes continueront de se soutenir dans les intérêts fondamentaux et d’approfondir leur coopération pragmatique, notamment en termes de dialogue entre les civilisations, de gouvernance mondiale, d’intelligence artificielle et de changement climatique. Le plan d’exécution trace, pour sa part, la voie à suivre pour renforcer la construction d’un mécanisme de forum au cours des deux prochaines années et promouvoir la coopération bilatérale et multilatérale dans des domaines tels que la politique, l’économie et le commerce, l’investissement, les finances, les infrastructures, les ressources et l’environnement, les échanges culturels, l’aérospatial, l’éducation et la santé.
Cinq nouveaux cadres de coopération
S’exprimant à l’ouverture du forum, le président chinois, Xi Jinping, a déclaré que sur la base de la coopération existante entre la Chine et les pays arabes, Pékin veut mettre en place cinq nouveaux cadres de coopération pour « accélérer la construction d’une communauté sino-arabe d’avenir commun ». « Le premier est un cadre d’innovation plus dynamique », a relevé le président chinois ; le deuxième cadre porte sur la coopération en matière d’investissement et de financement ; le troisième sur la coopération en matière d’énergie ; le quatrième cadre de coopération proposé par M. Xi porte sur le renforcement des relations économiques et commerciales mutuellement bénéfiques de part et d’autre ; et le dernier cible des échanges plus importants entre les peuples. Le président chinois a, dans ce sens, évoqué l’établissement d’un Centre sino-arabe dans le cadre de l’Initiative pour la civilisation mondiale, en plus du renforcement de l’influence du Centre de recherche sino-arabe sur la réforme et le développement et de la création de plateformes et de think tank sur la coopération culturelle et touristique.
« La Chine ne cesse de critiquer l’unilatéralisme, elle plaide depuis un certain temps pour un monde multipolaire. Pékin entend être une grande puissance influente, notamment au Moyen-Orient, pas seulement une puissance économique. Et pour le devenir, elle renforce ses liens avec les pays de la région dans tous les domaines », explique Dr Ahmed Al-Beheri, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « Traditionnellement, ce sont les Etats-Unis qui sont le partenaire stratégique des pays arabes, Washington possède des bases militaires dans la plupart des pays de la région et est politiquement très influent auprès de ces pays. Mais après le Printemps arabe et l’instabilité qui règne dans certains pays de la région, Washington a perdu de son influence dans certains pays de la région. D’autre part, l’Administration américaine a décidé de se désengager progressivement, voire de laisser tomber les pays secoués par les crises politiques et économiques. Et ce sont la Chine et la Russie qui veulent combler ce vide et devenir, ou redevenir, de grandes puissances influentes », ajoute-t-il. En effet, les Etats-Unis diminuent leurs engagements politique, économique et sécuritaire au Moyen-Orient pour se recentrer sur la zone indopacifique. Ce qui a donné l’occasion à la Chine de s’imposer comme un acteur de taille dans la région. Certes, les différentes Administrations américaines tendent à présenter cette évolution comme le reflet des ambitions hégémoniques de la Chine à travers le monde, mais la réalité sur le terrain, cependant, suggère le contraire et explique l’intérêt des pays du Moyen-Orient pour l’investissement de plus en plus marqué de Pékin dans la région.
Un engagement également politique
Politiquement parlant, de grands progrès ont été accomplis. « A titre d’exemple, la Chine a joué un rôle important et influent dans la réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Elle a présenté une feuille de route pour résoudre la crise syrienne. Pékin s’est entretenu avec les Houthis pour trouver un règlement à la crise yéménite. La Chine essaie de jouer le rôle de médiateur dans les conflits au Soudan et dans la question palestinienne », souligne Al-Beheri.
« Au fil de sa montée en puissance économique et géopolitique, la Chine s’est employée à développer un vaste réseau de partenariats, que ce soit des accords de partenariats globaux ou dans des domaines spécifiques », explique Dr Bassem Rashad, politologue. Il précise : « La présence chinoise au Moyen-Orient au début des années 2000 était modeste et était limitée à l’intérêt de Pékin pour les ressources pétrolières des pays de la région. C’est à partir du début des années 2010 que la stratégie de la Chine a changé en commençant avec des liens économiques dans d’autres domaines que le pétrole et des liens politiques plus renforcés, sans oublier la coopération militaire accrue ».
En effet, Xi Jinping a noté que les relations sino-arabes n’ont cessé de se renforcer depuis la tenue du premier Sommet Chine-Etats arabes en 2022 à Riyad, en Arabie saoudite, annonçant à cette occasion que son pays accueillera le deuxième Sommet Chine-Etats arabes en 2026, ce qui constitue « un nouveau jalon dans les relations sino-arabes ». Il a, dans ce sens, réitéré la volonté de la Chine de travailler avec les pays arabes dans un esprit de coopération mutuellement bénéfique, dans le cadre de l’initiative « La Ceinture et la Route », ajoutant que le pays oeuvrera pour faire de ces relations un modèle de maintien de la paix et de la stabilité mondiales. Un mégaprojet qui inclut 60 pays dont 21 arabes et qui vise à établir un réseau de voies commerciales privilégiées devant permettre de connecter économiquement, et quasi directement, la Chine à l’Europe et l’Afrique.
Il y a 20 ans, le premier Forum Chine-monde arabe
Le Forum de coopération Chine-Etats arabes a été créé en septembre 2004 lors d’une visite du président chinois à l’époque, Hu Jintao, au siège de la Ligue arabe au Caire, en Egypte. A l’issue de la réunion en 2004, le ministre chinois des Affaires étrangères, Li Zhaoxing, et le secrétaire général de la Ligue arabe à l’époque, Amr Moussa, ont conjointement annoncé la création du « Forum de coopération Chine-Etats arabes ». Ce forum est une plateforme essentielle pour le dialogue et la collaboration entre les nations arabes et la Chine.
Dès les années 2000, Pékin a ainsi initié un accroissement de sa présence dans la région par le biais de deux mécanismes : le Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), qui se réunit tous les trois ans depuis sa création en 2000 et inclut tous les Etats d’Afrique du Nord, et le Forum de coopération sino-arabe (CASCF), qui se réunit tous les deux ans. Lors des différents sommets du FOCAC et du CASCF, la Chine a ainsi souligné à plusieurs reprises la coexistence pacifique et la coopération Sud-Sud.
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